En ce samedi soir, je plonge dans le dédale du Petit Gymnase où Christine Berrou s’apprête à faire son entrée. On l’accueille comme Beyoncé, mais en mieux. Un moment présent de jouissances, une expérience fascinante.
J’entends d’abord une voix de fumeuse d’hélium.
Puis, je la vois. Habillée d’une robe bleue turquoise à papillons ! Je me dis : “quel étrange être humain !” Pour moi, le papillon est le symbole du cycle éternel de la transformation personnelle. Quand on voit un papillon, cela annonce un changement de conscience. Et là, Christine en avait un sur l’épaule et des dizaines sur son corps.
Christine alpague un spectateur. Je ris. Ça nettoie.
Christine : « Quand j’étais petite, je voulais déjà être humoriste. Je montais déjà mes spectacles quand j’avais 6 ans et l’autre jour, j’étais en train de me dire ma famille c’était comme même le meilleur public. Et parce que ma famille, c’est mon meilleur public je voudrais que ma famille ce soir ce soit vous ? Est-ce que vous voulez être ma famille ce soir ? »
Nous exprimons un “Oui” mitigé. Appréhension
“Bienvenue chez moi, dans mon salon même si on a l’impression d’être plutôt dans une cave. Toi, Benoit tu feras mon petit frère. Tu vas en prendre plein la gueule. Ensuite, est ce qu’il y a des vieux ? {…} Est ce qu’il a une bipolaire parmi nous ?”
Doudou Nounou, Papy, Mamie, Maman, Frérot, Tonton Fred et Cousine Sidonie ont peuplé ce spectacle conversationnel. Manque de pot, elle me choisit pour incarner sa cousine Sidonie. Je me suis pourtant fait toute petite et je ne suis pas au premier rang.
« A côté de toi, Tonton Fred, ma cousine Sidonie. Je la détestais. »
Et quand au papa de Christine, absent !
« Mon père n’était pas là, parce que mon père a toujours préféré regarder le foot à mon spectacle. Oui, je sais, c’est un enculé. Mon père, c’est un intellectuel. Il a toujours pensé qu’humoriste cela ne pouvait pas devenir un vrai métier. Pendant un moment, j’ai été journaliste pour lui faire plaisir et puis j’ai réalisé qu’un journaliste c’est un petit peu comme un arbre.
C’est à dire que pour faire un beau papier, à un moment donné, il doit se laisser abattre. Ça, c’est ce que l’on appelle une blague Télérama. »
Marie Bell, Jacques Bertin, la mort, Franck Ribery, Marie Antoinette, Stéphane Bern, les réfugiés, la première série de l’humanité mènent à Dieu et son prophète : la super héroïne Christine Berrou.
Christine : « Dieu, c’est un petit peu comme un arbre. Si vous lui posez des questions, il ne vous répondra pas.
Non Sidonie !
Il sera là pour vous accompagner dans la mort. … {…}
Je voudrais juste dire pour moi qu’un immigré c’est un petit peu comme un arbre c’est à dire quelles que soient ces racines la planète en a besoin.
Et maintenant, je vais vous dire pourquoi je suis pour l’immigration vous voulez savoir la vraie raison ou pas ? »
Je me revois lui dire haut et fort : Oui.
« Mon patron s’appelle Djamel. »
Incarnant la suffragette “du droit de la femme à s’incarner dans un prophète“, elle dégomme.
« Anthony, tu peux mettre une lumière style, je parle à Dieu. »
Je la revoie tel un visage de la piéta.
« Cher Dieu, je suis dans un spectacle et tout le monde s’en tape apparemment. Je t’écris pour postuler au poste de prophète qui est vacant.
Oui, je te tutoie parce qu’en on m’a dit qu’il était partout et moi je tutoie les gens qui m’ont vu faire pipi. {…}
Tu es partout donc tu as dû voir que j’étais pas irréprochable moi aussi j’ai pécho.”
Elle se reprend : “Et le péché c’est comme un arbre.
Bon, ok, j’ai pas été touchée par la grâce par contre j’ai été touchée par la matière grasse ?”
Christine Berrou : un arbre de l’humour
Christine manie majestueusement l’art de l’autodérision. Après deux ans de philosophie (elle a redoublé 2 fois sa Terminale), elle a fait le Conservatoire de musique. Faut voir Christine and The King jouer sa chanson « Oh la la, il est trois heures. ». Il faut la voir mettre en scène ces relations amoureuses dans une cuillère à soupe sur le piffe, faut la voir parler des relations entre hommes et femmes dans le camion de Fred et Jamie. Christine c’est pas sorcier, c’est comme un arbre.
Parler de sexe, c’est toujours avec une tonitruante réplique, ni trop ni pas assez, mais avec sensibilité.
« La sodomie c’est un mot déjà c’est un mot beaucoup plus joli que l’activité qu’il nomine. »
Je suis tétanisée. Christine le sens.
« Ah Sidonie, elle prend des notes »
Je ris.
« Est-ce que Sidonie prend des notes ? »
Sidonie (moi) : « Non ! »
En fait, je prenais bien des notes. Et non, je ne suis pas journaliste. J’ai menti comme un enfant.
« Ah sinon je t’aurais aimée beaucoup d’un coup. J’aurais trouvé une autre Sidonie. Qu’est- ce que j’étais en train de dire, Sidonie ? »
Christine porte un regard tendre et bienveillant sur elle, sur sa famille – la vraie et l’adoptée : les spectateurs, son histoire et l’Histoire avec un grand H. Je suis sous le charme de ce bout d’humain qui, dans l’antre du Grand Gymnase, anime en moi un super pouvoir : le super héros que je suis.
“L’humour c’est comme un arbre“
L’arbre de la connaissance. Et se cache dans notre arbre intérieur notre authenticité. Et pour Christine, c’est cela notre super pouvoir. Christine a réussi un soir d’un samedi du 8 avril 2016, à me connecter à mon authentique : l’art de cultiver l’enfant en soi.
Sur le boulevard de Bonne Nouvelle, je me suis retournée, j’ai contemplé le théâtre du Gymnase et je lui ai dit : « Christine, tu m’as accueillie dans tes racines, l’antre du Gymnase et tu m’as souhaité bon vent après m’avoir embrassé à la sortie du spectacle. Je suis sortie par là où mon premier élan m’a conduit en début de soirée par la porte du Grand Gymnase. C’est sur cette scène que je viendrais te voir la prochaine « foi ».
Un spectacle initiatique à expérimenter au plus vite avec l’arbre Christine Berrou.
Christine Berrou
Les vendredi et samedi à 20h
Théâtre du Gymnase
Studio
38, Boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris