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Je les signe tous : Mathilde chante l’amour en langue des signes

Dans Je les signe tous, au Studio Hébertot jusqu’au 6 janvier 2018, Mathilde, révélée par le télé-crochet The Voice, propose un concert original mêlant chant, conte et langue des signes. Du point de vue de l’adolescente un peu niaise à celui de l’adulte réaliste et blasée, l’amour est disséqué sous toutes ses formes, des plus joyeuses aux plus tragiques.

Jes les signe tous
Photo © Christine Coquilleau

La mise en scène est épurée : quelques ampoules qui pendent au plafond, un tapis, deux fauteuils et un guitariste. Mathilde, la chanteuse lance des regards complices à son acolyte, Maylis, qui dans des mouvements gracieux signe les textes et les émotions que dégagent les chansons. Car c’est là que réside toute la beauté scénique du spectacle. Maylis Balian ne se contente pas de traduire les chansons en LSF (Langue des Signes Française), elle les interprète. Cela s’appelle le chansigne, une manière de signer la LSF, propre aux chansons, dans une expression plus libre, en inventant des mots et en remodelant la langue. Le spectacle devient alors accessible aux sourds, à qui se révèle le caractère poétique ou engagé des textes, ainsi qu’une initiation esthétique à la LSF pour les entendants.

Jes les signe tous
Photo © Christine Coquilleau

Une louche de sucre

Mathilde assume la naïveté de son personnage, mais pas sûr que tout le monde s’y retrouve. Les mots sont jolis et la voix est puissante. L’ensemble parlera toutefois davantage à une trentenaire fleur bleue à la recherche de l’âme sœur plutôt qu’au quadragénaire qui aura certainement plus de mal à s’identifier au personnage.

Jes les signe tous

Que cela ne l’empêche pas de pousser les portes du théâtre. Le concert est plus subtil qu’il n’y paraît. Sous cette énorme couche de sucre, tout n’est pas rose bonbon. Bien au contraire ! Au fil du spectacle, les chansons s’engagent : la liberté, le corps, le féminisme ou encore l’homosexualité, de nombreux sujets de société sont abordés, tantôt frontalement, tantôt de manière plus détournée. La langue des signes devient alors de plus en plus expressive. Mêlée à des textes incisifs, elle se transforme alors en chorégraphie.
Sourds comme entendants, elle ne laisse personne indifférent.

by Joël

Jes les signe tous

Je les signe tous

Avec Mathilde, Maylis Balian et Vladimir Medail (en alternance avec Antoine Laudière)

Tous les samedi à 17h

jusqu’au 6 janvier 2018

Studio Hébertot
18 bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris

page officielle du spectacle : Je les signe tous

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FARBEN au Théâtre de la Tempête : les couleurs d’une vie manquée

Farben, actuellement au Théâtre de la Tempête, retrace la vie gâchée d’une scientifique allemande du début du XXe siècle. Mise en scène très photographique et texte coupé à la serpe, c’est beau et déroutant à la fois.

photo Philippe Declacroix
photo Philippe Declacroix

Année 1900, Allemagne. Elle est la première femme à obtenir un doctorat de chimie. Coupée dans son élan par le machisme, l’antisémitisme et les pressions sociales, Clara Haber va vivre une existence de frustrations et d’humiliations quotidiennes. Pourtant, elle restera passive devant ce monde d’hommes qui l’étouffe. Naïve, elle voulait chercher, tout savoir et faire progresser l’humanité. Mais c’était sans compter sur la mentalité de l’Allemagne rétrograde du début du XXe siècle et l’ambition de son mari. Ce dernier donnera le coup de grâce aux rêves de la scientifique, quand il inventera la formule qui donnera le tristement célèbre gaz moutarde, utilisé sur les champs de bataille de la première guerre mondiale.

C’est cette vie pathétique que relate Farben, la pièce de Mathieu Bertholet, mise en scène par Véronique Bellegarde, au théâtre de la Tempête. Quatre tableaux titrés découpent l’histoire. Chacun de ces actes a la couleur d’un gaz, rappelant les travaux de chimie qu’aurait voulu mener Clara Haber (Odja Llorca). La pièce est composée d’une centaine de micro-séquences, comme des morceaux de puzzle, que l’on emboite les uns dans les autres.

photo Philippe Delacroix
photo Philippe Delacroix

Troublante mise en scène
Il faut l’avouer, lorsque les acteurs sont entrés en scène, nous avons eu peur. L’écriture est un peu prétentieuse, et le jeu, déroutant. Des bribes de phrases sont jetées au public, dans des apparitions fantomatiques successives. Le résultat est très esthétique, certes, mais on ne comprend pas bien où l’auteur et le metteur en scène veulent en venir. Mais petit à petit, sans nous en rendre compte, nous nous laissons porter. Il est difficile de définir clairement ce qui nous fait changer d’avis. La forme du texte est plus accessible ? La mise en scène se simplifie ?  Quelque chose d’imperceptible agit. Nous entrons totalement dans l’histoire, fascinés par le destin tragique de Clara Haber.

Il faut dire que le jeu des acteurs y est pour quelque chose. Ils semblent vivre leur rôle, jusqu’à ne faire plus qu’un avec leur personnage. On s’apitoie alors sur cette femme, tant écrasée par les conventions sociales, qu’elle ne peut plus réagir à l’hypocrisie qui l’entoure. L’odieux mépris de son mari (très bon Olivier Balazuk) nous laisse pantois. Le spectacle accorde également une grande place à la chanson. Les amateurs de Lieder, ces vieilles chansons traditionnelles d’outre-Rhin, et de chanteuses moulées dans des robes au style très art déco, apprécieront.

By Joël Clergiot

Affiche pièce Farben Théâtre de la Tempête Paris texte de Mathieu Bertholet mise en scène Véronique Bellegarde

Farben
de Mathieu Bertholet
mise en scène : Véronique Bellegarde
Avec Olivier Balazuc, François Clavier, Hélène Delavault, Laurent Joly, Odja Llorca, Sylvie Milhaud

jusqu’au 13 décembre 2015

du mardi au samedi à 20h30
le dimanche à 16h30
durée 1h30

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie Route du Champ- de-Manœuvre
75012 Paris

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Jean-Jacques et Jennifer concentrent leur humour au Théâtre la Cible

Ils sont deux et se partagent la scène du Théâtre la Cible tous les mercredi soir jusqu’au 30 décembre. Avec Concentré(s), Jennifer Phardin et Jean-Jacques Manceau signent un premier spectacle comique à l’humour bien aiguisé.

Concentrés de et avec Jean Jacques Manceau et Jennifer Phardin spectacle humour au Théâtre La cible Paris rue Jean-Baptiste Pigalle one woman et man showDeux styles, deux ambiances totalement différentes. Jennifer Phardin, c’est la femme active, ultra énergique, au sourire large et ravageur. Employée comme aide soignante dans la vraie vie, elle nous livre quelques anecdotes bien senties, avec un peps qui nous embarque totalement. Il faut dire que ces histoires sont délirantes. Drôle et attachante, parfois un peu piquante, elle occupe l’espace avec une aisance incroyable, dans une parfaite mise en scène. Soyez bien attentifs durant son sketch sur « le texte », c’est particulièrement subtil, il ne faudrait pas en manquer une ligne.

Flegme à toute épreuve

De l’autre côté du balancier, Jean-Jacques Manceau se prend la crise de la quarantaine en pleine figure. Le thème a déjà été traité, alors on se méfie un peu. Rassurez-vous, on ne reste pas perplexe longtemps. D’emblée, le ton est donné. Placide, l’ancien journaliste économique se moque de lui-même et raconte son intérêt soudain pour la course à pied et le financement participatif. Jeune père de famille, il narre avec cynisme ses déboires avec la nouvelle génération et sa façon bien à lui d’utiliser les réseaux sociaux. Il faut l’avouer, il est pertinent et beaucoup d’entre nous se reconnaissent. On rigole franchement.

Le spectacle dure une heure et comme on ne s’ennuie pas une seconde, les minutes s’écoulent à une vitesse folle. Il faut donc en profiter, de la première à la dernière scenette. Assurément, ces deux là sont sur un tremplin qui, on l’espère, les emmènera loin.

By Joël Clergiot

Concentré s Théâtre La Cible paris de et avec Jean Jacques Manceau et Jennifer Phardin spectacle humour one man woman show

Concentré(s)
de et avec Jennifer Phardin et Jean-Jacques Manceau

Tous les mercredi à 21h

jusqu’au 30 décembre

Théâtre La Cible
62bis, rue Jean-Baptiste Pigalle
75009 PARIS

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Expo : le Musée Guimet lâche ses « Tigres de papier »

Pour célébrer le 130ème anniversaire des relations diplomatiques franco-coréennes, le musée national des arts asiatiques Guimet (MNAAG) met la Corée à l’honneur. Parmi les trois expositions présentées à cette occasion, Tigres de Papier propose un voyage pictural dans l’art d’un pays encore peu connu en France.

Photo © Musée Guimet - Thierry Ollivier
Photo © Musée Guimet – Thierry Ollivier

On l’ignore souvent, mais le musée Guimet conserve la plus grande collection consacrée aux arts asiatiques en Europe. De ce fonds artistique incroyable, 130 œuvres ont été extraites pour célébrer les 130 années écoulées depuis la mise en place des relations diplomatiques entre la France et la Corée.
Lees 130 œuvres de l’exposition Tigres de papier retracent l’univers décoratif de la péninsule, du 14e au 20e siècle. Peintures, paravents, céramiques, jarres et mobiliers, toutes les facettes de l’art pictural coréen est exposé en trois périodes: l’âge d’or aux 15-16e siècles, les Lumières aux 17-18e siècles, la voie coréenne aux 19-20e siècles. Les paysages, le bestiaire et l’imaginaire suit alors une évolution qui se veut chaque fois plus moderne et distincte de ses voisins.

Faire vivre ses traditions

Difficile pour cette petite langue de terre d’exister à côté de ses imposants voisins. La Corée a longtemps vécu dans l’ombre de la Chine et du Japon. Les religion et philosophie communes (le bouddhisme et le confucianisme) ainsi que les invasions successives n’ont toutefois pas eu raison de l’identité artistique des peintres du pays. L’œil de l’expert en art asiatique y verra également les liens et les différences qui existent entre le Japon, la Chine, la Corée et l’Occident. La Corée n’ayant en effet pas échappé à une vision du monde modelé par l’esprit occidental dominant.

Photo © Musée Guimet - Thierry Ollivier
Photo © Musée Guimet – Thierry Ollivier

Il n’y a qu’à voir comment sont représentés les animaux fantastiques comme le dragon ou la tortue. Ou encore les fables populaires, subtilement évoquées dans des scènes de genre et des cérémonies uniques dans l’aire asiatique. Ces liens communs avec la Chine se démarquent grâce à des couleurs chatoyantes, un trait simple et épuré, de l’humour parfois et une calligraphie résolument originale. La salle dédiée à cette dernière est par ailleurs un véritable régal !

Tigres de papier cinq-siecles-de-peinture-en-coree Musée Guimet exposition expo Blog United States of Paris

Tigres de Papier, cinq siècles de peinture en corée
jusqu’au 22 février 2016

Tous les jours (sauf le mardi) : de 10h à 18h

Musée Guimet
6, place d’Iéna – 75016 Paris

by Joël Clergiot

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