“Ces quinze femmes, si vous saviez, quelles merveilles!”
Face à un tourbillon scénique de haute maîtrise, rien ne sert de se tortiller sur son fauteuil – même si vous avez une jolie crampe – pour saluer la redoutable efficacité de l’écriture et musicalité de la pièce Belles-Soeurs, actuellement au Théâtre du Rond-Point, Paris.
A force de lire autant de bons papiers sur la pièce de l’auteur Michel Tremblay, mise en musique par René Richard Cyr, la fine équipe du blog n’avait qu’une envie: céder à l’appel d’une langue chantante.
Les théâtraux musicaux sont une denrée rare. Alors quand une troupe traverse l’Atlantique pour nous offrir un bol dépaysant d’un mois, nul doute que la rencontre sera passionnée.
Dans une cuisine vintage, car nous sommes en 1960, une ménagère s’affaire. Elle a reçu un gros lot qui va bouleverser sa vie.
Les spectateurs se croiraient devant un soap télévisé québécois: situation cocasse, conflit générationnel et dialogues de femmes. Il y a un peu de Craquantes (The Goldens Girls en VO), de Desperate Housewifes, avant l’heure. Rajoutez-y un accent aux effluves d’érable, des expressions qui réveillent – “je vais aller voir une vue au cinéma” ou “j’ai tu lair de qqun qui a gagné qqchose“- et le dépaysement est complet.
Les personnages féminins sont de véritables pierres précieuses sur une monture sertie avec une main d’artisan, précise, complice et délicate. La présence discrète mais essentielle de Janine Sutto, la doyenne de la troupe, révèle l’attention portée à chaque personnage.
Interprétant une vieille belle-mère amochée, circulant en fauteuil roulant, l’actrice impose une présence pleine de malice.
Les airs enchantent et emballent et emportent toute l’attention de la salle. Il n’est pas rare de voir une tête ou une jambe battre le rythme des chansons jouées en live par 4 musiciens.
Maintenant que nous sommes assurés de notre attachement pour ce spectacle, il nous faut trouver les meilleurs arguments pour garder un peu plus la troupe sur le sol français.
A noter que les girls fêteront leur 150ème représentation le 6 avril, veille de la dernière à Paris.
Belles-Soeurs jusqu’au 7 avril 2012
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Quand j’étais petit, je me souviens de ma grand-mère qui achetait des timbres de Colis Épargne pour s’acheter des assiettes ou du linge de maison. C’est peu ou prou l’histoire que nous présente cette troupe québécoise au Théâtre du Rond-point. Dans les années 60, une mère de famille gagne le gros lot : un million de timbres, de quoi s’acheter tout ce qu’elle souhaite dans le catalogue et ainsi refaire entièrement sa maison. Seulement voilà, on ne colle pas comme ça un million de timbres dans un carnet, alors elle a l’idée d’appeler à l’aide sa fille et ses sœurs et belles-sœurs.
Bien évidement, on ne garde pas une quinzaine de femmes dans une cuisine sans que la température ne monte sensiblement. Toutes les palettes de bassesse humaine y sont égrainées : jalousie, bêtise, envie, intolérance, méchanceté, j’en passe et des meilleures. Mais derrière le trait épais de la caricature symbolisée par une mise en scène sous la forme d’une comédie musicale, on trouve une approche sensible de la condition de la femme dans le monde ouvrier des années 60 au Québec. Aliénation de la femme au foyer, difficulté de l’émancipation des jeunes filles, mise au ban de la société de celles qui choisissent une autre voie, solitude de celles qui n’ont pas pris le train du couple… tous ces thèmes sont tour à tour abordés dans cette comédie douce amère.
Encore un bon spectacle que nous propose le Théâtre du Rond-point.