Il y a des débuts de semaine plus légers que d’autres. Ce lundi, soir de générale au Théâtre de Châtelet, Kiss Me Kate! fait littéralement chavirer, tout en renouant avec le répertoire d’une légende musicale américaine, Cole Porter.
On rêve tous de passer l’œil derrière le large et haut rideau de scène d’un théâtre. Alors, quand les coulisses nous envoient direct dans la frénésie de la fin des années 40, à Baltimore, la découverte est un ravissement.
Le musical de Cole Porter cache bien son jeu en débutant sagement avec juste quelques techniciens, s’affairant devant le rideau gris de sécurité.
Sans réellement prévenir, l’accès au backstage nous est accessible.
Et à ce moment précis, notre cœur bat plus vite, ça bouillonne de partout. Les danseurs, chanteurs s’échauffent, répètent leur salut, les petites mains repassent et réajustent les tenues de scène alors que d’autres anticipent le bien-être des vedettes avant la première de l’adaptation musicale de LaMégère apprivoisée de Shakespeare.
Kiss Me, Kate : le décor !
Premiers accros : les deux vedettes ne brillent pas par leur complicité. Un des artistes est en retard.
Les mille et un détails – apportez vos jumelles – du décor émerveillent : étoiles sur la porte des loges, fauteuils pliables de plateau, rangées de costumes de scène, projecteurs, table de régie, nous rappellent les grands films hollywoodiens. La blondeur de certaines interprètes est incandescente et les hommes portent fier la classe à l’américaine.
L’excitation de la première échauffe les esprits. Le couple star est, en fait, composé de deux ex (Lili Vanessi et Fred Graham) qui semblent avoir passé le stade de la séparation depuis quelque temps. Mais un retour d’affection, comme un dernier sursaut, plus un quiproquo aux bouquets de fleurs et l’emballement va aller crescendo. Les tensions ne pourront plus être contenues en coulisses et déborderont sur scène avec un réel déluge d’affrontements hilarants, en rajoutant la participation de deux malfrats dont la ressemblance avec Laurel et Hardy ne semble pas du tout fortuite.
Notre avis
Le répertoire de Cole Porter reste encore trop peu connu en France, il ne fait pas partie de notre ADN. Les adaptations ou reprises sont plutôt rares pour nous permettre de nous familiariser avec des airs qui réveillent notre entrain et pourquoi pas notre romantisme. Kiss Me Kate! le musical est composé de grands tableaux chantés et dansés (Too Darn Hot, Kiss me Kate) et de beaux solos (Always True to You in My Fashion par Francesca Jackson).
L’humour est aussi potache (tarte à la crème) que raffiné, espiègle et à répétition.
On peut regretter tout de même quelques longueurs dans les parties dansées qui peuvent nuire au rythme d’ensemble de ce musical. Une spécificité anglo-saxonne à laquelle, il faut s’habituer.
Toutefois, ne nous y trompons pas, Kiss me Kate offre de vrais beaux numéros dansés comme le solo de claquettes réalisé avec maestria par Alan Burkitt, nous rappelant Singin’ in The Rain. Et ça, c’est totalement bluffant !
On soulignera la superbe voix de basse de David Pittsinger (Fred Graham / Petruchio), claire, puissante et remplie d’émotions.
La team a eu un vrai coup de coeur pour le duo mafieux qui apporte à cette comédie un second degré jouissif.
A défaut de “Potasser votre Shakespeare” (Brush Up your Shakespeare) en rentrant, Kiss Me Kate vous donnera une furieuse envie de renouer avec les airs de Cole Porte, parfaits pour accompagner le retour du plein soleil à Paris.
KISS ME KATE
musical de Cole Porter (musique et lyrics)
livret : Sam & Bella Spewack
Direction musicale : David Charles Abell
Mise en scène : Lee Blakeley
Décors : Charles Edwards
Costumes : Brigitte Reiffenstuel
Chorégraphie : Nick Winston
Lumière : Emma Chapman
Sound design : Stéphane Oskeritzian
Orchestre : Orchestre de chambre de Paris
Lilli Vanessi / Katharine : Christine Buffle
Fred Graham / Petruchio : David Pittsinger
Lois Lane / Bianca : Francesca Jackson
Bill Calhoun / Lucentio : Alan Burkitt
Hattie : Jasmine Roy
Paul : Fela Lufadeju
First Man (Gunman) : Martyn Ellis
Second Man (Gunman) : Daniel Robinson
Gremio : Jack Harrison-Cooper
Hortensio : Thierry Picaut
Harry Trevor / Baptista : Joe Sheridan
Ralph (Stage Manager) / Nathaniel : Damian Thantrey
Stage Doorman / Haberdasher : Franck Vincent
Cab driver : Thomas Boutilier
Gregory – Dance Captain : Ryan-Lee Seager
Phillip : Sean Lopeman
Harrison Howell : John Paval
Villette en Cirques se poursuit avec le grand retour du CNAC (Centre national des arts du cirque) pour le spectacle de fin d’année de la promo sortante. Euphorie collective sous le chapiteau pour …Avec vue sur la piste. Out austérité et ennui. Que du renouvellement des numéros, de l’humour pour la 27e promo aussi stylée que talentueuse !
Dès notre entrée pour prendre place dans les gradins, nous sommes conquis. Les jeunes circassiens ne sont pas cachés dans les coulisses avant de faire une entrée tonitruante ou poétique sur la piste.
Non, ils sont là pour nous accueillir, nous placer, nous faire patienter avec un p’tit tour de chant ou un morceau de pomme à la cannelle. Ça fourmille de partout, court, interpelle ou encore mieux : rase une barbe naissante.
Ces petits riens participent à la convivialité avant même que le spectacle commence. On s’attache aux premiers visages, à quelques sourires, à un trait de personnalité, à un accent aussi.
Une entrée en matière intelligente signée du metteur en scène Alain Reynaud, ancien élève du CNAC – il y a maintenant 25 ans – qui ne laisse présager que du meilleur pour la suite de la soirée aux côtés des 17 artistes fringants.
Et nos petits camarades ne se prendront pas au sérieux de la soirée. Faut dire qu’un clown (créateur de la compagnie Les Nouveaux-Nez) est à la manœuvre pour diriger ce groupe : ça se voit et ça se ressent à tous les instants.
Mais la troupe ne bâcle pas, pour autant, sa partition (tout le monde joue d’un instrument de musique) et ses numéros physiques (ils sont nombreux).
Les portées (main à main) et sauts dans les airs font frémir, mais sont toujours rattrapés. Dextérité totale quand une trapéziste à l’accent québécois se met à chanter la tête en bas ou quand elle rattrape une de ses partenaires. Exceptionnellement, les voltiges aériennes de ce spectacle ne sont pas mixtes. Les 4 jeunes femmes (Gabi, Garance, Lucie, Léa) nous bluffent avec leur cadre aérien. Leur aisance nous apporte frisson sur frisson.
L’arrivée de la bascule coréenne ne nous enchante guerre. On se souvient de précédents numéros longs, trop longs, par le passé. Ici, c’est joyeux, ça sautille avec le sourire. Les sauts s’entrecroisent avec un brio tout en fougue. Et ça ne joue pas les prolongations inutiles.
Il faut aussi citer un numéro plus inhabituel, sur un mât indien. L’arrivée de cet agrès n’impressionne pas. Mais la mise en scène autour de Lucas au crâne glabre – mais pas le torse – sera suffisamment piquante pour capter notre pleine attention. L’arrivée d’un garçon en robe va introduire une nouvelle séquence tordante où les conventions sont bouleversées. Et que dire de cet animal improbable qui nous pousse une nouvelle fois au rire.
Ces jeunes ont un tel punch, un tel humour, un tel glamour et surtout une passion débordante pour leur art que le smile ne nous quittera pas de la soirée.
Le studio ne paie pas de mine. Quentin a voulu son indépendance, le confort est spartiate et les murs sont vieillissants. L’avantage est que tout est à portée de mains dans ce petit espace de vie. Il vient d’emménager et tente de retenir la curiosité de sa mère prête à bondir pour l’aider, car le jeune homme souffre d’un handicap. Il faut dire aussi qu’il vient tout juste de s’émanciper, en quittant le confort du cocon familial de Neuilly, pour sa “garçonnière” de Barbès. Julien Dereims est la révélation de cette pièce. Il tient de bout en bout ce récit amoureux bien mené. Bluffant, sa capacité à nous faire croire au handicap de son personnage. Le doute est perceptible dans la salle jusqu’au moment ultime des applaudissements.
Quentin va vite faire la connaissance de la tornade qui habite juste à côté de chez lui, derrière la porte condamnée, plus précédemment. Julia, 23 ans, est aussi ingénue, que fraîche et spontanée. Elle n’est pas dépourvue d’humour. Anouchka Delon est parfaite dans ce rôle que l’on croirait tailler pour elle, si la pièce n’avait pas été écrite en 1970.
Quel bonheur de retrouver Nathalie Roussel capable aussi bien d’hystérie, d’écoute que de saillies bien révélées.
L’adaptation et l’actualisation de la pièce avec des références de notre époque (Lady Gaga, Lambert Wilson…) que l’on doit à Eric-Emmanuel Schmitt nous rend encore plus pétillante cette pièce et la sort de la naphtaline que l’on pourrait deviner.
La mise en scène de Jean-Luc Moreau est fine, sans artifice, pour donner pleine proximité avec les quatre comédiens sur scène.
On ressort de cette pièce avec une très agréable touche de tendresse qui nous reste accrochée au coeur.
Libres sont les papillons
succès ! Prolongations jusqu’au 29 mai 2016
Une comédie de Léonard GERSHE Adaptation Eric-Emmanuel SCHMITT Mise en scène Jean-Luc MOREAU AvecNathalie ROUSSEL, Anouchka DELON, Julien DEREIMS, Guillaume BEYELER
Sextuor de femmes désopilant, sensible et drôle. Les ladies de Coiffure et Confidences ont de la repartie à revendre pour passer une excellente soirée à Paris. La preuve, après avoir émue le public l’été dernier, elles sont de retour au Théâtre Michel en ce début d’année. On jubile !
Passer l’œil par le trou de la serrure d’un petit salon de coiffure, forcément, ça émoustille. Alors, quand il s’agit de suivre le récit de drôles de dames qui débute en 1981, dans un village breton, il n’y a pas à hésiter.
Le revival avec le duel Giscard/Mitterrand et le mariage de Lady Di et Charles en toile de fond nourrit les échanges de ces femmes de générations distinctes.
La tenancière (Marie-Hélène Lentini), dans la surenchère de sourires et d’attentions accompagnée de sa jeune employée (Sandrine Le Berre), ingénue et gauche à souhait, accueillent leurs clientes : une quinqua revêche (Brigitte Faure), une autre raffinée et racée (Isabelle Ferron), une mère de famille (Anne Richard) un brin autoritaire et excédée, ainsi que sa jeunette (Léa François) qui va se marier.
La galerie de personnages est suffisamment colorée pour nous assurer des échanges aussi variés que savoureux. Ça aurait pu tomber dans une série de clichés convenus. Mais l’écriture est fine et ciselée, jouant l’ellipse avec les saisons pour suivre l’évolution de ces drôles de dames.
Sur scène, à chaque nouvelle entrée de cliente, son lot d’échanges aussi cocasses, médisants que touchants. La métamorphose physique de l’une de ces femmes au cours du récit est impressionnante !
Aucune comédienne ne sort du lot plus qu’une autre et prend la pleine lumière au détriment des autres, car le jeu – subtil et difficile – de l’équilibre est brillamment maintenu entre chacune d’elles. Et même si l’une est estampillée “vue dans Plus belle la vie“, on oublie très vite la référence, une fois le rideau levé.
Le public féminin retrouvera le bain convivial qui lui plait tant dans un salon de coiffure. Les hommes, eux, n’en reviendront pas qu’ils soient autant sujet à l’attention de ces dames, aux côtés d’autres thèmes tout aussi essentiel que la dernière coupe à la mode et des autres mises en pli.
Coiffure et Confidences pièce de Robert Harling
mise en scène : Dominique Guillo
avec : Marie-Hélène Lentini, Léa François, Anne Richard, Sandrine Le Berre, Isabelle ferron, Brigitte Faure
du mercredi au samedi à 21h
matinées le samedi et dimanche à 17h
Après avoir passé une saison entière au Palais des Glaces, Rodolphe Sand retrouve les lumières de la scène à la Comédie des Boulevards tous les mardis. Danseur en tutu rose, Rodolphe fait ses entrechats et ses pointes.
Un détail comme un autre : il a 40 ans et son tutu, avec le temps, s’est un peu distendu… Artiste hors cadre, danseur, chorégraphe d’un nouveau style de danse, performeur, trash et tendre à la fois, Rodolphe surprend par sa générosité non simulée.
Pas de danse pour son entrée sur scène, en tutu du plus bel effet. Sa version de Carmen est comme transfigurée par ce court solo mais d’une expressivité rare, le mollet musclé comme un rugbyman.
De son coming-out à son grand-père (plutôt compréhensif) en passant par les contretemps pour composer un cocon familial avec son compagnon, Rodolphe nous conte sa vie en montagnes russes. Avec un humour délicat et intelligent, il brosse des situations de vie douces-amères mais toujours drôles.
Pour autant, Rodolphe Sand ne joue pas la facilité, en torturant le spectateur du premier rang, comme tant d’autres. Il ne demandera à éclairer qu’une seule fois la salle pour titiller et illustrer la mise en pratique de son 6e sens : un radar intégré ! Très efficace.
Rodolphe a même créé son propre style artistique : la dico-danse.
Une expression scénique qui permet de créer des mots, des phrases ou des histoires en dansant. Très ingénieux ! Mais ce qui plaît le plus à Rodolphe c’est d’être heureux. Et quand il est heureux, le samedi soir, il regarde une palme, un film récompensé au Festival de Cannes.
Et du coup, c’est nous qui sommes heureux car il résume – à se tordre de rire – avec un pointe de mauvaise foi et peut-être aussi avec justesse, ces films qui sont le fleuron du cinéma d’auteur. Si vous connaissez les chefs d’oeuvre qu’il évoque c’est extrêmement savoureux, et si vous ne les connaissez pas, vous ne serez surement pas si déçus de ne pas les avoir vus.
Pour un premier spectacle, forcément on part et on parle de soi pour faire rire, réagir, séduire. C’est forcément touchant !
L’univers de Rodolphe est à découvrir sur scène sans attendre.
Nous, on a trop attendu pour le voir… Et l’on n’hésite pas une minute pour partager ce spectacle.
Villette en Cirques continue avec l’un des moments circassiens de l’année : le spectacle de la dernière promo du CNAC – le Centre National des Arts du Cirque. Histoire de nous réchauffer avec la pleine fougue de la très jeune génération de circassiens, la 27e promotion vient s’installer à l’espace chapiteaux de La Villette pour nous présenter … Avec vue sur lapiste un mois durant ! #jubilation
Cette année, c’est un clown-accordéoniste, et un ancien élève du CNAC (il y a 25 ans), Alain Reynaud, qui met en scène les numéros des étudiants.
Autour de celui qui est aussi co-fondateur de la compagnie Les Nouveaux Nez et directeur de la Cascade – pôle national des arts du cirque à Bourg-Saint-Andéol et du Festival d’Alba-la-Romaine, les 17 élèves et leurs talents vont vous offrir une nouvelle fois un spectacle unique.
Entre rêve de cirque et appréhension du vide, ils s’approchent de la piste d’envol pour une vie choisie sans filet. Le monde a changé, mais leur engagement et leur désir de choisir le cirque comme destination sont intacts. La troupe, le chapiteau, le désir de création, l’envie de jouer ne demandent qu’à se «rêvaliser».
Devant vous, l’adresse de jeunes virtuoses qui s’exprime dans des duos de main à main, au bout de sangles, en haut du mât chinois ou indien, avec une bascule coréenne ou avec un cadre aérien.
Et si leur jeunesse n’est pas exempte parfois de maladresse, c’est toute leur fougue que ces futurs professionnels lanceront sur la piste du chapiteau.
On en frémit d’avance, et vous ?
… Avec vue sur la piste
Spectacle de la 27e promotion du CNAC
Mise en scène : Alain Reynaud
Collaboration artistique de Heinzi Lorenzen
du 27 janvier au 21 février 2016
durée : 1h30
Mercredi, vendredi et samedi à 20h
Jeudi à 19h30 et dimanche à 16h
Séance audio décrite le jeudi 18 février
La Villette
Espace chapiteaux
211, Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
CONCOURS ! Comme on aime partager nos coups de cœur spectacles, nos émotions scéniques et pour fêter les 5 ans du blog, nous vous offrons des invitations pour la représentation du jeudi 28 janvier 2016 à 19h30.
Pour tenter votre chance, rien de plus simple, remplissez le formulaire ci-dessous avant le dimanche 24 janvier 2016 à 23h59. Les gagnant(e)s seront tiré(e)s au sort parmi les inscrits. Ils recevront un mail leur confirmant leur lot : 2 places pour le spectacle …Avec vue sur la Piste.
ON RADOTE mais c’est le cas à chaque fois : avant de participer, vérifiez que vous êtes bien disponible pour la date de la représentation pour laisser sa chance à tous et toutes !
De l’influence des rayons gamma… est une première fois pour l’ensemble de l’équipe artistique : première mise en scène pour Isabelle Carré, premier texte destiné au théâtre pour Manèle Labidi-Labbé et première scène pour les trois jeunes comédiennes de cinéma qui participent à cette aventure.
Et que la longueur du titre de cette pièce – impossible à tweeter – ne cache pas la singularité et la fraîcheur de ce récit fort composé de trois figures féminines que tout semble opposer sinon les liens du sang.
Difficile de cerner totalement Béatrice, cette Américaine, mère de deux enfants. Est-elle à ce point nuisible pour ses deux filles ? Est-elle seulement consciente que ses saillies, ses conversations téléphoniques, ses traits de fantaisie puissent aussi bien blesser son entourage qu’interpeller les gens extérieurs ?
Personnage central de ce huis clos, Béatrice surprend tout autant qu’elle pourrait faire rire ou grimacer. Isabelle Carré s’offre un rôle très contrasté, fait d’aspérités qui n’attendent que d’être révélées. Une interprétation juste, sans excès et qui nous rend malgré tout touchante cette figure de femme impossible.
Face à elle ou à ses côtés, deux soeurs que tout oppose. Ruth, une belle blonde incendiaire, aussi naïve, revêche que capable de tendresse. Mathilda, une brunette longiligne, renfermée, qui brille de la pleine curiosité scientifique et précoce qui l’enflamme.
La première ne souffre, en apparence, d’aucun interdit alors que la deuxième est source de tracas inconsidérés pour sa mère.
Les deux jeunes comédiennes, Alice et Armande sont des révélations pures. Leur jeu est de la dentelle. L’attention de leur metteuse en scène – qui n’a pas hésité à débuter les répétitions au plus tôt avec ses interprètes, comme elle nous l’avait confié lors de notre entretien – se ressent dans la sincérité de leur interprétation.
Ces deux comédiennes venues du cinéma vont être riches de cette expérience unique et de cette première pour l’ensemble de la troupe artistique.
Le récit peut dérouter, d’autant plus quand il est difficile de percevoir l’issu de cette relation trouble. Mais l’attachement que nous ressentons, dès les premiers instants, pour ces personnages pallie nos interrogations pour rester accrocher au plus près des corps et des visages de ces formidables interprètes.
De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites
de Paul Zindel
Adaptation : Manèle Labidi-Labbé
Mise en scène : Isabelle Carré
Avec : Isabelle Carré, Alice Isaaz, Lily Taïeb et Armande Boulanger en alternance
BON PLAN !!! Promo de janvier Une détaxe à 17€ la place à chaque billet réservé UNIQUEMENT PAR TÉLÉPHONE au 01 46 06 49 24 en mentionnant le code promotionnel LAETITIA.
Offre valable jusqu’au 24 janvier 2016 inclus, sur les deux pièces à l’affiche du Théâtre de l’Atelier, (De l’Influence des rayons gammaet Ah ! Le grand homme) dans la limite des places et des catégories disponibles.
CONCOURS !!
Comme on aime partager nos coups de cœur spectacles, nos émotions scéniques et pour fêter les 5 ans du blog, nous vous offrons des invitations pour une des représentations de la pièce De l’influence des rayons gamma, le soir de votre choix : le mercredi 27, jeudi 28 ou vendredi 29 janvier 2016 à 19h.
Pour tenter votre chance, rien de plus simple, remplissez le formulaire ci-dessous avant le lundi 25 janvier 2016 à 23h59.
Les gagnant(e)s seront tiré(e)s au sort parmi les inscrits. Ils recevront un mail leur confirmant leur lot : 2 places pour la pièce.
ON RADOTE mais c’est le cas à chaque fois : avant de participer, vérifiez que vous êtes bien disponible pour la date de la représentation pour laisser sa chance à tous et toutes !
A l’issue d’une représentation de la réjouissante pièce Et pendant ce temps Simone Veil, au Studio Hébertot, nous avons échangé, aux côtés d’autres blogueurs et blogueuses avec Trinidad, Serena, Fabienne, Agnès et l’envie de chantonner à cœur joie : Veil, la chanson parodique sur l’air célébre Belle de Richard Cocciante, signée Trinidad.
« Veil, Ce nom-là sonne pour nous comme un réveil, De 20 siècles de désir mis en sommeil, En séparant la grossesse du désir charnel, Tu nous as donné la clé pour le 7ème ciel, Pour la pilule, moi je dis : Merci Simone, Tu m’as été bien plus utile que la Madone, Merci pour l’IVG et la péridurale C’est plus sympa de donner la vie sans avoir mal Merci d’avoir fait d’une femme une personne Tant pis pour celles préfèrent être des sili-connes… »
ENTRETIEN
Trinidad, d’où vous est venue l’idée du spectacle ?
Trinidad : L’idée est venue de l’affaire Strauss Khan. Je me suis dit ce n’est pas possible qu’en 2011 on entende dans les médias des choses comme cela, pas en France. Moi, qui suis fille d’immigrés, moi, qui ait pu avoir la vie que je voulais dans ce pays ce n’est pas possible. Et très vite l’idée s’est imposée de dire parce que c’est le seul moyen d’expression pour moi il faut rappeler qu’on est peut-être la dernière génération qui s’est battue et que nos acquis sont très récents et tout peut repartir très vite en arrière. J’avais déjà travaillé sur d’autres spectacles sur la transmission familiale, les secrets de famille, le Trans générationnel, et cela m’a paru évident comme cela de le faire sous forme de 3 lignées de femmes avec un personnage extérieur. Au début je le pensais chanter mais c’est sorti comme cela.
La chanson est arrivée très vite dans l’écriture du spectacle ?
Trinidad : La dernière chanson VEIL existait bien avant le spectacle. C’est une parodie que j’ai faite il y a plus de dix ans. Il y a une petite histoire autour de ça. Un jour, j’étais à la Fnac Saint Lazare, je vois pour les 50 ans du planning familial une rencontre avec Simone Veil et la directrice du planning familial. Et moi naïve, je me dis je vais aller lui offrir mon texte. J’arrive dans une salle de 100 personnes, elle arrive par une allée centrale et au bout de 20min, il a fallu l’évacuer par les agents de la sécurité tellement elle s’est fait insultée, agressée, comme à l’Assemblée nationale en 1974.
C’était quand ?
Trinidad : C’était en 2006. Et je me suis retrouvée avec mon petit texte et une frustration énorme et un chagrin énorme en me disant ce n’est pas possible, ce n’est pas possible et c’était il y a dix ans, c’était bien avant ce que nous sommes en train de vivre maintenant cette arrivée de niqab ; du voile ; de tout cela. J’ai toujours chanté, texte et chanson. Je ne suis pas chanteuse mais je ne peux pas ne pas chanter, et j’ai toujours fait ce genre de mélange. J’ai choisi de passer d’une époque à une à travers une chanson dans la pièce. Libido, Les rois mages, Ivg, Pour que tu rames encore ont été créées pour la pièce.
Serena : Quand Trinidad m’a proposé de faire partie du projet, j’étais juste ravie, parce que dans mon parcours professionnel je travaille dans les prisons, dans les Zep et ce spectacle pour moi est le couronnement de ce travail là. C’est un spectacle pédagogique, en même temps drôle qui fait passer la pilule.
Je pense qu’aujourd’hui, en plus des évènements des attentats, le gouvernement est dans l’urgence et la culture doit être un plat de résistance. La culture est nécessaire pour les jeunes générations. Ils doivent apprendre par le corps comme le théâtre peut le faire, la signification de certains mots comme la laïcité, le féminisme.
Trinidad : Et surtout le féminisme correspond à une époque.
Aujourd’hui, on a l’impression de dire un gros mot quand on dit féminisme mais il correspond à une époque. On voit bien que les femmes reviennent de loin. A un moment donné cela a explosé. Et il y avait des hommes derrière ces combats. C’est ce que l’on dit à la fin du spectacle, il faut que cela se fasse avec les hommes. C’est aussi une affaire d’hommes. Quand on est au pays des droits de l’Homme, si la moitié de la population n’est pas libre, l’homme n’est pas libre. Les nouvelles générations qui se refoutent dans la religion ne comprennent pas que la liberté de l’un dépend de la liberté de l’autre. Il y a des hommes qui vous le disent quand les femmes n’ont plus eu cette angoisse d’être enceintes, libres dans leurs corps cela a été aussi une liberté pour les hommes.
Serena : Une personne qui est privée de sa dignité et de ses droits civiques n’est plus une personne. On ne peut pas lui demander de faire partie de la vie commune. Que l’on soit un homme ou une femme, il faut que la dignité soit construite aussi dans le regard de l’autre.
Trinidad : Toute notre génération se déclare du mouvement féminin plutôt que du féminisme. On se soucie de faire avec les hommes. Il n’y a aucun rejet et c’est, cela qui est super. Donc j’ai plutôt envie de rajouter : “et maintenant on fait quoi ?” Tout est là pour avancer ensemble.
J’ai constaté en écrivant la pièce que jusqu’à une époque les femmes se battaient ensemble. Aujourd’hui, chacun se bat avec lui-même. Tout le monde est en thérapie, tout le monde cherche une porte de sortie. On se bat surtout avec soi-même. C’est important pour moi de parler des années 90, parce qu’il y avait d’un côté les femmes de pouvoir et la déferlante des tops model. Si on se compare à l’autre, on est plus dans l’empathie, on est dans la rivalité. Alors que si l’on est ensemble autour d’un même combat, on est dans l’union, dans l’amour, on accepte la différence de l’autre.
Saviez-vous que les tops model masculins sont moins bien payés que les tops model féminins ?
Serena : Ah mais c’est terrible ! 🙂
Trinidad : Ce que je trouve dommage aujourd’hui, c’est que les parents n’ont pas été capables malgré toute la libération sexuelle, d’expliquer juste qu’un acte sexuel c’est beau. Les nouvelles générations ont ingurgité du porno, des images violentes, ce qu’on montre à la télé, c’est hallucinant.
Serena : Je travaille dans les Zep, dans le cadre du programme « Jeunes pour l’égalité » en Ile de France mis en place par Henriette Zoughebi (Front de Gauche). Nous, les artistes, aidons les professeurs. Les professeurs sont dans un conflit de loyauté entre les parents et l’école. Ils n’ont pas ce rôle-là. Nous aidons les jeunes générations à se construire, à développer leur libre arbitre parce qu’au fond c’est ce bagage-là qui va les aider à faire des choix, à sélectionner les images qu’on leur expose. Les jeunes ne sont pas encore entièrement construits et l’école doit être un espace de construction. Le théâtre et la culture doivent soutenir cet espace-là.
Trinidad : On ne serait pas arrivé là, si la culture n’avait pas déserté les banlieues. C’est Agnès qui le disait très justement, avant il y avait le parti communiste qu’on adhère ou pas, en tout cas il amenait une certaine culture. Le metteur en scène nous racontait que sa mère était analphabète et parce qu’ils habitaient dans une banlieue communiste, il avait accès à l’opéra et au théâtre. Elle l’emmenait. Depuis que la gauche est entrée sur la scène politique, la culture s’est retirée et cela a laissé la porte ouverte à d’autres choses.
Serena : Je pense que le ministère des droits des femmes ne devrait pas aujourd’hui exister. S’il a encore besoin d’exister, c’est qu’on a encore besoin d’une béquille.
Tous les mercredis, à l’issue du spectacle, des femmes exceptionnelles rencontrent le public. Comment vous est venue l’idée ?
Trinidad : L’idée est née avec Michèle Fitoussi, auteur d’une biographie sur Helena Rubinstein. On se connait depuis dix ans. On s’est rencontré dans l’émission « le fou du roi » à France Inter. Au mois de mai dernier, autour d’un thé, Michèle me racontait la vie d’Helena Rubinstein. Cette femme est partie de rien. Elle a bâti un empire qui a révolutionné la cosmétologie. Elle a sorti la beauté des théâtres et des chambres des prostituées pour la mettre au service des femmes. Michèle souhaitait en faire un spectacle. Et j’ai aussitôt constaté que nous manquons de modèles féminins aujourd’hui. Qu’est ce qu’on offre aux jeunes générations Nabila ou Nadine Morano ? Il y en a des femmes chercheuses, des femmes écrivains dans notre société et c’est ainsi que j’en suis venue à proposer à Michèle d’intervenir à la fin du spectacle et que j’ai sollicité aussi bien Michèle Cros, artisan herboriste de beauté, Ma.J Brickler, directrice de l’école du bonheur et créatrice de chapeaux.
Distribution:
Trinidad : Marcelle, Marceline, Marciane et Marcia Serena Reinaldi : Giovanna, Giovanninna, Gina et Janis Agnès Bove : France, Francine, Framboise et Fanfan Fabienne Chaudat : Simone qui veille sur les droits des femmes
Texte féminin de Trinidad, Corinne Berron, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Bonbon
Mise en scène masculinepar Gil Gaillot
BON A SAVOIR !
Tous les mercredis, à l’issue du spectacle, des femmes exceptionnelles rencontrent le public.
Mercredi 16 décembre : Baabou Clément Mercredi 6 janvier 2016 : Ma.J Brickler
Isabelle Carré s’engage pour la première fois dans le rôle de metteuse en scène pour la pièce De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites au Théâtre de l’Atelier à partir du 17 décembre. Une première pour l’actrice et comédienne qui se joue des contraintes en collaborant avec de jeunes actrices de cinéma, novices sur une scène de théâtre et dans un dispositif d’alternance pour deux d’entre-elles. Sans oublier qu’Isabelle Carré joue également dans la pièce.
Cette pièce promet une proximité de la troupe artistique avec le public : “Il n’y aura pas de 4e mur!” nous confie-t-elle.
Interview sur le plateau du Théâtre de l’Atelier face aux rangées de fauteuils vides avec la “jeune” metteuse en scène, souriante et d’une décontraction rare, accompagnée de l’une de ses interprètes, Lily Taïeb, âgée de 15 ans.
INTERVIEW
Comment s’est fait le choix du texte ? C’est une rencontre ? Isabelle Carré : C’est tout à fait ça, une rencontre ! Je me suis inscrite dans un atelier d’écriture organisé par Philippe Djian et j’ai rencontré Manele Labidi-Labbé. J’ai tout de suite adoré son écriture. Elle est scénariste, elle travaille sur des séries et est aussi jeune auteure (elle n’a pas publié de premier roman mais ça ne serait tarder, je pense). Elle m’a parlé de ce texte et je me suis dit tout de suite après l’avoir lu : je crois n’avoir jamais vu au théâtre ce trio de femmes, une mère seule avec ses filles. On a beaucoup de famille, nombreuse, des couples, des amis, des sujets politiques.
D’ailleurs, j’en parlais avec le journaliste et critique Gilles Costaz, qui a quand même un long passé de spectateur derrière lui. Et je lui ai demandé s’il connaissait un spectacle avec cette configuration de personnages et il m’a répondu non.
Cette singularité est finalement très actuelle : des mères qui élèvent seules leurs enfants. Même si ce personnage de Béatrice n’a rien d’admirable dans le sens où c’est quelqu’un d’assez nocif pour ses filles. Et c’était le deuxième aspect de la pièce qui m’a plu qui aborde le concept de résilience (cher à Boris Cyrulnik). Pourquoi certaines personnes qui ont la même histoire dans une famille, subissant les mêmes traumatismes, se retrouvent avec des blessures qui ne guériront jamais alors que d’autres feront de ces blessures une force.
Cette problématique m’a beaucoup questionnée et j’en trouve enfin un écho dans cette pièce.
Quelle est la spécificité de l’écriture de Manele Labidi-Labbé ? Isabelle : J’avais envie de dépoussiérer l’histoire adaptée au cinéma mais de la garder dans l’ambiance des années 70 car c’est mon enfance. Un univers plus coloré, plus naïf mais avec beaucoup moins de cadres de la part des parents. C’était : “A bas les cadres !”
Beaucoup d’enfants post-soixante-huitards, c’est mon cas, se sont retrouvés dans un joyeux bordel. Et le plateau représentera cet aspect : il sera bordélique !
Ce que j’ai demandé à Manele c’est aussi de faire ressortir l’humour de Béatrice, son côté cinglant. Son sens de la formule.
Qu’est-ce qui te touche dans ce texte, Lily ? LilyTaïeb : J’ai dit à Isabelle un jour que ce n’était pas du tout mon genre de théâtre. Isabelle : Elle aime les choses très classiques ! Lily : Et quand j’ai lu, j’ai compris la singularité et la tournure qu’ont voulu faire prendre Isabelle et Manele à la pièce par rapport à un texte original très 70’s – même si on est dans ce revival hipster…
J’ai trouvé passionnant de participer à ce projet à la fois dans le coup et très désuet.
C’est très intéressant de faire en sorte de remettre ce texte au goût du jour, sans pour autant le moderniser. Ce qui me touche, en fait, c’est l’adaptation très subtile.
Et puis le rôle de Mathilda aussi : très difficile à cerner mais pourtant plein de sens.
Qu’est-ce qui, dans cette histoire, va parler aux spectateurs de 2015 ? Isabelle : Le rapport à la mère est très puissant. Le rapport aux rêves aussi, ce qui parle à tout le monde. Ce fait de rêver quand on débute sa vie de jeune adulte et ce à quoi on est parvenu. L’écart qui peut y avoir entre ces deux images. Et la blessure narcissique qu’elle occasionne dans le personnage de Béatrice, d’où cette violence et son incapacité à supporter que ses filles puissent la dépasser.
Il y a vraiment beaucoup d’angles abordés. L’histoire est subtile (pas de caricature avec de grosses ficelles) mais elle est très riche aussi. Lily : Toutes ces choses sont sans doute très angoissantes pour plein de gens. Et on se rend compte qu’en les mettant en scène, dans un espace-temps différent, ces situations peuvent être finalement rassurantes pour les spectateurs car elles sont intemporelles et universelles.
L’idée de mettre en scène est-elle venue naturellement ? Isabelle : Ca faisait un moment que j’y pensais, mais sans vraiment me l’autoriser. J’avais eu un coup de coeur pour le texte de Joan Didion, L’année de la pensée magique. J’avais même demandé à ma mère de faire l’adaptation française. J’étais venue dans ce théâtre pour monter le projet. Mais j’ai eu un blocage : je voulais absolument que Nicole Garcia interprète le rôle. Elle était intéressée mais elle a trouvé ce texte trop dur.
J’ai essayé de chercher une autre interprète, sans pouvoir oublier Nicole Garcia. Je suis passée à autre chose.
Et puis, en lisant le texte de Manele, je me suis dit que c’était ce genre d’histoire que j’aimerais raconter sous toutes ses coutures : de l’intérieur et de l’extérieur. Pouvoir tourner autour de l’objet tout en pouvant le vivre. Je voulais m’emparer de cette histoire.
Cette première mise en scène vous a-t-elle fait remonter des souvenirs de metteurs en scène avec qui vous avez collaborés ? Isabelle : J’ai beaucoup pensé à Irina Brook. Parce qu’elle nous faisait faire beaucoup d’exercices. Ce que l’on a fait au début avec Alice, Lily et Armande pour cette pièce. Irina a une façon de créer une atmosphère. Je ne dis pas que j’y parviens mais j’ai un tel souvenir de détente le soir de la première, grâce à son travail. C’est quelque chose qui me ferait rêver, pas tant pour moi que pour mes comédiennes. J’espère qu’on y arrivera.
C’est pour cela qu’il faut du temps, beaucoup d’énergie aussi. J’ai décidé de débuter les répétitions le 25 septembre pour y arriver. On répète peu en journée mais tous les jours, en revanche.
Je sens que ce temps, d’avoir posé toutes les questions, d’avoir posé tous les doutes sur le plateau, a été nécessaire. Et j’espère que nous serons dans cette détente le soir de la 1ère.
J’ai aussi beaucoup pensé aussi à Zabou Breitman, à Jean-Luc Boutté, une immense rencontre qui m’a beaucoup marquée par son exigence du théâtre. Sa façon de nous écouter, de nous regarder, d’être dans une attente si exigeante. Cette pureté m’a complètement bouleversée. J’avais 20 ans et c’était pour le rôle d’Agnès dans L’École des femmes.
Isabelle Carré a-t-elle eu des mots qui ont été réconfortants pour aborder ton rôle ? Lily : Je n’avais pas forcément approché mon rôle de Mathilda du bon côté. Et je me suis rendue compte avec les répétitions et surtout avec ce que m’a dit Isabelle que Mathilda n’était pas quelqu’un de désespéré. Elle est solaire mais aussi un personnage très droit et très taiseux. Et je ne suis tellement pas comme ça que ce n’était pas évident d’assimiler. Mathilda a aussi plusieurs couleurs et elle est très touchée par la vie.
Et je galère encore un peu. On ne sera jamais au zénith, chaque représentation sera une sorte de méga répétition. Isabelle : Mathilda voit la beauté dans le noir…
Diriger de jeunes comédiennes demande-t-il plus d’attention ? Isabelle : Pour ne pas vous le cacher : je suis pressée de répéter avec Lily car ça fait 4 jours qu’on n’a pas travailler ensemble. C’est le moment où la sauce monte et c’est un moment merveilleux.
Le fait d’anticiper les choses a été bénéfique. Heureusement que j’ai pensé à ce travail long, en débutant très tôt les répétitions. Ce qui a étonné l’équipe du théâtre.
Il faut aussi penser à cette difficulté d’élargir le jeu des comédiennes sans dénaturer leur fraicheur et spontanéité. S’il y a quelque chose que je n’aime pas au théâtre ce sont les voix placées, les fins de phrases sur lesquels on insiste et aussi le maniérisme de certains acteurs qui prennent parfois un accent pour montrer que le texte est intellectuel. Tout ça ce n’est pas le théâtre que j’ai envie de voir.
Jouer dans sa propre mise en scène, c’est plus de plaisir ou de contraintes ? Isabelle : C’est étrange ! 🙂 J’ai l’impression à la fois de ressentir les choses davantage de l’intérieur. D’écouter encore plus mes partenaires et d’être proche d’elles.
Et en même temps, il ne me manque pas de vision extérieure puisqu’il y a Manele, pour qui c’est aussi une première fois en tant qu’assistante.
C’est une première fois pour toute l’équipe d’où le risque de se retrouver devant un objet non identifié.
Ce qui est étrange, c’est que sur tous les aspects ou détails sur lesquels je pensais avoir des doutes, des difficultés (la scénographie, la mise en scène) tout s’est bien passé. A l’inverse, les points sur lesquels j’étais sans doute présomptueuse, ou je pensais que c’était ma partie (la direction d’acteurs, par exemple), c’était plus problématique.
C’était plus facile d’avoir des images, un dessin que de trouver les mots justes.
Votre sommeil est-il serein ? Isabelle : J’ai rêvé de la pièce toute la nuit ! Mais en bien. J’ai bossé, en fait !
La perspective de la première est ? Isabelle : Réjouissante ! Lily : C’est très intéressant et moderne. C’est maintenant et à aucun autre moment. Isabelle : On parle beaucoup du moment présent, en fait. Quand il y aura enfin le public dans la salle, le spectacle se réinterprètera. Mais s’il y a une chose vraiment nécessaire : c’est la présence et l’énergie. Lily : Je m’inquiète d’être bien maintenant, pendant les répét’. Et plus tard, je m’inquiéterai quand on sera sur scène.
L’adhésion du public est préoccupante aussi pour vous ? Isabelle : J’y pense bien évidemment. Mais la chose qui m’importe le plus c’est surtout de ne pas passer à côté de quelque chose. Et d’avoir le plus de correspondance possible avec ce que j’ai en tête. Que l’ensemble soit fidèle à ce que je veux dire de la pièce. Que ce soit le plus honnête, le plus juste pour moi et ce que nous avons découvert ensemble.
De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites
de Paul Zindel
Adaptation : Manèle Labidi
Mise en scène : Isabelle Carré
Avec : Isabelle Carré, Alice Isaaz, Lily Taïeb et Armande Boulanger en alternance
PROLONGATIONS jusqu’au 6 février 2016 du mardi au samedi à 19h
matinée le samedi à 17h
Eux, la Compagnie d’Improvisation réinvente le genre en proposant la biographie d’un pur inconnu, inventée de toute pièce. Ce personnage original entouré d’autres personnages tout aussi réalistes et barrés a une durée de vie assez courte : 1 heure ! BIO c’est un spectacle 100% inédit, des éclats de rire non prémédités et des dérapages incontrôlables sur la scène de la Comédie des Boulevards.
L’impro, ça nous rappelle nos années de fac quand on se faisait un café-théâtre en semaine, histoire de se marrer entre potes, autour d’un verre et sans nuire à notre pouvoir d’achat. On se souvient d’avoir été traité de moule sur son rocher un soir et qu’on attendait que notre sujet soit tiré au sort, manque de bol, c’était toujours le papier du voisin qui se retrouvait sur scène.
Avec BIO, on monte d’un niveau. C’est de la dentelle ! L’interaction est vivement encouragée en début de spectacle pour convenir du prénom, de la profession, de la passion de notre personnage unique, 100% original. Ensuite grand noir, rideau tiré pour se rouvrir sur un pur show d’une heure, une histoire barrée, inventée de pure pièce et dont nous sommes en grande partie responsables par nos choix et du coup “de la qualité du spectacle” comme le précisent les 3 comédiens en début de soirée.
Et ce soir-là, lors de la 143e représentation de BIO par Eux, la Compagnie d’Improvisation, le public n’attendait qu’une chose : l’arrivée d’une caravane de modèle Eriba, un délire de potes dans le public qui a trouvé vie sur scène. Timothée et Nabla qui officiaient ce samedi avec un de leurs invités, Fabien Strobel, ont trouvé une utilisation tout à fait recevable de ce véhicule inconnu de tous. Étrangement la caravane semblait plus grande que l’idée que l’on pouvait s’en faire, car équipée d’une cave et d’un jacuzzi.
Elle était au coeur de la formidable vie de Pablo, speaker sportif de profession. Et c’est justement ce qui a emballé notre équipe : jouer dans un univers inconnu, le foot, le sport à la télé ce n’est vraiment pas leur truc. Et ils se sont donné du mal à nous faire croire que ce cher Pablo était le spécialiste es football ou rugby officiant dans une télé-radio inconnue. Il était accompagné de ses meilleurs potes : Romain et Michel, de son père flic, d’une fille qui va mettre du temps à révéler son prénom, sans compter quelques collègues de boulot et un colocataire obnubilé par sa taille fine.
Notre cher Pablo avait une passion qui semblait calquer à celle d’un spectateur : collectionner les boules à facettes ! Complètement fou.
Et c’est cette combinaison totalement dingue de rebondissements insoupçonnés, dérapages contrôlés, fous rires inopportuns, pièges entre comédiens et gros moment d’oubli (comment peut bien s’appeler mon personnage ?).
Et ce soir-là, nous avons évité les marronniers : taxidermiste pour la profession du héros de la série, un vrai plébiscite. Un lieu aussi revient assez souvent : Istanbul. N’allez pas chercher une raison, l’inventivité d’un public peut être parfois plus extrême que celle d’une troupe de comédiens forgée à l’improvisation.
Forcément, on a envie de remettre ça pour voir les 2 autres membres de la troupe et surtout faire la connaissance d’un tout autre personnage que l’on ne reverra plus jamais de notre vie.
BIO
par EUX la compagnie d’improvisation
jeudi, vendredi et samedi à 21h30
à La Comédie des Boulevards
39, rue du Sentier, 75002 Paris