Jean-Francois Balmer et Didier Bénureau sont les protagonistes d’un dialogue pour le moins déconcertant : celui de Dieu, le créateur du ciel et de la Terre, le vrai, l’unique et un DRH. Sous la forme d’un entretien d’embauche, Le CV de Dieu répond enfin à certaines de nos questions les plus essentielles comme : pourquoi le vent ? Quelle est l’origine de la Lune ? Dieu s’éclate-t-il vraiment au ciel ?
Pièce courte d’une petite heure, Le CV de Dieu est un petit délice d’intelligence et de finesse. Dieu vient sur Terre pour calmer son ennui. Il passe un entretien qui va être l’occasion de revenir sur son expérience inégalée de créateur.
On ne s’attend pas forcément à ce que certains phénomènes dont il est à l’origine lui soient reprochés frontalement, alors que la plupart de ses réussites sont éclatantes. La somme de ses créations est effectivement inégalable.
Jean-François Balmer est Dieu en habits blancs et étole sur l’épaule qui se finit en grelots argentés – d’une kitscherie qui nous rappelle qu’il n’est pas d’ici. Il porte fier son immortalité.
Face à lui, le DRH Didier Bénureaun’a pas tout à fait la même classe. L’harmonie des couleurs n’est pas son fort. Il est aussi impressionné, qu’insolent. Car oui, ce terrien s’autorise des questions pièges en plein milieu de l’entretien.
Le CV de Dieuréjouit par son écriture et enchante par ses interprètes. Un vrai régal dont il n’est pas question de se priver. Et surtout la pièce redonne tout leur sens à nos expressions françaises, parfois désuètes.
Le CV de Dieu
de Jean-Louis Fournier
d’après son roman paru aux Éditions Stock en 2008
Mise en scène : Françoise Petit
Avec Jean-François Balmer et Didier Bénureau
Mélanie et Frédéric Biessy sont à l’origine d’une renaissance, celle d’un lieu historique de la culture parisienne malmené par ses mutations (théâtre, cinéma érotique…) et l’oubli. La Scala Paris renaît sur le boulevard de Strasbourg comme nouvelle adresse célébrant la création artistique sous toutes ses formes. Scala est aussi le nom du nouveau spectacle de Yoann Bourgeois, le maître ès équilibre.
La Scala Pari(s) fou
Il faut être mû par un grain de folie pour imaginer qu’un immeuble abandonné, décrépi depuis 10 ans puisse renaître alors qu’il faut tout reconstruire, tout repenser (jusqu’à la sortie de secours). Mélanie et Frédéric Biessy sont réunis par l’amour – le leur et il est beau – et celui de la culture. Mélanie suit la vision de son époux qui voit de grandes choses dans le décor de ruine qu’elle visitera.
Le résultat est La Scala Paris, un petit cocon qui fourmille. Une salle d’un bleu que l’on pourrait qualifier de bleu Peduzzi, du nom de son concepteur Richard Peduzzi.
Un gradin qui fait face à une scène, terrain propice à l’échange avec les créations qui vont naitre ici-même.
Scala de Yoann Bourgeois
L’entrée en matière silencieuse, curieuse, n’est pas évidente. Ça ne donne pourtant que plus de charme à ce qui va arriver.
Quand les corps s’animent, trébuchent, sortent et rentrent, tombent, l’attrait de Scala, le nouveau spectacle de Yoann Bourgeois, est impulsé.
Sur scène, l’escalier central pourrait faire penser qu’une meneuse de revue le descendra au cours de la soirée. La descente des marches ne sera pas aussi glamour. Ce sont des hommes en chemise à carreaux et des femmes qui se succèdent dans un ballet aussi étrange que physique.
La répétition est longue, mon attention se déporte.
Et des mots me viennent : attraction, répulsion. L’équilibre de Scala tient en ces deux mots.
Il y a de vrais instants de grâce, portés par la vigueur des corps, l’étrangeté de la narration, le travail de la musique saisissant (avec des morceaux de Eels et Radiohead) et les sauts sur trampolines toujours aussi fascinants.
Il y a aussi des moments où l’on est projeté en arrière, rejeté, car la création se noircit, nous perd, glisse dans l’abstrait.
Une spectatrice heureuse à la sortie lance à son mari : « je veux un trampoline à la maison !»
Yoann Bourgeois, avec Scala, nous permet de rêver à la fois d’être léger comme l’air comme ces artistes en suspension tout en laissant le temps de nous projeter dans une autre réalité.
La Scala Paris 13, Boulevard de Strasbourg 75010 Paris
Scala création de Yoann Bourgois
avec Mehdi Baki, Valérie Doucet,Damien Droin, Nicolas Fayol, Emilien Janneteau, Florence Peyrard et Lucas Struna
« Tout sonnait vrai ! » un spectateur enthousiaste sortant du Théâtre de Poche-Montparnasse. La Ménagerie de verre nous plonge dans la petite vie d’une famille américaine dont les trois membres se débattent avec des desseins propres à chacun. La distribution est magnifique !
La mise en scène délicate de Charlotte Rondelez et la proximité avec les comédiens nous font ressentir tour à tour la timidité de la jeune Laura, l’envie d’évasion de son frère Tom, le désarroi et la manipulation de leur mère, Amanda. Cette dernière est source à plusieurs reprises, à la fois à ses enfants et à nous spectateurs, des moments de gêne. Parce qu’elle est excessive, d’un autre temps et désenchantée. Et qu’elle pense que le bonheur de sa fille, voire du sien, dépend d’un bon mariage.
Le fait que le mari et père ait quitté le foyer n’a pas aidé à la cohésion de cette famille. Tout est question d’équilibre mais l’ensemble apparaît bien bancal.
Le quatuor de comédiens nous bouleverse. Ophelia Kolb, discrète et maladroite Laura, est touchante. Elle a reçu le Molière 2019 pour comédienne dans un second rôle.
Les excès de Cristiana Reali ne manquent pas de saveur. Charles Templon est un travailleur et rêveur qui boue littéralement de ne pouvoir vivre sans contraintes.
Leurs silences sont tout aussi fascinants à observer. Notamment quand Amanda et Tom ne se parlent pas un matin, elle sur un bord de la scène, lui derrière la table. Félix Beaupérin, le prétendant, a le charisme et le charme qui siéent parfaitement à son personnage.
PS : j’avais vu cette pièce il y a plus d’une décennie. Je ne me souvenais plus de l’histoire. J’étais juste certain de l’avoir aimée. J’ai été heureux de redécouvrir le texte de Tennessee Williams ce mardi à Paris.
La Ménagerie de verre
de Tennessee Williams
Traduction : Isabelle Famchon mise en scène : Charlotte Rondelez
avec : Cristiana Reali, Ophelia Kolb, Charles Templon, Félix Beaupérin
Chicago le musical est taillé pour charmer le public, voire le chauffer avec toute la sensualité qui s’en dégage et l’incroyable génie de Bob Fosse. Avec une chorégraphe venue spécialement des USA (Anne Reinking), un casting au top (Jean-Luc Guizonne, Sofia Essaïdi, Carien Keizer) et l’une des plus belles scènes de la capitale, la comédie musicale de rentrée auréolée de son succès à Broadway va vous éblouir. Nous nous sommes glissés dans les coulisses du Théâtre Mogador à quelques jours de la première.
Le grand écart de Sofia, le sourire éclatant de Carien
Stage Entertainement France, le producteur de Chicago le musical, a réussi, en quelques minutes, à nous offrir de très belles images de cette 9e production à Mogador, dans le studio de danse, sans décor.
Trois chansons avec des plumes, des costumes noirs classieux, gracieux, des interprètes et danseurs magnétiques.
Il n’en faut pas plus pour saisir la puissance de ce classique de Broadway qui comptabilise plus de 9 000 représentations.
Jean-Luc Guizonne, entouré de danseuses armées de larges éventails à plumes, impose carrure et charisme. Il est déjà habité par son personnage Billy Flynn, avec un minimum de mouvements. Carien Keizer qui a déjà interprété Roxy dans la version allemande de Chicago est d’une grâce folle. L’artiste néerlandaise a tous les talents puisque qu’elle interprétera son rôle en français.
Enfin, Sofia Essaïdi a offert aux médias un incroyable grand écart portée par des danseurs. C’est Ann Reinking, la chorégraphe, qui aura lancé l’idée la veille du press day. Une performance que Britney Spears n’aurait pu assurer.
Chicago le musical réinventé pour Paris
Que celles et ceux qui ont eu la chance de voir Chicago à New York ou plus récemment à Londres, ne s’attendent pas à un copié-collé de la production made in Broadway. Ann Reinking qui a eu la chance d’avoir participé à la création du spectacle en 1975 aux côtés de Bob Fosse, a recréé la chorégraphie de son maitre dans le style de l’époque.
Lors de la rencontre, elle avoue avoir été bluffée par les comédiens et danseurs français : “ils ont compris tout de suite la sensualité, l’élégance du spectacle. Le chic et la sophistication viennent de France.”
Et sur la question du texte adapté en français, sa réponse rassure les amoureux des VO : “il y a un tempo dans la façon dont les Français parlent. Et ce tempo est en accord parfait avec le spectacle.”
Elle rajoutera que Bob Fosse était un amoureux de notre langue dont il trouvait que la sonorité était meilleure.
La délicate adaptation, l’art de l’essentiel
Nicolas Hengelqui se charge de l’adaptation de Chicago, après avoir brillamment adapté Grease, la saison dernière, partage son étonnement. “Le spectacle parle des États-Unis, il transpire même les États-Unis. Et pourtant, ça coulait de manière harmonieuse de poses des mots français. Il y a un aspect européen dans la musique.”
La difficulté principale tient sur le fait que c’est toujours plus long de dire les choses en français. “En fait,Il faut donc abandonner quelques idées, un détail, en anglais car il n’est pas possible de tous les traduire.”
Pour certains dialogues, Nicolas a dû aller à l’essentiel.
Ce qu’il aime dans Chicago : “c’est que c’est du vrai théâtre ! Le spectacle est très finement écrit, toutes les scènes s’imbriquent les unes aux autres. Tous les personnages sont manipulateurs, menteurs et manigancent les uns derrière les autres. C’est très noir et ne même temps très réjouissant et gai.”
En avant la musique !
Sur les 570 candidatures de musiciens reçues pour faire partie de l’aventure qui sera forcément folle et inoubliable, 40 vont assurer les représentations. Le directeur musical, Bob Bowman, assure : “nous avons la crème de la crème !”
Et la partition est géniale : “c’est très 20’s. Tout était hot à l’époque. Il y a une urgence, l’énergie est électrique.” L’enthousiasme est tellement palpable que les musiciens ont du mal à lâcher leur instrument en fin de journée et sont prêts à poursuivre les répétitions.
Chicago le musical
de Bob Fosse, John Kander et Fred Ebb
à partir du 26 septembre
(7 avant-premières à partir du 18 septembre)
au Théâtre Mogador
25 Rue de Mogador
75009 Paris
Équipe artistique
mise en scène : Tania Nardini
chorégraphie : Ann Reinking
direction musicale : Bob Bowman – Dominique Trottein
avec Jean-Luc Guizonne, Sofia Essaïdi, Carien Keizer, Fanny Fourquez, Sandrine Seubille, Pierre Samuel…
Sarah Pébereau, jeune trentenaire pétulante, désire ardemment faire LA rencontre qui bouleversera sa vie. Ses vœux furent exaucés, en quelque sorte… Fait alors irruption le K Surprise, le crabe, le grand C : le cancer. Touchée en plein sein, elle se défend magnifiquement avec ce qui sera sa force : l’humour. Son travail de réparation a commencé par un livre* et se poursuit par ce seule-en-scène au théâtre Les Déchargeurs relatant sa superbe renaissance.
Sarah arrive à la croisée des chemins de sa vie. S’entremêlent dans sa tête de nombreuses questions concernant son avenir amoureux ou professionnel. Lors d’une consultation de routine chez la gynécologue, une annonce vient tout bouleverser : elle a une tumeur au sein. Après examens approfondis, le cancer est confirmé.
Telle une catharsis, Sarah nous évoque une multitude d’anecdotes qu’elle a dû traverser, souvent à mourir de rire, parfois moins. Nous oscillons alors entre des moments de fragilité et d’autres où la force de combat qu’elle possède fait scintiller de mille éclats son être. C’est fulgurant !
Les sentiments qu’elle présente parleront autant aux personnes atteintes du cancer qu’à leurs proches ou tout un chacun. S’exposent alors la solitude inévitable ressentie malgré un entourage présent, la question de la procréation, l’inexplicable solidarité qui existe entre patients, le fait que rien ne sera plus jamais comme avant…
Étonnamment, cette épreuve difficile a permis à Sarah de s’épanouir. Aujourd’hui, elle a moins peur, ou tout du moins différemment. Ses combats sont autres. Elle a appris à se découvrir et surtout à s’aimer pour qui elle est.
Elle dégage une énergie folle, propre aux personnes qui savent qu’il faut pleinement aimer la vie. De la tendresse, de l’émotion, de l’humour et de l’amour : c’est tout cela qu’elle désire partager aujourd’hui. Qu’il est bon de sortir de notre zone de confort pour rencontrer de telles personnes, solaires et pétillantes…
Immersion dans les coulisses du Théâtre Michel et dans l’intimité d’hommes, de femmes qui se rencontrent, s’aiment, se quittent. Smoke Rings vous embarque dans le tourbillon de l’amour, d’histoires courtes, moyennes, en relations plus longue durée avec un bébé qui va naître… C’est aussi joyeux que révélateur de nos problématiques, nos difficultés à s’attacher et autres contradictions quotidiennes.
Tout le monde s’appelle Camille !
Tous les dimanches, se joue non sur la scène mais dans tout le théâtre, une pièce immersive, avec proximité totale et troublante avec les comédiens et comédiennes.
Paris ne s’aventure que trop rarement dans ce type d’expérience. C’est une des raisons de saluer l’audace de la Compagnie du Libre Acteur et du Théâtre Michel qui ouvre certaines portes interdites les autres soirs de représentation au public.
Fascinante mécanique
Au départ, c’est étrange et le gimmick finit par amuser. Une mécanique fascinante . Les spectateurs sont séparés en deux groupes, l’un suit une rose blanche, l’autre une rose rouge. On se croise dans les coulisses, on se retrouve pour certaines scènes.
Et on les partage aussi parfois, séparé par une porte ou lors d’une conversation au téléphone. Chaque groupe assistant à une face du dialogue.
Les couples jouées avec intensité amusent, touchent, interpellent et nous renvoient à nous-mêmes. Les scènes sont cocasses, surprenantes, vibrantes, émouvantes et finalement juste.
La tragédie n’est parfois pas très loin non plus, elle peut se jouer derrière une porte noire.
Et si le décor est un théâtre, on se projette facilement dans les autres lieux proposés par la troupe : hall d’aéroport, salle de bain, boite de nuit, appartement, cérémonie de mariage…
Smoke Rings est une expérience de théâtre comme on les aime. Une série de scénettes plutôt qu’une longue histoire. Un spectacle en mouvement, la découverte de l’envers du décor d’un théâtre, et des scènes d’amour et de désamours savoureuses.
Rire, être choquer, pleurer, kiffer, c’est ça le théâtre…
Et surtout se prendre les émotions des comédiens en pleine face.
Smoke Rings
d’après Ring de Léonore Confino mise en scène : Sébastien Bonnabel avec : Marie Combeau, Marine Dusehu, Marie Hennerez, Pascale Mompez, Eric Chantelauze, Philippe De Monts, Stéphane Giletta et Emanuele Giorgi
au Théâtre Michel
38 rue des Mathurins
75008 PARIS
Tel. 01 42 65 35 02
Avec Vous avez dit Broadway ?, Antoine Guillaume nous transmet sa passion pour les comédies musicales avec un incontestable talent de conteur. Nous vibrons avec lui, nous passionnant pour l’histoire folle de Broadway.
Vous avez dit Broadway ? Le rêve !
Antoine Guillaume a raison, la vie n’est pas assez musicale. Elle n’est pas assez joyeuse, inattendue, dansante.
L’artiste bruxellois a trouvé un moyen de s’émerveiller : en étant spectateur et en poussant les portes des théâtres de Paris, Londres et New York.
Ressentir la musique, l’émotion à en perdre la raison avec les partitions d’œuvres devenus cultes Cabaret, Chicago, Ragtime, les interprètes dont il nous incite à garder en mémoire leur nom – et il a raison.
On ne saura rien de son parcours professionnel. Ce qui compte c’est l’histoire de la comédie musicale conjuguée à son histoire d’amour personnelle pour le show à l’anglo-saxonne.
Certains y verront peut-être une délicieuse naïveté. Il n’en est ien.
Antoine Guillaume vibre la musique de tout son corps, avec force de costumes et de douceur.
Sa voix parlée est plus discrète que sa voix chantée. Le contraste est saisissant et conditionne aussi notre pleine attention.
Pas de chuchotement du côté spectateurs pendant la représentation. Il nous happe totalement avec les airs qu’il interprète avec un accent anglais parfait !
Ses souvenirs, mes souvenirs
En écoutant Antoine Guillaume conter ses souvenirs en tant que spectateur, les miens se sont réveillés. Et j’en ai beaucoup aussi de belles images en tête, peut-être autant que lui.
Comme Antoine, j’ai vu Glen Cloose dans Sunset Boulevard à’Londres. Mais aussi j’ai eu des joies immenses au Théâtre du Châtelet avec la reprise de standards comme My Fair Lady, Le Roi et moi…
Il est bon de se replonger dans ces incroyables moments de création, de divertissement auxquels on a eu la chance d’assister. Je me souviens aussi du fascinant Michael C Hall vu à Broadway (Angry Inch) et à Londres ( ), de Daniel Radcliffe dans How to succeed…
Vous avez dit Broadway ? est un très bel hommage à ce genre scénique qui passionne enfin la France avec des productions de qualité comme au Chatelet ou à Mogador.
Après avoir vu le spectacle, vous ne verrez plus la statue de sur Time Square, sans l’associer à Antoine Guillaume.
Vous avez dit Broadway ?
de et avec Antoine Guillaume Au piano : Julie Delbart
Mise en scène : Michel Kacenelenbogen
jusqu’au 28 octobre 2018
du mardi au samedi à 21h
Dimanche à 18h
Au Lucernaire
53 Rue Notre Dame des Champs
75006 Paris
Tel. 01 45 44 57 34
Qui peut se targuer de n’avoir aucun vice ? Nous avons tous des petits travers qui font partie intégrante de qui nous sommes. Doully Millet l’assume ! Elle nous propose, à la Nouvelle Seine, un récit de sa vie avec beaucoup de dérision sur toutes ses mésaventures marquées par les addictions.
Les trois « marraines fées » de Doully se penchent sur son berceau à sa naissance. La première lui offre le goût du théâtre et de la tragédie. La seconde lui donne la force d’y arriver et la troisième se prend les pieds dans sa cape en disant «Eh merde, j’ai encore trop picolé !» Nous retrouvons dans le spectacle la subtile combinaison de tous ces dons.
Après avoir savouré les plaisirs que la vie pouvait lui offrir, Doully a décidé de s’en éloigner avec le temps et pour diverses raisons. Si son esprit s’en trouve libéré, son physique singulier peut porter à confusion. Ceci la mène à des situations abracadabrantes.
Entre son insomnie, ses petits boulots, ses amis, ses rencontres avec des inconnus, les préjugés, nous nous retrouvons tous dans ces tranches de vie. Pendant plus d’une heure, Doully nous embarque avec elle dans une folie libératrice au troisième degré où elle est parfois grossière mais jamais vulgaire. Elle a un talent fou pour narrer les choses. Vous allez vraiment devenir addict !
Au-delà du rire qu’elle manie à la perfection (quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que j’avais des abdos !), nous nous attachons à ce personnage atypique dont la sensibilité nous touche pleinement…
Une belle rencontre qui donne le sourire bien au-delà du spectacle. Je vois encore le regard suspicieux de badauds bien-pensants dans la rue quant à mon sourire béat. La seule réponse qui me vient alors est : «Que c’est bon de laisser libre cours à ses addictions ! » 😉
Dans la catégorie théâtre interactif, la Michodière relève d’un niveau avec la pièce Où est Jean-Louis ? Chaque soir, la proximité avec les comédiens peut être totale pour les heureux élus accédant au St Graal : monter sur scène pour la première fois de leur vie et improviser totalement !
Où est Jean-Louis ? décoiffe
C’est affublé d’une perruque un peu ridicule et du costume sommaire de Jean-Louis que le (la) comédien(ne) d’un soir accède à son heure de gloire : partager la scène du Théâtre de la Michodière avec des pros.
Pas de préparation, pas de filet pour se rattraper. Ça peut être aussi bien la cata que la révélation. Et c’est ça qui est poilant !
L’histoire est une joyeuse farce qui aurait mérité des séances d’écriture supplémentaires pour faire rire aux éclats et aller au-delà du simple concept de la participation d’un spectateur.
Elle est le prétexte à une session d’impro avec un invité (en fait trois) qui change tous les soirs.
Les comédiens peuvent avoir quelques sueurs froides face à des spectateurs-acteurs trop volubiles ou un peu trop réservés.
Malgré la pression, certains ont une répartie d’enfer.
Et les comédiens ont tous et toutes suffisamment de bouteille pour palier tout imprévu. Mais ils ne sont pas à l’abri, tout comme nous, de fous rires.
Karine Dubernet est excellente en croqueuse d’hommes, Arnaud Gidoin est parfait en chauffeur de salle et en chef d’entreprise prêt à tout pour sauver sa boite. Sébastien Pierre est celui qui morfle le plus physiquement tout au long de la pièce. Il mérite le respect.
Attention ! Si vous vous portez volontaire avant le lever de rideau : vous pourriez bien vouloir débuter une carrière après cette expérience.
Et des pros peuvent en effet être aux aguets dans la salle. Comme ce mardi qui accueillait Jean-Michel Ribes, metteur en scène et directeur de théâtre.
Où est Jean-Louis ?
de Gaëlle Gauthier
mise en scène : Arthur Jugnot
avec Arnaud Gidoin, Alexandre Texier, Flavie Péan, Sébastien Pierre, Loic Legendre, Karine Dubernet
La peur, ce sentiment que nous avons tous ressenti plus d’une fois dans notre vie est le sujet central de cette pièce adaptée d’une nouvelle de Stefan Zweig à l’affiche du Théâtre Michel. Trois comédiens partagent avec nous la destinée d’un couple submergé par le mensonge. Exaltant !
Un mari à la situation professionnelle enviable, des enfants, une maison, et une femme … heureuse ? Non sûrement pas !
Cette femme n’a qu’une seule envie : profiter de la vie. Elle, qui n’a de cesse de rappeler à son mari son existence et sa volonté de passer du temps avec lui, se retrouve alors plongée dans une histoire passionnée avec un autre homme. Un bonheur retrouvé, une sensation de bien-être, mais sur fond d’énormes mensonges qui la rattrapent très rapidement.
Lorsqu’une autre femme se présente à elle comme partageant le quotidien de l’homme avec lequel elle entretient cette relation, démarre alors un jeu dont elle est la victime. Folie, dépression… et peur s’enchaînent et obligent cette femme adultère à présenter une face d’elle inhabituelle. Le mari trompé, quant à lui me direz-vous ? Il assiste à ce changement d’humeur sans pouvoir retrouver la femme qui est sienne.
Et que se passerait-il si sa femme venait à lui avouer tout ? Réponse : courrez voir cette pièce tout simplement bluffante et prenante. Une interprétation magistrale et une écriture absorbante ne peuvent que stimuler toute notre adhésion.
Mention spéciale pour la mise en scène astucieuse et à l’atmosphère délicieusement rétro-classe à la Mad Men pour les costumes et accessoires, apportant un cachet cinématographique à l’ensemble.
Cette adaptation est un petit bijou de théâtre immanquable !
La Peur
d’après la nouvelle de Stefan Zweig
adaptation et mise en scène : Élodie Menant
avec en alternance : Hélène Degy, Elodie Menant, Aliocha Itovich, Arnaud Denissel, Ophélie Marsaud et Muriel Gaudin
Reprise exceptionnelle pour 60 dates à partir du 4 octobre 2018