Le Havre est le point d’ancrage de cette nouvelle exposition présentée au Musée du Luxembourg: Le cercle de l’art moderne.
Retour au XIXe siècle, pour rencontrer un groupe de collectionneurs, ayant prospéré dans les affaires, et qui s’est passionné pour l’art.
Parmi eux, Olivier Senn (1864-1959) dont le goût pouvait à l’époque paraître contestable pour des collecteurs classiques.
Et pourtant face aux pièces majeures de sa collection réunies, la qualité de son oeil et la cohérence de ses choix ne peuvent qu’impressionner.
Pour s’en convaincre, ce premier choc visuel avec l’œuvre Le Rayon de Félix Vallotton, exécutée en 1909.
La lumière irradie le cœur de cette toile dont les couleurs chaudes envoûtent.
Pièce rare car issue d’une collection privée, sa rencontre n’en est que plus intense.
A quelques pas de cette toile, La Valse de Vallotton de 1893 vous fera également chavirer.
Rencontrée au cours de la visite de presse, Anne Henriquet, commissaire de l’exposition et Directrice du MuMa-Musée d’art moderne André Malraux nous a fait nous arrêter devant deux œuvres du fauviste Albert Derain: Bougival et Le vieil Arbre.
L’aspect sans doute le plus déroutant n’est pas tant dans les toiles que dans le contexte de leur acquisition.
Comme nous l’explique la commissaire: “Ernest Siegfried, le beau-père d’Olivier Senn se rend au Salon des Indépendants, en 1905. Son intention est d’acheter les œuvres les plus loufoques et les plus laides de l’exposition pour les offrir à son gendre, avec lequel il ne partage pas les mêmes goûts artistiques.”
Et le plus étonnant, Olivier Senn ne refuse pas ces toiles. Bien au contraire, il les accepte, trouvant leur place légitime dans sa collection.
Il n’omettra pas de commenter à l’attention de son beau-père: “peut-être trouvez-vous que mes goûts soient mauvais, mais je vais vous montrer que je ne suis pas mauvais en affaire.”
Pour l’exemple, il achètera un portrait d’acteur datant de 1888 du peintre Van Gogh.
Une toile qu’il revendra un an et demi plus tard le triple de sa valeur.
MONET redécouvert
Anne Henriquet n’a pas résisté à partager sa redécouverte d’une œuvre majeure de Monet, faisant partie des collections du Musée du Havre.
Pour l’anecdote, en 1911, les collectionneurs Havrais avaient convaincu le peintre de vendre trois peintures au musée.
Parmi les Nymphéas, une vue de Varengeville-sur-mer, Le Parlement de Londres est exposé au Musée du Luxembourg après la rétrospective de l’artiste aux Galeries nationales du Grand Palais.
La commissaire de l’exposition de poursuivre:
“Cette œuvre, je la connais par cœur. Dans le musée, la lumière naturelle entre généreusement. Mais le brouillard, le fog est épais et immobile.
Avec la lumière de Philippe Collet, le brouillard est en train de se dissiper, il y a une promesse de soleil.
C’est un paradoxe total.
Pourquoi une lumière artificielle arrive autant à faire vibrer une œuvre?”
Dans l’intimité des collections
Parmi les paysages et autres vues normandes, une section de l’exposition s’attache aux goûts des collectionneurs pour des natures plus charnelles.
Il n’est pas anodin de souligner le retour de l’œuvre d’Albert Marquel sur les cimaises du Musée du Luxembourg.
La Femme Blonde acquise par Olivier Senn est particulière.
Hélène Senn-Foulds, petite-fille d’Olivier Sen, a rappelé lors de la donation de la collection de son grand-père que la photo de son baptême avait été prise à l’époque sous cette toile. Il est fort à penser que l’œuvre était trop scandaleuse, d’autant plus pour une famille protestante. Et qu’elle a conduit son propriétaire à en faire don au Musée en 1939.
Comme nous le rappelle Anne Henriquet: “collectionner c’est quelque chose de profondément personnel. Et les œuvres qui l’a constitue vont peupler un univers intime.”
La passion de ceux qui les réunissent est telle qu’elle peut se finir de manière tragique.
Georges Dusseil, autre collectionneur havrais a dû se séparer de sa collection en 1925 pour éponger des dettes, en est mort.
LE CERCLE DE L’ART MODERNE
Collectionneurs d’avant-garde au Havre
Du 18 septembre 2012 au 6 janvier 2013
Au Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard
75006 PARIS
Ouvert tous les jours de 10h à 19h30
Nocturne le vendredi soir et le lundi soir jusqu’à 22h