Claire Diterzi revient toutes guitares dehors. Pour parler de son sixième album, 69 Battements par minute, écrit en collaboration avec l’argentin Rodrigo Garcia, nous l’avons rencontrée dans un bar parisien, à Barbès.
Elle arrive avec seulement trois minutes de retard. Elle porte un petit blouson de cuir cintré et un rouge à lèvres carmin. C’est d’ailleurs sa seule touche de maquillage. Ça lui va bien, même si elle affirme le contraire. Claire Diterzi est au naturel, un peu surexcitée car « elle n’a pas dormi plus de 6 heures par nuit depuis un mois ». Nous le sommes tout autant. Elle est pétillante malgré la fatigue. La conversation passe du coq à l’âne : les salles dans lesquelles elle se produit, son public, sa façon de travailler, sa tournée, mais aussi son indépendance qu’elle a « payée cher », précise-t-elle.
Mais entrons dans le vif du sujet. La musique de Claire Diterzi oscille toujours entre rock et lyrisme. Mélange des genres, mais également des arts. Photos, peintures, théâtre, littérature, tout s’entrechoque dans sa tête et en ressort en un spectacle aux mille facettes. Sa définition de l’inspiration est bien à elle. « Créer, c’est sale. C’est regarder au plus profond de soi et en sortir toutes ses tripes. Parfois, c’est pas beau à voir. C’est une prise de risque permanente ». Nous, on trouve le résultat totalement réussi. Il y a bien entendu le disque 69 Battements par minute mais également un joli journal de bord de 63 pages et une tournée, passée par le Théâtre des Bouffes du Nord, en février.
Un show Glam-goth
Claire Diterzi et ses (très bons) musiciens y jouaient directement dans le parterre du théâtre, comme dans une petite arène romantique. Le lieu délabré, les guitares, les éclairages, la fumée projetée, tout donne des allures de spectacle gothique. Après un préambule théâtral sur sa démarche et sur ce qui va suivre, elle assure un show détonnant qui émeut, fait rire, donne envie de danser, lire du théâtre et de s’abandonner à ses émotions. Bref, elle brille sur scène et nous prend aux tripes. Pour les absents des Bouffes du Nord, il reste alors la possibilité de prendre une place, entre autres, cet été à Avignon.
Autre surprise, 16 clips illustreront les 16 titres de l’album. Trois sont déjà en circulation sur internet. Le quatrième est imminent. « Les clips ont été réalisés par deux merveilleux artistes, Andy Maistre et Delphine Boudon. Je suis excitée à montrer les prochains ! » Nous piaffons d’impatience.
Rock et dérision
A la suite d’un deuil, Claire Diterzi s’est enfermée dans une demeure tourangelle pour lire, réfléchir à sa vie et créer. « Attention, je n’ai pas perdu d’enfant ou de personne proche. Un ami avec qui je travaillais m’a quittée. Ce fut si douloureux que je l’ai vécu plus fortement qu’une simple déception », précise-t-elle. Cette retraite fut toutefois salutaire. Elle y découvre Rodrigo Garcia, un dramaturge argentin anticonformiste. Il signe, entre autres, le titre d’ouverture de l’album, « L’important avec les animaux, c’est qu’ils t’aiment sans poser de question ». Fidèle à lui-même, l’auteur mêle humour noir et absurde. On adore ! Tout l’album est à l’avenant et s’écoute en boucle avec un plaisir non dissimulé ! Quelques chansons y sont toutefois déroutantes, comme Vivaldi et le Yukulélé et La Broche, où l’acoustique tranche avec le rock saturé des autres titres. Autre singularité de l’album, le titre Interdit de jeter son chewing-gum, à moitié parlé.
Les mots sont crus et joliment tournés, les images parfois un peu trash mais c’est ce qui fait que Claire Diterzi est unique dans le paysage musical français. Et aussi trop rare ! Il faut dire qu’elle n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les 16 titres de l’album jonglent avec l’intime (69 battements par minute, est d’ailleurs le relevé de ses propres pulsations cardiaques), la confusion des genres (« Je suis un pédé refoulé »), l’absurde, la provocation et une bonne dose de dérision. « On pense souvent que cet album parle d’amour, mais c’est faux ! ». Telles une tornade, ses chansons envoient valdinguer la confiance et le couple. Parfois, l’aigreur est palpable. Le franc-parler participe au charme de la chanteuse. « Il ne faut pas écrire pour le public ou pour passer à la radio. Je ne suis pas là pour brosser les gens dans le sens du poil ». Certes, ses chansons ne sont peut-être pas calibrées pour la radio. Mais nous, la caresse à rebrousse poil, ça nous va !
Claire Diterzi
album 69 Battements par minute
(Au Pays des Merveilles)