Depuis le 15 janvier, la compagnie Toda Via Teatro revisite un classique de l’auteur russe Nicolaï Gogol, au Théâtre de la Tempête, à Vincennes. Le Révizor, dans une mise en scène hors des sentiers battus, n’a rien perdu de son effet comique.
Première moitié du XIXème siècle, dans une campagne russe. Un inspecteur de Pétersbourg serait dans les parages, incognito. C’est la panique à bord : corruption, maltraitance, vol et autres magouilles risquent d’être découverts. Que faire pour éviter la Sibérie, sinon choyer le jeune homme confondu avec ce fameux Révizor ? Les chefs de l’administration d’une petite ville, menés par un bourgmestre corrompu jusqu’à l’os, doivent agir.
S’enchaine alors une cascade de quiproquos, de faux-semblants et de mensonges. L’un pour plumer ses hôtes, ces derniers pour sauver leur peau. Le jeune homme ira jusqu’à convoiter la fille du bourgmestre, après avoir lorgné copieusement sur les atouts aguicheurs de la mère. Parce qu’après tout, la bonne bombance, il la prend là où elle se propose.
Une formule qui marche
Avec une traduction plus contemporaine que celle régulièrement présentée, la metteur en scène, Paula Giusti, dédouble le personnage du Révizor à l’aide d’un pantin. Articulé tour à tour par le jeune homme et par ceux qu’il trompe, on ne sait plus qui manipule qui. Est-ce l’imposteur qui se joue de ses hôtes, ou les hôtes qui se fourvoient, aveuglés par leur propre suffisance et vilénie ? Gogol fait rire, même au XXIème siècle. Il faut dire qu’en matière de corruption, la Russie s’y connaît pas mal.
On retrouve les mêmes codes esthétiques que sur Le Grand Cahier, l’une des précédentes créations de Paula Giusti, succès à Avignon (présenté en off), en 2011 : costumes et décors aux couleurs sépia et musique originale jouée sur scène. La formule manque un peu de surprise, mais fonctionne toujours. Petit bémol, toutefois, les acteurs sont maquillés grossièrement et affublés d’un long nez crochu ou bossu. Une volonté, peut-être, de donner des faux airs de Comedia d’el Arte ? Ou bien de faire se confondre les comédiens avec le pantin articulé ? Nul ne sait. Et quand c’est flou…
La metteur en scène argentine aime attribuer des rôles d’hommes à des femmes. Elle récidive ici, et c’est Laure Pagès qui s’y colle, dans le rôle du bourgmestre, présenté ici comme vieux et rabougri. Sa taille, notamment face à son épouse, ne l’avantage pas et malgré un petit problème d’élocution, l’actrice s’en sort très bien.
Résultat de cette adaptation, l’humour de Gogol reste présent, l’esthétique et quelques jolis pas de tango en plus. L’auteur aimait rappeler que ses pièces étaient non seulement comiques, mais interrogeaient sur la société et ses injustices. Avec l’actualité de ces derniers jours, c’est réussi.
Le Révizor
de Nicolaï Gogol
Jusqu’au 15 février 2015
Mise en scène : Paolo Giusti
Avec Dominique Cattani, Florent Chapelière, Larissa Cholomova, Mathieu Coblentz, Sonia Enquin, Ancrée Mubarack, Laure Pagès et Florian Westerhoff
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Bois de Vincennes
Route Du Champ de Manoeuvre, Paris 12ème