La Saint-Chapelle du Château de Vincennes accueille exceptionnellement une cinquantaine d’inconnues. Des Détenues qui sont passées devant l’objectif de la photographe Bettina Rheims.
Une série de face-à-face avec les visiteurs aussi troublants, touchants, intrigants qui se dévoilent dans une très belle scénographie.
Ce jeudi matin de vernissage, les rayons de soleil jouent avec les vitraux et les pierres de la Saint-Chapelle. Le monument récemment restauré est le cadre d’un recueillement un peu particulier.
Les portraits des Détenues de Bettina Rheims sont installés dans des sortes d'”oratoires“, voulus par l’artiste et son scénographe.
Ce qui trouble c’est que le milieu carcéral est totalement effacé des épreuves photographiques qui nous font face. Bettina Rheims confirme : “Rien ne dit la prison dans mes photos. J’aurais pu les photographier dans des cellules, dans les couloirs. Ce sont des portraits de femmes presque normales.”
“J’ai eu l’impression d’être utile en prison”
Bettina Rheims a rencontré plus d’une centaine de femmes. Certaines ont refusé d’être photographiées car leur famille ne sait pas, pense qu’elles sont en voyage.
Pour celles qui ont accepté, les motivations ne sont pas toutes identiques : elles ont voulu la photo soit pour elles, soit pour leur famille, leurs amis, soit pour s’en servir à leur sortie de prison, pour rencontrer quelqu’un, par exemple. Toutes étaient impatientes de recevoir leur portrait offert par l’artiste.
L’espace réduit pour installer le studio photo a imposé une proximité totale entre la photographe et ses modèles.
“J’avais ma photo assez vite. Mais je prolongeais le moment. Je passais une heure avec chacune. Elles m’ont beaucoup parlé et elles m’ont toutes dit ce qu’elles avaient fait.” Mais à aucun moment l’artiste a posé un jugement sur l’une d’entre elles.
Toutefois, elle a eu besoin de retranscrire les mots qu’on lui avait confiés en rentrant à l’hôtel avec sa journée de shootings. Certains extraits de ces échanges sont intégrés dans l’exposition. Impossible en revanche d’en connaitre son auteure, ils sont anonymes.
Ce projet interroge sur la féminité. Certaines modèles n’ont pas voulu se maquiller car “on se maquille quand on a un amoureux. Ici, il n’y a pas de plaisir“. D’autres ont pioché dans la modeste garde-robe que Bettina Rheims apportait en prison.
“Je suis quelqu’un de libre, je ne veux pas que l’on m’enferme”
Bettina Rheims confie et dit sa peur de la prison avant d’y rentrer la première fois. Elle a pourtant accepté la proposition de Robert Badinter d’aller à la rencontre de ces femmes “que plus personne ne regarde, qui sont laissées à l’abandon.”
A son tour, la photographe a été fouillée, s’est fait confisquer son téléphone. Elle a entendu les verrous se fermer les uns après les autres derrière elle.
Une fois passée cette première journée, elle est retournée à la rencontre d’autres femmes, dans d’autres prisons. “J’ai passé un hiver en prison. J’aurais pu continuer ce travail.”
Détenues est une expérience inédite et hors normes par son sujet et le lieu qui l’accueille.
Exposition Détenues
par Bettina Rheims
à la Sainte-Chapelle du Château de Vincennes
1 avenue de Paris
94300 VINCENNES
jusqu’au 30 avril 2018
Horaires :
ouvert tous les jours
de 10h30 à 13h et de 14h à 16h30
Détenues
(Editions Gallimard)
c’est aussi un livre d’une soixantaine de photographies avec la participation de Robert Badinter et Nadeije Laneyrie-Dagen.
L’exposition sera présentée au Château de Cadillac à partir du 1er juin