L’exposition Architecture en uniforme, projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale, lève le voile sur une période qui a aussi été le théâtre d’un foisonnant élan créatif. L’architecture en temps de guerre vous semble un sujet obscur. Il l’était pour nous aussi avant notre immersion dans le parcours de la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris.
L’observation que nous propose le commissaire et historien, Jean-Louis Cohen, est assez saisissante. La visite débute par une galerie de plus d’une dizaine de portraits d’architectes. Parmi eux certains ont été proches du régime nazi alors que d’autres en ont été victimes. Nous pouvons reconnaître Le Corbusier qui se rapprochera du gouvernement du maréchal Pétain à Vichy pendant l’occupation, Jean Prouvé qui concevra un ensemble de logements pour ouvriers en 1940 mais aussi le paysagiste Dan Kiley qui réalisera en 1945 l’aménagement des salles d’audience pour le procès de Nuremberg.
A fil du parcours, il nous est donné à voir des projets pratiques, logiques car adaptés à la situation de guerre, des inventions qui ont encore des répercussions dans l’architecture d’aujourd’hui et des propositions surréalistes qui n’auront pas vu le jour.
Jean-Louis Cohen a voulu donner un éclairage sur une période peu étudiée en matière d’architecture. Une sorte de page restée blanche pendant de très nombreuses années avant qu’il ne s’y intéresse il y a une vingtaine d’années. Fruit d’un travail inouï dans les archives de nombreux fonds internationaux, Architecture en uniforme révèle aussi des histoires méconnues du grand public et dont certaines pourraient faire l’objet de films.
17 thèmes composent cette exposition riche en photographies, plans, affiches de propagande et extraits de films. Le premier thème évoque la guerre qui frappe les villes. La nouveauté de cette guerre est le bombardement massif des villes. Il est donc question de protéger les monuments, en leur créant une sorte de deuxième peau. Le Château de Fontainebleau, la Cathédrale de Rouen sont ainsi protégés par des sacs de sable. Ce thème fait écho à un autre que l’on découvrira un peu plus tard autour de l’art du camouflage.
Saviez-vous que les étudiants d’école d’archi et de design seront notamment invités, en cette période, à travailler sur des leurres visuels et autres parades pour s’aider de la lumière réfléchissante du soleil ?
Autre thème, sans doute moins connu : c’est la prise de conscience concernant les matières premières. La recherche scientifique se voit obliger de trouver de nouveaux procédés pour palier au manque de matériaux alors que de véritables campagnes d’information conditionnent les foyers aux meilleures économies et au recyclage de ce qui peut l’être. Cet élan sera marquant sans doute plus aux Etats-Unis – avec des guides pour la maison où l’on trouve des conseils comme Planifier-Conserver-Récupérer (Plan-Conserve-Salvage, en version anglaise) – mais n’échappera pas pour autant aux pays européens, comme le montre cette affiche.
Les usines doivent trouver une parade pour ne pas être la cible d’attaque. On ne s’étonnera donc pas que certains architectes conçoivent des usines souterraines comme en Allemagne pour la construction d’avions mais aussi de bâtiments sans fenêtre pour permettre le travail de nuit. De vrais bunkers industriels seront conçus pour éviter les bombardements. Et pour qu’ils puissent fonctionner 24h/24 l’utilisation de la climatisation est initiée ainsi qu’un nouveau système d’éclairage. La pression de la production vise à inventer sans cesse de nouvelles architectures.
Parmi les autres faits peu connus voir totalement méconnus, nous retenons le travail du décorateur de théâtre et designer, Norman Bel Geddes. Ce dernier reconstituera en maquette de grandes batailles de la guerre du Pacifique pour illustrer les unes et articles du magazine américain Life. Le soin porté aux détails est d’une telle minutie que l’on croirait une vue réelle.
En revanche, le projet le plus troublant est sans doute l’expérience Dugway. Des architectes européens seront appelés en 1943 à apporter leur expertise dans le cadre de la conception d’un village allemand et un village japonais – avec livres sur étagères, napperon sur les tables – dans une base militaire de l’Utah aux États-Unis. Cette reproduction à l’identique d’habitats allemands visait à étudier comment l’ensemble pouvait brûler au napalm, nouvelle arme redoutable contre l’ennemi. Effarant.
La Seconde Guerre a laissé des traces dans les bâtiments et paysages actuels. Cette exposition vous en révèle tous les détails et notamment cette construction futuriste de machine à habiter, appelée Dymaxion et dont vous découvrirez tous les secrets.
Exposition ARCHITECTURE EN UNIFORME
Projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale
Une réflexion sur « Exposition ARCHITECTURE EN UNIFORME – incroyable plongée dans le design et la création en temps de guerre à la Cité de l’architecture »