Au Ciel, un ange n’a rien d’exceptionnel.
de George Bernard Shaw
Vous recherchez une visite de Paris originale, inattendue ? Et si vous parcouriez le bitume à la recherche des anges de Paris. Angels of Paris est un petit livre – par son format – plein d’esprit et d’images aussi étonnantes que réjouissantes qui invitent au voyage. On doit cette découverte à une Américaine installée à Paris.
Rosemary Flannery, ancienne mannequin, artiste, écrivain et guide, s’est consacrée à cette initiation à l’architecture parisienne à travers une figure aussi discrète que touchante: l’ange. Et le lecteur a de quoi avec de sérieuses sources d’étonnement en perspective. Nombre de ces petits êtres, pourtant attentionnés, passent totalement à côté de notre regard. Il fallait une femme pour nous les révéler. Et après 17 ans passés dans le New Jersey, 18 ans à New York et finalement plus d’années passées à Paris, son regard aiguisé sur la ville ne pouvait que nous intéresser.
Alors que son livre va faire l’objet d’une application pour smartphones, rendez-vous était pris à La Maison Rouge pour une séance photo dans un des rares photomatons vintage que comptent Paris. Histoire d’en savoir un plus sur ces figures qui font aussi Paris et sur celle qui nous les révèle.
United States of Paris: D’où vient cet amour de Paris ? Et de la France ?
Rosemary Flannery: A l’adolescence, j’étais passionnée de mode et j’étais abonnée à American Vogue. Paris était à l’époque, encore plus que maintenant, la référence en matière de mode.
Tout ce que j’aimais était liée à la France: la gastronomie, la haute couture, la littérature, Zola, Victor Hugo. Mais je lisais aussi la littérature russe, traduite en anglais. Et chose très étonnante, dans les livres de Tourgueniev et Tolstoï, certains dialogues des personnages étaient en français. Et il n’y avait pas de notes en bas de page ni de traduction. Je me suis, tout naturellement, dit que pour comprendre la littérature russe, il fallait apprendre le français. Tout ce que j’aimais, ça me menait vers la France. Le plus fascinant aussi, c’est que des artistes très importants comme Van Gogh, Picasso, Modigliani, se sont installés dans cette ville et sont finalement morts ici. Pour moi, c’était très intriguant. Vivre à Paris était lié à mon destin.
Pour l’anecdote, j’ai vécu mon enfance au New Jersey. Quand je voyais les gens se marier, par exemple, je me disais que ce ne serait jamais pour moi. Je disais à ma famille que je ne mourrais jamais dans ce pays. Je savais que je vivrais ailleurs.
UsofParis: Quel a été le déclic pour ce livre ? Quel ange est à l’origine de cette aventure ?
R. Flannery: Quand je me suis installée à Paris en 1992, j’habitais dans le 14e. Et j’ai pris l’habitude de faire mon footing dans le Parc Montsouris. A l’entrée du parc, il y a une magnifique colonne avec un grand ange au-dessus. Finalement, avec mes recherches, j’ai découvert que ça n’en était pas un. C’est en fait une allégorie pour la Paix, après la guerre franco-prussienne. Sans inscription, toutes les interprétations sont possibles. Toutefois, je n’étais pas la seule à croire que c’était un ange. Quand je prenais des photos, les gens m’interpellaient et me disaient: c’est Saint-Michel, c’est un Archange…
Et après, j’ai découvert beaucoup d’autres anges. J’ai commencé à les prendre en photos. Mes amis aussi m’en indiquaient d’autres. Comme l’ange du 57, la Rue du Turbigo dans le 3e et qui fait 3 étages. Un ange discret volontairement car né en pleine époque Haussmannienne. Beaucoup de gens du quartier me disaient: “je n’avais jamais vu cet ange !” Il faut toujours regarder en l’air.
UsofParis: Quelle figure vous impressionne le plus parmi cet ensemble de portraits ?
R. Flannery: Certainement les anges du Moyen-Age. Ce sont les plus touchants, les plus émouvants. Peut-être parce que la foi était plus intense à cette époque. Quelque part, on ressent une vérité, même si ces anges peuvent être souriants, comme ces musiciens, entourés d’éléments architecturaux (au 51, rue de Montmorency, 3e). La beauté résident aussi dans le décor qui accompagne ces figures. Il y a aussi cette scène impressionnante, où des anges assistent à la mort de Marie (sur la Cathédrale Notre Dame de Paris). Quand on les regardent, ils sont pleins d’émotions.
UsofParis: Quelle image renvoient-ils de Paris ?
R. Flannery: Je ne sais pas si c’est une image, car les gens ne les remarquent pas forcément. Ce sont plutôt des petites images. Y’a quelque chose de subliminal. Une présence visible mais aussi quasiment cachée. Mais ils protègent la ville. Quand j’ai appris l’histoire de Paris, j’étais très étonnée que cette ville ait été épargnée. Pour moi, elle est bénie. Même si l’on est pas croyant, on peut penser que quelque chose à protéger la ville.
UsofParis: Est-ce que vous avez raté un ange ?
R. Flannery: Il y a au moins encore une vingtaine d’autres anges. Le livre en contient 70 en tout. Il fallait m’arrêter dans cette aventure. Et puis, pour certains, il est très difficile d’en dire plus, faute de documentation. Au 5 avenue de la Paix, il y a un ange fabuleux, au dessus d’une porte. Il est tout en bois, sculpté et en très bel état. J’ai cherché sa trace partout, dans les archives, dans les bibliothèques. Et encore maintenant, je n’ai pas rien trouvé.
UsofParis: Une anecdote au cours de l’écriture d’Angels of Paris ?
R. Flannery: Ces anges ne sont pas dans le livre. Ils sont sur l’horloge du Palais sur la Conciergerie. C’est la plus ancienne horloge de Paris installée en extérieure.
Au début de cette aventure, je n’étais pas bien équipée en terme de matériel photo et de zoom. Et j’ai dû m’installer de l’autre côté de la rue pour avoir du recul. Pour cela, je me suis armée d’un escabeau, que j’ai ensuite beaucoup promené. Je le transportais avec moi de manière naturelle !
Un jour, j’étais en train de photographier ces anges, installée sur mon escabeau avec un imperméable noir. Quand je suis redescendue, un vieil homme, très gentil et aussi très curieux m’a interpellée en me demandant: est-ce que vous êtes dans l’espionnage ? Je lui ai répondu: non, je suis dans le business des anges !
UsofParis: Est-ce que les anges ont été bienveillants avec vous ?
R. Flannery: J’ai trouvé qu’ils m’ont beaucoup assistés. Ils étaient avec moi dans mes recherches.
Un jour, j’ai pris le mauvais bus, j’étais un peu distraite. Je me suis arrêtée pour changer de bus. Il m’a fallu marcher sur le quai de l’Hôtel de Ville.
Les anges savaient que j’étais à leur recherche. Et ils m’envoyaient des indices, ils me faisaient signe. J’en étais convaincue. Et au détour d’une rue, j’ai découvert mon premier ange sur un porte, en fer forgé (au 78, qui de l’Hôtel de Ville, 4e). Une sorte d’ange-sirène qui nourrit un écureuil Et grâce à lui, j’en ai trouvé un autre.
UsofParis: Dans quel lieu aimez-vous vous ressourcer ? R. Flannery: J’ai besoin de la nature pour me ressourcer et donc de quitter Paris. Mais ça peut-être aussi le cadre dans lequel j’ai travaillé pour l’écriture de mon livre: un café italien de la rue Auber. Il y avait de “good vibrations” tout le temps. Et c’était vraiment inspirant.
R. Flannery: L’exposition de la créatrice Eileen Gray au Centre Pompidou. C’est lié au souvenir de mon premier job après mon diplôme de French langage and litterature. J’étais “executive secretary” du Président du siège Yves Saint Laurent à New York. J’ai menti pour avoir ce job ! Il fallait connaitre la dactylo, chose que je ne maîtrisais pas. Je l’ai apprise dans un livre. Il fallait que je travaille là, parce que c’était Yves Saint Laurent, parce que c’était la France.Et dans l’impressionnant bureau du Président pour qui je travaillais, il y avait aux côtés des deux portraits de Monsieur Saint Laurent par Andy Warhol et des créations d’Andrée Putman, un tapis et une chaise transat en cuir créés par Eileen Gray. C’était ma première rencontre avec l’oeuvre de cette artiste, considérée comme une des plus influentes du XXe siècle. Je n’ai jamais oublié…
ANGELS OF PARIS
An Architectural Tour through the History of Paris
de Rosemary Flannery
with photographs by the author
Editions The Little Bookroom
New York
A retrouver à la librairie parisienne Skakespeare and Company
ou sur Amazon
Thanks John Agee !
You’re very welcome, Alexandre!
😉