D’abord, un premier échange par mail avec ce jeune artiste, Marvin Jouno, pour comprendre ce qui venait de nous scotcher. Un EP 4 titres, Ouverture, qui nous redonnait mille foi en la chanson française. Une poésie énigmatique, qui offrait toutes les évasions et projections possibles avec une orchestration fine nous rappelant le doux souvenir d’artistes masculins racés – ce qui n’a pas échappé aux Inrocks. Benjamin B. en ligne de mire, comme référence incontournable ou figure tutélaire à mieux pourfendre pour s’émanciper.
La sortie du premier album, Intérieur Nuit, est l’occasion d’une interview face-à-face avec Marvin Jouno. Impossible de tout savoir sur le titre Est-ce l’Est ? – texte le plus impudique du CD pour son auteur – “le sens profond de la chanson est secret“.
L’approche du premier concert en tête d’affiche à la Flèche d’Or rappelle à Marvin le souvenir de ce premier live à Paris au cours duquel il a gardé le plus souvent les yeux fermés face à son public.
Alors qu’il se voit déjà partir à l’étranger avec son film dans le sac à dos – car Intérieur Nuit est un album et un film – pour faire écouter sa musique aux francophiles de tout bord, notre trentenaire se laisse désirer avant d’envoyer sa cover du Grand Sommeil à Etienne Daho, en guise de postcard hommage.
UsofParis : Un EP puis un album, est-ce désormais une suite logique pour un jeune artiste ?
Marvin : C’est dans l’air du temps. Je vois l’EP comme une sorte de carte de visite. Ce qui est intéressant, c’est que c’est un vrai entrainement sur tous les plans : fabrication, gestion d’une sortie, on apprend de ses erreurs aussi. C’est une balle à blanc.
L’EP Ouverture était un condensé de l’album Intérieur Nuit. Mais c’est l’album qui fait le plus sens.
J’ai eu un problème avec le 1er titre : L’Avalanche. Impossible de décrocher, c’était très fort comme accroche. Comment l’as-tu composé ?
J’ai eu peur 🙂
La genèse de ce morceau est une déception professionnelle. J’ai pris ma voiture sur un coup de tête et je me suis isolé dans une maison en Bretagne. Et j’ai écrit 2-3 chansons dont Antoine de 7 à 9 et L’Avalanche. Je voulais exprimer ce que je ressens depuis tout petit : ces insomnies dans la nuit du dimanche au lundi. C’est un classique, je ne dors pas beaucoup. Je fais le bilan de la semaine passée et je pense à celle qui va arriver. C’est totalement involontaire.
La base de ce titre est un piano-voix, comme les autres morceaux. Et toute la production a été faite à Carpentras au Studio Vega, à 4 : Angelo, Agnès, Rémi. Et je ne sais pas ce qui s’est passé : on est arrivé avec 13 piano-voix et nous avons réussi à tous les arranger et les développer en 6 jours.
On avait la vision : décor, ambiance, lumière. Et l’orchestration s’est faite en une soirée.
Que L’Avalanche ouvre l’album était une évidence ?
La track-list a été un long travail de réflexion. Il y a eu plusieurs ébauches. Et L’Avalanche s’est imposée, sans doute à cause de la phrase : “la nuit sera immense“.
Qu’est-ce qu’il y a de cinématographique dans tes textes ou dans la composition de tes chansons ?
Je viens de ce média. J’ai étudié la mise en scène et ensuite été décorateur pendant 10 ans. Les premières chansons que j’ai écrites étaient inspirées d’un scénario que je n’ai jamais tourné.
Quand j’écris, j’ai souvent le clip en tête. Je fonctionne beaucoup par images. Et je m’efforce d’avoir des compositions qui collent avec les textes. L’album peut être considéré aussi comme une sorte de BO.
Mais Intérieur Nuit ne devait pas, pour autant, être un film.
Je ne sais pas si je retombe sur mes pattes. Mais ça fait 15 ans que je cherche à faire un film et la musique est presque accidentelle dans mon parcours.
Elle m’amène à faire des photos, à partir tourner un film à l’étranger, à jouer la comédie.
Je suis un vrai touche-à-tout et je m’éclate.
Était-ce essentiel d’accompagner l’album d’un film ?
Ça ne l’était pas. En fait, j’avais envie d’inviter les gens à venir voir mon 1er album. 🙂
Une fois l’album mixé, j’ai beaucoup travaillé les visuels avec Élise Toïdé et cette envie d’esthétique ciné. Et je réfléchissais aux clips. Mais les propositions que j’ai reçues pour Love Later ne me plaisaient pas.
Petit à petit, il y a eu un fil rouge et un vrai désir de fiction. En une nuit, j’ai déstructuré la track-list et j’ai écrit une histoire.
Avec Romain Winkler, le réalisateur, on a privilégié l’objet film et non une compilation de 11 clips.
Jouer c’est une mise à nu plus difficile que de donner à entendre ses mots ?
J’avais déjà la sensation de m’être totalement déshabillé sur l’album. Et je dis, actuellement, à mes amis que le film est un IRM, une radiographie. Je suis plus qu’à poil. On voit tout. C’est du 360 degrés.
Et puis je ne suis pas comédien. Mais je voulais incarner ces chansons jusqu’au bout bien que je sois très pudique aussi. Ce processus est une ouverture et une mise à nu qu’il faut assumer. A la veille de la sortie de l’album, je me demande : est-ce que je n’ai pas été trop loin ?
Quel est le véritable rôle d’Angelo dans cet album ?
Angelo est l’architecte, le chef opérateur qui met en lumière. Il y a une vraie direction artistique.
Avec lui, j’oublie la partie arrangements. Je me concentre sur les compo piano-voix qui doivent tenir, exister comme telles. C’est lui qui a la vision globale.
C’est un vrai plaisir de collaborer avec des gens talentueux, comme lui et Agnès, mais c’est une lutte aussi. Je veux garder le contrôle, j’ai des idées très précises. Ce n’est pas facile de travailler avec moi, en fait. Même si je suis courtois et gentil. Je peux être têtu.
Pour quelle chanson y’a-t-il eu le plus de lutte ?
Antoine de 5 à 7. On était en studio, la chanson était à peine finie de composer. Et la veille, je décidais de ne plus la faire. Je l’abandonnais. Le lendemain matin, on s’est remis au travail avec Agnès et nous l’avons sauvée. On a retrouvé un fil pour le refrain. On a sauvé le “Soldat Antoine” !
A qui as-tu fait écouter ton album en 1er ?
A ceux avec qui je travaille. Puis il est resté secret un moment car je n’aime pas faire entendre les versions à plat. Je préfère la version mastering. Et c’est en fait Pierre Siankowski des Inrocks qui l’a écouté. Il m’avait contacté via Twitter cet été et on l’a invité.
On a vraiment senti quelqu’un d’attentif et réactif.
Il a repéré très vite les références ciné et les clins d’œil à Bashung.
Être un artiste connecté, est-ce inné ?
Je ne suis pas bon, parce que je n’aime pas parler pour ne rien dire.
Mais j’essaie de distinguer les 3 médias : je relais systématiquement tout sur Twitter, tous les articles. Sur Instagram, je tente d’ouvrir et ne pas faire que de l’autopromo, je me suis remis à la photo. Je retrouve le goût en faisant des photos en Géorgie.
Et sur Facebook, il faut attendre le bon moment, avoir la bonne formule. J’ai trouvé un ton, du coup, personne ne peut publier à ma place. Ça se verrait.
Et je réponds à tout le monde.
Propos recueillis par Alexandre
MARVIN JOUNO
album Intérieur Nuit
(Un Plan Simple/Sony Music)
Concert à la Maroquinerie le 3 novembre !
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