Pierre-Elie Robert et Charles Valentin alias VENDREDI sont des bidouilleurs de génie. Ils enregistrent tout ce qui leur passe à proximité de l’oreille. Ils extraient ensuite, triturent et mixent pour créer des morceaux relevés, exigeants et maitrisés. La sortie de leur premier EP de 6 titres, Veneris Dies, chez No Format ! n’a certainement pas dû vous échapper. Elle s’est, en effet, accompagnée d’un clip remarqué donnant vie à une Chiara de chair et d’os.
Bien conscients que Vendredi est “le pire nom au monde pour un référencement”, avant d’ajouter que “c’est aussi la preuve qu'[ils] ne se prenai[en]t pas au sérieux, au début de l’aventure”, les jeunes musiciens gardent la tête froide sur les prochaines étapes de leur carrière. D’abord un autre EP et ensuite un album, dans la droite ligne de cette mythologie initiée autour du sanglier, d’un phacochère amoureux de Vénus.
United States of Paris : Comment vous êtes-vous retrouvés à Venise ? Charles : C’était l’été 2012. On s’est fait prêter une maison à Venise et on n’a pas hésité. Pierre-Elie : En fait, on saturait pas mal d’être à Paris. L’EP était pratiquement fini, mais il fallait une petite couche de vernis. Du coup, on a terminé la plupart des morceaux (Golnaz, Naissance, Le vide et la lumière étaient prêts), fini Vallium. Et on y a composé Venise et Chiara sur place.
Qui est donc cette accordéoniste nommée Chiara ?
Charles : On l’a rencontrée dans une rue à Venise, en se baladant.
Pierre-Elie : Il faut dire qu’on s’est tapé 200 accordéonistes qui jouaient les mêmes airs pour touristes depuis le début du séjour. Ce qui nous a marqué c’est son jeu. C’était une italienne vagabonde-routarde – aux dernières nouvelles elle est aux Balkans. Elle avait 24-25 ans.
On avait l’impression qu’elle ne jouait que pour elle. Ses morceaux duraient 20 minutes et elle ne regardait même pas si les gens l’écoutaient ou pas. Elle était en impro totale, avec un côté progressif, un peu transe. Ça nous a émus.
Charles : Y’avait un mélange entre rock psychédélique et techo-trans. On a “phasé” 25 min en l’écoutant. On a pris nos deux couilles à 2 mains et on lui a proposé d’enregistrer avec nous.
Pierre-Elie : Elle n’a pas hésité. Elle a pris son sac et nous a suivis. Le deal proposé – car on n’avait pas d’argent – “on te fait une maquette pro (avec le matos que j’avais amené, car je suis ingé son) et tu nous autorises à piocher dedans.”
Charles : Elle a dû enregistrer 30 minutes chez nous non stop, comme dans la rue. Elle nous dit au bout d’un moment : “j’ai fini, vous me l’envoyez par mail !” C’était totalement spontané. Et nous avons ensuite pioché des notes pour composer le morceau Chiara.
Comment avez-vous composé l’EP Veneris Dies en duo, chacun de votre côté ?
Pierre-Elie : Actuellement, on compose de plus en plus les morceaux ensemble car Vendredi prend de l’ampleur. Avant c’était plus ludique, récréatif. On faisait chacun un morceau de notre côté et on l’envoyait à l’autre. Maintenant, on prend les choses avec un peu de sérieux.
Charles : Pour cet EP, c’était : l’un de nous commençait un morceau. Et on arrivait chez l’autre en demandant : “est-ce que t’aimes bien ça ?” Ça arrivait qu’on arrive avec 3 morceaux et que l’autre n’en choisisse qu’un seul. A partir de là, on travaillait le titre ensemble.
Que s’est-il passé entre l’été 2012 et mars 2014, date de sortie de votre EP ?
Pierre-Elie : On a commencé plein de morceaux entre temps. On aurait déjà de quoi faire 3 albums, non terminés !
En fait, cet EP on ne voulait pas le mettre sur Internet. On voulait signer avec un label. Après pas mal de démarchages sans réponse, on a fini par se dire qu’on allait l’auto-produire et on l’a posté sur bandcamp. Et là, on reçoit un message de KCPR,une radio californienne, et ensuite une seconde radio californienne, UCLA, qui voulaient diffuser nos morceaux. Des japonais voulaient publier sur leur blog et ensuite, Radio Campus Montpellier et une radio à Harlem. Le délire total ! Nous avions lancé notre EP comme une bouteille à la mer.
Et par le fruit du hasard, No Format ! tombe sur nous car on correspondait au type de projets électro que le label cherchait à signer. On a rencontré les gens du label le lendemain de leur mail et on a signé 2 semaines après. C’était en juin. Et on avait prévu de sortir l’EP en septembre.
Charles : Je présentais le barreau de paris entre temps. Donc c’était compliqué d’assurer la promo. Et entre temps, No Format ! s’est rapproché de Sony.
Pas de trop de frustration ?
Charles : A si ! C’est gigantesque ! A partir de notre rencontre en février 2012, on a mis 6 mois pour composer. L’EP est fini depuis un an et demi. Ça fait donc un an et demi qu’on attend. (rires)
Pierre-Elie : La succession de reports a été usant. (rires)
Qu’est-ce qui vous a attiré chez l’autre ?
Pierre-Elie : C’est à un pique-nique organisé par des amis en commun qu’on a commencé à parler musique, de références pas forcément partagées par nos amis (James Blake, Untold, Flying Lotus…)et aussi de bruits.
On était au Bois de Boulogne, il y avait des oies. Et on est parti dans le délire de les enregistrer et de faire un morceau avec.
Charles : C’est une anecdote aussi triste et pathétique qu’elle puisse paraitre ! (rires)
Pierre-Elie : Et c’était la première fois que je rencontrais une personne qui euille, comme moi, enregistrer des sons pour faire de la musique. On s’est retrouvé ensuite un vendredi.
Charles : Quand je proposais à mes amis d’écouter certains titres qui me plaisaient, on me répondait : “C’est de la merde !” ou “C’est nul, je préfère David Guetta“. Et ça m’a plus de rencontrer quelqu’un qui aime des sonorités différentes.
Avez-vous avec Pierre Henry ou Pierre Shaeffer ?
Pierre-Elie : Ce sont des compositeurs que l’on admire pour leur démarche. Mais nous ne les écoutons pas tous les matins au petit-déj ! (rires)
C’est ce qu’on essaie de faire aussi, très humblement, de bidouiller et chercher de nouvelles sonorités. Le titre Venisece ne sont que des sons concrets. A 100%.
Charles : La rythmique est faite par des pas de passants. Il y a aussi des moteurs de bateau.
Pierre-Elie : On se baladait avec notre enregistreur et une perche avec un micro dans les rues de la ville. On courrait après les pigeons sur la Place San Marco.
Le kiff musical suprême ?
Pierre-Elie : Je viens d’une famille musicale. J’ai fait le Conservatoire. Ce qui m’a le plus bouleversé c’est James Blake que j’ai découvert en 2008. Si je devais partir sur une île déserte, je partirais avec l’EP The Bells Sketch.Car pour moi, c’est révolutionnaire. Y’a du baroque, du jazz. Quelque chose d’inouïe et audacieux. Mais il y a aussi Bach, Robert Glasper etGiovanni Mirabassi.
Charles : Les premiers mecs sur lesquels j’ai vraiment vibré, c’est con à dire mais c’est Homework de Daft Punk et 2001 de Dr. Dre. Et un des morceaux qui m’a le plus marqué à vie c’est Jef Gilson et Malagasy qui reprend le titre de Pharoah Sanders, The creator as a master plan. Ca me rend juste dingue.
Je connais les notes par coeur, mais ça me rend en transe. On ne sait jamais combien de temps la passion (qui est régulière) pour un morceau va durer, car le grand amour musical est extrêmement rare.
Pierre-Elie : Ce qui nous procure autant d’endorphines à l’écoute de ces musiciens et morceaux, c’est la spontanéité !
Et le son du moment ?
Charles : C’est tout frais : le groupe Illum Sphere avec Love theme for foreverness. Mais y’en a tellement !
Un conseil que vous retenez de vos parents ?
Pierre-Elie : Mes parents me supplient de dormir ! (rires) Mon père m’a toujours répété: “la première qualité d’un artiste c’est sa santé.” Mais je ne l’applique pas forcément.
Ce qu’ils m’ont transmis c’est un patrimoine musical incroyable, même s’ils écoutaient beaucoup de baroque.
Charles : C’est ce que je retiens c’est une certaine nonchalance et le désir de vivre !.
VENDREDI, premier EP Veneris Dieschez NO FORMAT ! en téléchargement su r Itunes
J’avoue je ne connaissais pas ce groupe. Chiara est vraiment un titre fort. Je me le suis passé en boucle