Début septembre, aux Studios Ferber de Zamora, l’équipe a rencontré Pascale Picard, la charmante québécoise qui signe son grand retour en France avec la sortie de son troisième album All Things Pass. Six ans séparent ce nouveau disque du succès de Me, Myself and Us. Il était nécessaire de remettre les pendules à l’heure de son pays, prendre de nouvelles après cette longue absence et savourer son sourire éclatant avant de la retrouver en live en tournée en France et au Petit Bain à Paris, le 2 décembre.
INTERVIEW SELFIE !
ou quand Pascal Picard n’a pas trop beurré pour son retour en France et nous, on a capoté !
UsofParis : Peux-tu te présenter en quelques mots pour que nos lecteurs puissent savoir qui tu es, comment tu en es venue à la musique ?
Pascale Picard : Ok. En quelques mots, ça risque d’être compliqué car je suis quelqu’un qui parle énormément. (elle insiste sur ce dernier mot)
Ça c’est les Québécois…
Ah oui hein ? Nous, on est comme ça, on blablate.
Donc je suis une Québécoise, j’ai 32 ans. Je joue de la guitare depuis l’âge de 13 ans. Avant ça, un peu de batterie et de piano. Toujours en autodidacte parce que je ne suis pas capable de supporter les cours.
Quand j’ai attrapé la guitare à 13 ans, je connaissais 2-3 accords, j’ai accroché et je me suis mise tout de suite à écrire de la chanson. Je faisais les répertoires d’autres artistes aussi.
Puis à 18 ans, au Québec c’est l’âge légal pour pouvoir rentrer dans les bars. J’ai donc commencé à jouer dans des bars et des restaurants.
J’ai fait une démo de 3 chansons, j’en ai fait des copies. J’ai dit aux gens de partager ma musique gratuitement, car on voulait que ça voyage. Et finalement cette démo est arrivée dans une station télé qui faisait plus des vidéos clips au Québec. Ils avaient une émission Les pourris de talents, qui était une tribune pour tous les talents, il y avait des humoristes, des magiciens, des poètes, des musiciens,…
Un peu comme Incroyable Talent, America’s Got Talent ?
Oui c’est ça. Sauf que c’est un concept qui a duré qu’une seule saison et qu’il n’y avait pas de gagnant à la fin. Il y a plusieurs artistes qui sont sortis de cette cuvée.
J’ai eu beaucoup de beaux commentaires sur internet, par téléphone, quand je suis passée dans cette émission. Les producteurs de l’émission avaient un label, ils m’ont proposé un contrat. J’ai donc fait Me, Myself and Us avec eux. C’est sorti au Québec et on a eu un accueil qui a dépassé nos attentes.
On avait 5 500 copies de l’album, il était « back order » après une semaine. C’était vraiment un rêve, un conte de fées. La chaîne où est passée l’émission était une chaîne câblée, ce n’était pas une Star Academy, tu vois ? Des journalistes nous ont beaucoup aidés en nous donnant beaucoup de visibilité, les gens nous ont suivis dans cette aventure-là.
Un producteur de France, qui était en voyage au Québec à ce moment-là, a entendu Gate 22. Il a vraiment adoré. Et il a racheté notre contrat et sorti l’album en 2008 en France. Quand on est arrivé ici, on nous connaissait déjà, c’était assez fou. On passait beaucoup en radio.
On est entré par la petite porte au Québec en chantant dans des petits bars avec 30 personnes, et ici on est entré par la grande porte avec le premier concert à La Cigale. L’album venait de sortir, on pensait qu’il y allait avoir 200-300 personnes et que le reste ce serait des journalistes et des invits, mais c’était complet. On nous a même remis un disque de platine, j’crois.
C’est fou comment ça s’est passé ici. On est parti en tournée pendant 6 mois en 2009 entre la France, la Suisse et la Belgique. On a eu un super accueil des Français.
Tu vois, je t’ai dit « quelques mots » mais je peux continuer encore. Mais voilà c’est ça, c’est un peu moi.
Et donc Pascale Picard c’est un groupe ?
Oui, c’est ça.
Avec la même formation depuis le début ?
Le bassiste, c’est le bassiste original Philippe Morissette. Le guitariste a changé, c’est Louis Fernandez depuis 5 ans déjà. Puis, on en est rendu à notre troisième batteur, Marc Chartrain, qui est avec nous depuis 6 ans. C’est une relation assez stable quand même.
Comment se passe la création ? Je sais que tu écris les textes, mais la musique ?
C’est moi aussi. Je fais pas mal tout. Mais l’accord du groupe est important, au niveau des arrangements, par exemple. Tout le monde amène sa touche et s’implique. C’est vraiment une démocratie à l’intérieur du groupe, où on prend les décisions ensemble, on fait les choix ensemble.
On doit te poser souvent la question. C’est ton grand retour en France avec ton troisième album, il y en a eu un deuxième qui est seulement sorti au Canada, pourquoi ?
C’est normal, c’est une question qui se pose. Nous, on a voulu qu’il sorte ici. Universal a acheté un album déjà fait (le premier), quand on a travaillé sur le second, on a fait des expériences et il y a eu des divergences d’opinions. Tu sais c’est une major, ils nous ont permis de le sortir au Québec en nous disant qu’il sortirait un peu plus tard en France. Et ce n’est pas arrivé pour x raisons.
Et comme je t’ai dit en ayant pas d’album, on n’a pas la possibilité de venir tourner ici en France. On se disait toujours : ce sera pas long, ça va se régler. Et finalement, ça a été plus long que prévu. Le temps qu’on rencontre une nouvelle équipe, de travailler dessus. Ça a pris 6 ans pour qu’on revienne ici. Mais on n’a pas chômé entre temps.
Il y a eu la BO de la série Trauma aussi.
T’es bien informé. C’était des reprises avec « le band » presque guitare-voix, pour la bande originale de la série de Trauma.
Comment s’est passée cette rencontre ? Comment as-tu été choisie ?
Je pense qu’au Québec mon travail est assez connu. Fabienne Larouche a demandé à Ariane Moffatt de faire les saisons 1 et 2, j’ai fait la 3 puis ensuite il y a eu Martha Wainwright et Coeur de Pirate. Elle va vers des filles. C’est une femme, donc je pense qu’elle aime aller vers des femmes. J’adore la série, j’avais adoré le travail d’Ariane Moffatt sur la série. Quand elle m’a contacté j’ai dit « Oui ! Oui ! Oui ! », peu importe les conditions.
On s’est assise avec Fabienne Larouche chez elle, on a pris un thé. Elle m’a dit moi ce que je veux c’est toi, je veux pas ton « band ». Je lui ai dit que je mettrais le « band » mais qu’elle ne l’entendrait pas. Elle ne voulait pas quelque chose de rock. J’ai pas eu beaucoup de contraintes, elle m’a donné une très grande liberté. Elle m’apportait les chansons et on choisissait ensemble. J’ai même apporté des alternatives. Elle voulait quelque chose d’hyper soft. Je lui ai envoyé les versions guitare-voix, elle a trouvé ça merveilleux. Je suis allée en studio avec les gars, on a enregistré l’album et voilà.
C’était une super expérience. Et ça m’a servi pour le troisième album, d’y aller le plus sobrement possible, laisser respirer les chansons. Juste faire une bonne chanson, ne pas essayer de l’étouffer. Sur le deuxième album, on voit qu’on avait envie d’en mettre plein la vue. De savoir qu’on nous attendait, d’avoir eu le succès du premier on avait une certaine pression. C’est inconscient car, à ce moment-là, j’avais pas l’impression d’en « beurrer » épais.
Mais quand je l’écoute aujourd’hui, je l’adore encore. Et j’espère qu’un jour on aura l’occasion de vous le faire écouter ici car je suis très très fière des chansons.
En concert, par exemple ?
On va en mettre, mais on veut que ce soit une fête avec les Français. On sait des fois que ça peut être lourd de découvrir des nouveaux morceaux en spectacle, déjà qu’on a le nouvel album. Donc ce qu’on fait, c’est qu’on a pris les titres les plus festifs/up-beat du dernier album, les succès de Me, Myself and Us car c’est ce qui nous a fait connaître ici et je crois qu’on a mis 1 ou 2 titres du deuxième album pour essayer de l’introduire. On veut faire plaisir aux gens qui vont venir nous voir. Ça fait 6 ans, c’est des retrouvailles.
Fin août ton nouvel album est sorti, tu vas retrouver le public français lundi (l’interview s’est déroulé 5 jours avant le concert à la Maroquinerie)…
Hiiiiiiii, j’en ai la chair de poule. Mais avant je m’en vais à Noirmont en Suisse puis un autre festival à Auberive, un petit village où même les cellulaires ne passent pas, ça va être l’horreur ça (rires). On va s’amener des jeux de cartes.
Tu n’as pas peur que le public français t’ai un peu oubliée ? Ma question n’est pas méchante, c’est juste que 6 ans, c’est très long.
Oui c’est sûr. Tu sais j’ai pas d’attente. On est parti d’un Olympia rempli à craqué en 2009, glorieux, c’est sûr que les gens ont fait d’autres choses depuis.
Moi je suis quelqu’un de travailleur. On va prendre les entrevues qu’ils nous ont données, toute la visibilité qu’on peut prendre pour essayer de rappeler aux gens qui on est.
Je suis contente car on a plein de gens comme toi qui nous disent « Ah je t’avais beaucoup aimé dans le temps, on a envie de t’interviewer ! » donc ça c’est super !
Je suis confiante. La Maroquinerie c’est pas une grosse salle, on ne s’attend pas à ce que ce soit rempli à ras bord. Je suis quelqu’un qui essaie d’être terre à terre. Je serai heureuse s’il y a 7 personnes dans la salle qui sont là pour venir nous voir.
Je suis tellement contente d’être ici, ça fait 6 ans que j’attends ce moment-là.
Je suis contente j’ai mangé un jambon-beurre, je me remets avec l’accent français dans l’oreille. Même si je ne travaillais pas, même s’il n’y avait pas de concert, je serai contente tu sais.
Tu n’es jamais revenue en France depuis 2009 ? Même pour toi, le plaisir ?
Je suis revenue deux fois : une fois en 2011 pour la maison de disque et en 2012 pour un festival à Paris. Mais cette fois je suis là pour 3 semaines. Je suis allée au Père Lachaise, c’était la première fois.
Car quand on vient travailler on n’a jamais le temps entre les concerts, la route… Là je vais avoir du temps, j’ai un petit peu de promo mais je vais avoir le temps de mettre mon Kodak au cou et d’aller à la Tour Eiffel avec mon drapeau. (rires)
As-tu abordé différemment le troisième album, considérant que le deuxième ne soit pas sorti en France ?
C’est une excellente question. Je pense qu’on porte un bagage tout le temps. Tout ce qui est arrivé, ça existe puis on se promène avec son bagage. Ça a été une grosse blessure que l’album ne sorte pas ici. J’ai adoré tourner en France et j’ai eu beaucoup de peine de ne pas être capable de revenir en temps voulu. Là, j’y suis, je suis contente. Mais, c’est sûr que j’ai toujours pensé à ça. Je ne pense pas que ça ait eu d’impact sur la composition de l’album parce que j’essaie de ne pas penser à comment il va être reçu. Je me mets déjà tellement de contraintes, je suis extrêmement exigeante avec moi-même, je m’autocensure tout le temps.
Tes influences pour écrire cet album ?
Musicalement, j’écoute plein de choses et les gars du band aussi, donc je ne saurai pas te dire. Tout le monde met sa touche. Mais humainement, comme tout ce que j’écris, c’est très autobiographique. Cependant, je triche un peu je vais quand même fouiller dans la vie des proches, je l’adapte et je mets ça dans mes yeux à moi.
Mais c’est sûr que pour moi, dans cet album-là, ce qui m’a beaucoup inspiré, puis je fais des blagues avec ça. Mais c’est vrai, c’est ma crise de la trentaine. A 29 ans, j’ai fait une grosse crise…
(Je fais la grimace)
Pascale : Tu as quel âge ?
UsofParis : 29 ans
Pascale : Mais c’est quelque chose de positif, ce sont des grandes remises en question. Quand c’est arrivé, j’y croyais pas. Mais avec le recul j’ai fait plein de constations. Avant, j’étais assez « drama-queen ». Je suis quelqu’un d’intense et d’hyper-sensible, quand je vis quelque chose d’heureux c’est la fête, c’est l’euphorie totale et quand je vis quelque chose de dramatique, j’ai du mal à relativiser.
J’ai commencé à me rendre compte de la différence entre les émotions et les sentiments, pour moi ça été une révélation. Les émotions passent, toutes choses passent. C’est libérateur de penser ça. Quand quelque chose de difficile arrive, je me dis que c’est un apprentissage, que je ne recommencerai pas la même erreur demain. J’essaie de toujours aller de l’avant.
C’est ça un petit peu mes thématiques abordées. Regarder en avant, vivre le moment présent.
Tu écris en anglais, alors que ta langue maternelle est le français. Pourquoi ? Et penses-tu pouvoir un jour écrire en français ?
Je sais, c’est honteux ! (rires)
J’ai toujours pensé ma musique en anglais, c’est pas des traductions de choses que j’écris en français. Ça me vient en anglais. C’est bizarre, car c’est pas naturel. J’ai écouté beaucoup de musique en anglais, j’ai appris l’anglais en lisant les paroles des chansons. Je pense la musique en anglais, c’est instinctif.
J’aimerais ça peut être écrire en français, mais je ne veux pas me donner d’objectif car je trouve que c’est anti-créatif quand on se met la pression. J’ai fait les Francofolies au Québec où l’on est obligé de chanter en français, on a donc traduit mes textes et on les a retravaillés pour les sonorités avec Gaëlle, une amie française. J’ai aussi fait des ateliers d’écriture à la suite de ça. Ça m’a ouvert l’esprit, ça me plairait beaucoup, mais je me sens incapable de le faire. Mais la porte est ouverte.
Quel est le passage obligé pour toi à Paris ?
J’ai un gros coup de coeur de Montmartre, car on a beaucoup été logé là quand on venait. Y’a un endroit où on allait faire du karaoké avec le « band » dans un p’ti bar. J’avais mes petites habitudes, je me sentais comme chez moi là-bas.
Quelle est la chose incontournable à voir au Québec ?
Les villes sont super mais ce qui est génial au Québec, ce sont les grands espaces. D’être à 20 minutes d’un centre-ville, en plein milieu d’un bois, dans la nature. Il faut aller voir les montagnes, faire de la marche en neige, se perdre un peu dans la nature. C’est beau chez nous.
L’objet dont tu ne peux pas te passer quand tu viens en France ?
Dans l’époque où je fumais, je venais avec mes cigarettes car elles sont différentes ici. Mais je ne fume plus donc ce n’est pas un problème. J’amène mon chewing-gum car nos chewing-gum sont vraiment forts, ça décape alors qu’ici ils sont plus soft.
Mais cette fois-ci, c’est pas pour moi, j’ai amené du fromage en grain puis de la sauce à poutine. C’est un de nos plats dont tout le monde nous parle, c’est pas de la grande gastronomie. C’est quelque chose que je mange 1-2 fois par an, mais ça ne me manque pas.
Ton dernier coup de cœur musical ?
Alabama Shakes, j’ai halluciné. Puis en live, ils sont « écoeurants » ! Hier, j’ai entendu le dernier album de The Do, j’ai capoté ! Je l’ai entendu juste une fois mais il faut que je l’achète c’est sûr et certain. Et en français, Christine and the Queens. Ça mon dieu, c’est des claques et des claques.
Et au Québec y’a un groupe que j’écoute beaucoup, c’est Caravane, des gars barbus de 25 ans qui rockent (elle mime la guitare).
Qu’est-ce qui te manque le plus quand tu es en France ?
Mes chats ! Mes chats ! Faut pas trop que j’y pense sinon je me mets à paranoïer.
Une jolie rencontre, avec beaucoup de rires. Pascale parle beaucoup, elle m’avait prévenu et c’est passé très très vite.
Quelques jours après, je la retrouve à la Maroquinerie pour son premier live à Paris pour son nouvel album. Un très bon moment de retrouvailles avec son public français durant lequel elle ne boudera pas son plaisir.
Elle a enchaîné les tubes qui ont fait son succès Gate 22, Smilin’, Thinking of it, que le public chantonnait avec elle.
Pascale a également offert un jam avec Chandelier de Sia, La vie en rose de Edith Piaf et What’s Up des 4 Non Blonde.
On notera le magnifique Without you en guitare-voix, sans « le band » pour le rappel.
Elle s’est éclatée sur scène et a promis de ne pas attendre 6 ans avant de revenir nous voir, les petits Français.
Interview et report by Joan
Pascale Picard en concert en France :
21/11 – Alençon (61) – La Luciole
03/12 – Toulouse (31) – Metronium
11/12 – Herouville Saint Clair (14) – BBC
12/12 – Lyon (69) – Transbordeur
14/12 – Clermont-Ferrand (63) – Coopérative de mai
02/12 – Paris (75) Le Petit Bain
Nouvel album de Pascale Picard : All Things Pass
(Simone Records / Zamora Label)