Lors de la 41ème édition du Festival d’Angoulême, l’équipe d’USofParis est allée jeter un œil à l’expo anniversaire des 50 ans de Mafalda pour découvrir les dessins publiés pendant « la sale guerre », la « guerra sucia » dans les années 60 en Argentine.
L’auteur, Quino, n’étant pas présent nous avons interviewé, Fabien Gohier scénographe de l’exposition.
Créé par Quino en 1964 ce personnage de petite fille attachante et curieuse connaîtra un succès aussi durable qu’international en dépit d’une carrière relativement courte, puisque la série n’a été publiée dans la presse argentine que pendant neuf ans.
United States of Paris : Comment est né ce projet d’exposition ?
Fabien Gohier : En voyant l’année dernière l’exposition Walt Disney je me suis dit qu’il fallait garder cet esprit attrayant. J’avais rencontré Benoit Mouchart, ancien directeur artistique du festival, l’idée d’une exposition Mafalda est venue. Stéphane Beaujean a repris la direction artistique du festival. Ensemble nous nous sommes demandés comment on pouvait rendre un hommage à Mafalda, en reprenant les thèmes principaux de la BD et surtout en facilitant la compréhension car dans cette BD, il y a une double lecture. Notre but, était de parler de cette 1ère et 2ème lecture, tout en privilégiant le jeune public !
Qui est cette petite fille, Mafalda ?
C’est la plus adulte de tous les personnages. Elle se pose des questions différentes de ses camarades qui ont des préoccupations beaucoup moins philosophiques. Mafalda est contestataire. Elle veut savoir une vérité qui dérange. Quelquefois les parents restent un peu bouche bée, devant les questions de leurs enfants…
Elle pose des questions importantes comme “Pourquoi il y a la guerre ?”
Le plus intéressant, c’est le fait qu’il y a 50 ans on parlait d’évènements qui sont les mêmes aujourd’hui, les enfants posent le même genre de question à leurs parents.
Dans quel contexte est née Mafalda ?
En 1964, à la base Mafalda était destiné à une campagne de publicité. On a demandé à Quino de créer un personnage, un peu dans l’esprit des Peanuts. La condition était que le prénom devait commencer par « M » ou « A ». Quino, avait entendu le prénom Mafalda dans un film et l’avait trouvé « joyeux ». Il a alors dessiné trois ou quatre histoires qui n’ont pas été retenu, mais au fil du temps, Mafalda est réapparue.
Il y a une histoire très troublée autour de cette petite fille.
En effet, sous la dictature on ne pouvait pas nommer directement les choses, c’est l’idée de la « soupe ». C’est ce qui permettait à Quino de représenter quelque chose que l’on n’a pas envie de manger mais que l’on est obligé de manger, car les parents nous y force toujours. C’est pareil avec la dictature, on vous force à faire quelque chose que vous n’avez pas envie de faire.
Le fait que Mafalda détestait la soupe, c’était pour dire que Quino détestait cette époque de l’Argentine, de la censure, des exécutions, des disparitions, des enlèvements, il a perdu beaucoup d’amis à ce moment là. C’est pour ça qu’il est parti en exil.
Est-ce vraiment une BD à destination des enfants ?
Comme il y a une double lecture les enfants ont pu s’approprier les dessins. Ils sont fins ronds et naïfs. On s’identifie facilement à Mafalda. Sauf que dans le discours en arrière plan l’enfant ne va pas vraiment comprendre. C’est très engagé, très politique, les analyses sont un peu poussées.
Quelles ont été vos difficultés en travaillant pour le festival d’Angoulême ?
Ma première préoccupation c’était de faire quelque chose qui plaise vraiment à Quino. Avec Yvan Giovanunucci, commissaire de l’exposition, on avait envie de présenter des histoires simples. L’important c’est que les enfants puissent profiter de l’expo et s’identifier vraiment au personnage.
La petite Mafalda nous a impressionné par son courage ! Beaucoup de gags sont des évocations cryptées de la situation en Argentine sous la dictature militaire. Le festival lui a offert une belle exposition pour son anniversaire !
Exposition Mafalda, une petite fille de 50 ans
du jeudi 30 janvier au dimanche 2 février 2014 de 10 h/19 h
Espace Franquin, salle Iribe, 1, boulevard Berthelot – Angoulême