Pieds nus sur la scène, fleurs dans les cheveux ou en boutonnière, avions de papier qui volent, déflagration sonore, ambiance pop, Astérix et Obélix, le festival Printemps de Bourges cru 2016 a débuté ce mardi avec frénésie.
Alors que la scène du W a enchanté en majorité le public féminin avec Mika, LEJ et Marina Kaye, du côté du 22, c’était le choc des décibels avec Samba de la Muerte, Bagarre, Grand Blanc ou encore Salut c’est cool.
“Bienvenue en Gaule !“
Dans l’après-midi, les premiers tête-à-tête avec la presse dans les salles de l’Auditorium ont donné le ton de cette journée ensoleillé. Salut c’est cool a joué le remake vestimentaire et semble-t-il cinématographique d’Astérix et Obélix, sans Idéfix. La joyeuse équipe a un vrai souci du détail pour ce court ou moyen métrage dont ils ont tourné des séquences à Bourges avec Flavien Berger.
“Assurancetourix, balance la sauce !”
C’est le groupe le plus déjanté du festival qui a eu les honneurs de clôturer la première journée dans la chaleur intense sur la scène du 22 Est avec un public littéralement en transe. Tout y est passé : “Vous faites du bon travail“, “J’aime les choses, je suis content“, “Exploration du présent”, dans un délire beats, plastique, sueur et communication inaltérable avec le public. C’était bon, intense. Un vrai délire entre potes qui assument toutes les pitreries. Un bordel sans nous qui n’exclut personne.
“Bourges, je te ferai ta fête !” Salle comble aussi bien côté presse que côté public au W. Personne ne voulait manquer le phénomène qui commence à s’exporter jusqu’aux States. LEJ, trois adorables girls au sourire rayonnant devant lequel il est très difficile de ne pas fondre. Avec calme, Lucie, Elisa et Juliette savourent ce qui leur arrive et surtout le symbole que représente le Printemps de Bourges, c’est à dire leur tout premier festival. Un peu déçues de ne pas avoir leur nom sur l’affiche aux côtés de nombres d’artistes qu’elles admirent, elles n’en sont pas moins fair-play.
Après avoir repris Grand Corps Malade, David Guetta, Muse, elles n’en reviennent pas d’être à leur tour reprises. Elles ont découvert avec surprise que leur titre original La Dalle avait eu droit à de nouvelles versions postées sur le net.
Sur scène, le trio impressionne, captivant le public dès le premier mash-up. C’est cash, bluffant et sans artifice. Elles se sont promis de ne pas pleurer à Bourges, comme l’avait fait pourtant à la Cigale. Nous n’étions pas en coulisses pour savoir si elles avaient réussi à retenir leurs larmes avec cette première.
L’Aber
Déflagrations de décibels avec Samba de le Muerte. Une vraie claque qui nous a mis KO. On n’était pas les seuls.
Adrien au chant et aux claviers n’a pas laissé une minute de répit au public. Gorgée de mille influences, sa musique est d’une terrible efficacité. Pieds nus sur ses pédales, il a su faire vibrer avec ce set magnifiant les titres de son premier album Colors.
“Qui je suis ? Je me le demande toujours” Mika en est certain, quand il sera répondre à cette question, il arrêtera de faire des albums.
Leçon d’humilité de la part de l’artiste qui accusait un beau retard de 50 minutes de retard et qui s’est excusé en arrivant. Au cours de la rencontre, il a évoqué le fait d’ “être fier de sa musique et non de sa personne”. Cette dualité n’est pas évidente, d’autant plus pour un artiste avec un rayonnement international comme lui.
Pas de participation à un film de prévu. Il ne se sent pas l’âme d’un acteur.
En revanche, c’est un vrai showman. Il l’a prouvé au W.
Au cours des 3 premiers titres (durant lesquels les photographes accrédités peuvent shooter), il a donné une palette d’expression, de gestes et de situations qui ne peuvent que stimuler même le plus blasé des pros de la photo. C’est un vrai bonheur de le suivre avec son objectif.
De “premier de la classe” derrière son piano, au-devant de scène pour exciter le public, le deviner au milieu des confettis, le retrouver debout ou coucher sur le dos sur son piano, ou encore à genoux.
Mika aime la scène et échauffer son public avec une réelle générosité, non feinte.
32 ans et une fraicheur que beaucoup pourraient envier.
Le Printemps de Bourgesn’est pas fini !
Encore des concerts et de l’émotion avec la Création Spéciale 40 ans, le retour de Louise Attaque, des Inouïs partout, un autre phénomène Jain, les infatigables Dionysos et notre chouchou Marvin Jouno…
ALA.NI a plus d’un tour pour faire chavirer une oreille, serrer un coeur et émouvoir un misanthrope.
Son album You & I est un hymne à l’amour, aux grandes envolées musicales, à l’intimité, entre Londres et Paris.
Avant de débuter l’interview, nous n’avons pas résisté à faire se rencontrer virtuellement Ala.Ni avec un jeune premier de la chanson française, Marvin Jouno. Ils se sont posé une question par caméra interposée.
INTERVIEW
UsofParis : Quelques mots sur ton tout premier concert vrai concert à Paris, au Carreau du Temple. Ala.Ni : C’est un tel plaisir de jouer devant le public français. Il donne tellement.
Je peux vraiment jouer avec lui, parce qu’il est vraiment impliqué.
Je joue avec lui, j’improvise. Comme au Carreau, où j’ai demandé aux spectateurs de me proposer des phrases. Je les ai eues 5 minutes seulement avec le concert. J’en ai choisi quelques-unes. Nous n’avions même pas de mélodie. Je me suis mis à la guitare et j’ai demandé à mes musiciens : « Qu’est-ce qu’on fait ? Majeur, mineur ?” Et on a joué cette chanson, totalement inédite. C’était ma première fois, à part un projet autour de la poésie il y a plusieurs années.
Je t’ai vue en concert pour la première fois à la Maison de la Radio. C’était complètement intense, une impression de comédie musicale, un autre temps (ton micro vintage)…
Es-tu réelle quand tu es sur scène ?
Une amie qui me voit sur scène me dit : « mais c’est la Ala.Ni de ma cuisine !». En fait, j’adore cuisiner chez mes amies, je suis une bonne cuisinière. Ce n’est pas quelque chose de conscient. Je ne cherche pas à être ou ne pas être la même personne chaque soir. Ce qui m’amuse, c’est quand mes amis disent : « tu es exactement la même personne, folle, barrée sur scène. » Je ne peux vraiment pas séparer mes 2 vies : la musique est la vie privée. Même s’il faut savoir aussi se protéger.
Comment expliques-tu l’adhésion de la presse française, l’amour du public français ?
Je ne sais pas. Peut-être parce que je suis passionnée. Je voulais signer ici, avec un petit label indépendant, à Paris. Quand j’écrivais les chansons, c’était ma première idée. Je savais que mon travail serait reçu ici et compris. Et je suis chanceuse que ça ait fonctionné. C’est merveilleux que mon rêve se soit réalisé et bien au-delà : avec l’exposition de mes photos. Ca n’aurait pas été possible en Angleterre. Et en France, c’est « bravo, brillant », parce que les Français comprennent l’art et le process de création. Du coup, je me suis dit : « Fuck! Je me barre, je quitte Londres. »
Es-tu différente quand tu es à Paris ?
Je peux faire tellement plus de choses ici. Je sens que je suis une « meilleure personne » (en français dans le texte). Parce que je suis moi-même, je suis libre. Et que les gens sont plus connectés.
Paris est aussi une chanson.
Oui, Paris Thing, une chanson bonus. Je l’ai écrite ici. C’est à propos de Paris, d’aimer être ici, de perdre l’amour ici, de se souvenir de l’amour…
Quelle est la chanson la plus personnelle de ton album ?
Elles le sont toutes ! :-)
Une, en particulier ? Darkness at noon a été dure à enregistrer, pour moi. Je l’ai laissée de côté un long moment, parce que c’était très difficile de la chanter. Mais ça dépend de l’humeur. La plupart du temps, j’adore chanter Old Fashioned kiss. Parce que j’adore embrasser. Certaines chansons sont aussi plus difficiles à chanter car les souvenirs remontent parfois en mémoire. Mais c’est toujours un plaisir de partager mes sentiments.
Quelles sont tes références ? Les journalistes citent Billy Holiday, Judy Garland…
Je n’écoute pas de musique, au sens moderne, c’est à dire avec téléphone, des écouteurs… Je laisse la musique venir à moi. Je n’ai pas de télé. Je n’aime que les radios musicales. Je suis passé devant un disquaire d’occasion avant notre rencontre et j’ai acheté des vinyles : Jessie Norman, de la chanson écossaise, du négro spiritual… Mais je ne suis pas du genre à ne pas savoir ce que fait Beyoncé. J’ai vu son dernier clip, Formation. J’apprécie le silence aussi. Le silence c’est de la musique aussi.
Mes références sont multiples. J’ai bien sûr écouté Judy Garland, Julie Andrews. J’ai chanté Over the rainbow quand j’avais 3 ans.
Quand as-tu décidé de devenir chanteuse ?
En fait, plus jeune, je voulais devenir médecin.
J’ai changé d’école et j’ai commencé la danse, le chant, le jeu. Et je me suis dit que sans doute chanter serait « plus simple » que tenter une carrière de danseuse. Je pense en avoir pris conscience vers 15 ans. Mais je ne me suis jamais dit : « je vais chanter ! ».
Qu’as-tu appris de Damon Albarn ?
J’aimais le regarder se jeter dans la foule. On se demandait chaque soir : « Va-t-il y aller ? Non, il ne peut pas y aller y’a un énorme trou entre la scène et le public. » J’adorais le regarder contrôler la foule. Il avait une telle force. Maintenant, je comprends, qu’il est possible de diriger le public : « tu veux aller par ici, allons-y ». Mais j’ai vraiment envie de me jeter aussi. J’ai failli le faire une fois à la Philharmonie. J’avais un public debout, exceptionnellement. Je me disais : « j’y vais ? j’y vais ? » Je chantais : « catching, cherry… » et j’avais envie de dire : « Rattrapez-moi, rattrapez-moi »
C’est sûr qu’un jour je le ferai. J’espère qu’il y aura au moins quelqu’un pour me rattraper. 🙂
Ton mot français favori ? “Rafraichissant !” 🙂
J’aime aussi “Apéro“: “it’s Friday, is it too early for apéro?”
Quelle chanson de comédie musicale aimes-tu chanter ?
J’ai un énorme répertoire dans ma tête, mais ce sont pas que des titres de comédies musicales. Un énorme juke box avec bien souvent aucun titre. C’est la musique qui importe.
Hier, j’ai écouté Where is the warmth? extrait de The Baker’s wife de Stephen Schwartz. Une très jolie mélodie.
Un lieu inhabituel pour un live ?
Quand j’ai été invité par la Blogosphèreà chanter dans la Chapelle expiatoire de Paris. C’était la première fois que je rencontrais l’équipe. Je n’avais aucune idée du tournage.
Quand je suis arrivée, j’ai vu le marbre et j’ai découvert une acoustique incroyable, avec un écho de cinq secondes. Une expérience inoubliable.
Je vais aussi tourner, en mai, un live pour Arte au Château de Fontainebleau, avec un orchestre. Je suis impatiente.
Premier poids lourd des festivals à inaugurer la saison, Le Printemps de Bourges 2016 offre une programmation éclectique en plein centre ville, de quoi envoyer un max de chaleur aux festivaliers à l’instar de Arts Rock de Saint-Brieuc. Et pour ses 40 ans, Le Printemps propose en plus un spectacle évènement animé par le facétieux Vincent Dedienne. Raison de plus de se plonger dans la programmation de cette édition 2016.
Le Printemps de Bourges : 9 scènes officielles
Bourges et son Printemps : c’est une centaine d’artistes en programmation officielle et prês de 500 concerts (in et off) dans la ville dans tous styles de lieux. C’est aussi des créations évènements comme savent le faire les artistes français.
On pense à Dominique A qui proposera, le vendredi 15 avril au Palais Jacques Coeur, un concert unique autour de ses face B parfois méconnues, même de ses fans. Un moment garanti 100 % unique et frissons de pure poésie.
Parmi les têtes d’affiches que sont Mika, Bloc Party, Nefkeu,The Avener, La Grande Sophie, Louise Attaque (pour son retour) et Dionysos (présent pour 3 jours), certains de nos chouchous musicaux, et découvertes du blog, seront présents au Printemps de Bourges.
Tels Jeanne Added, Giendré,The limiñanas ou encore Rover qui n’a pas encore l’adhésion du grand public, serait-ce son année ?
Mais parmi nos derniers coups de coeur, la suave Ala.ni ou le ténébreux Marvi Jouno que la crew d’USofParis est très impatiente de découvrir ces deux révélations sur scène.
Le Printemps de Bourges fête 40 ans
Autour de Vincent Dedienne, artistes et anonymes auront la part belle au cours de la soirée du mercredi 13 avril. Le trublion de Canal+ a conçu un spectacle interactif qui va mettre en avant les émotions musicales ressenties sur ces années de festival.
Sans être compassé ni mélancolique, le show pensé par Vincent Dedienne mêlera une lecture des messages-souvenirs envoyés par les spectateurs et les récits de moments fort vécus sur scène par des artistes. Et on peut être sûr que la patte Dedienne fera de cet rendez-vous l’un des points d’orgues de ces 40 ans.
Les Inouïs du Printemps de Bourges version 2016
Depuis 1985, Le Printemps de Bourges propose, grâce à son concours national et original, une sélection de jeunes artistes en rock, chanson, électro et hip hop : Les Inouïs
Depuis presque 30 ans, il a permis de dénicher des pépites telles queChristine and The Queens, Skip the Use, Cats on Trees, Fauve, Fakear, Concrete Knives, François & The Atlas Mountains, Feu! Chatterton ou encore Radio Elvis.
Chaque année, ce sont ainsi près de 3 500 artistes ou groupes qui s’inscrivent et au final, seulement une trentaine d’entre eux se produisent au Printemps de Bourges…
Avec une sélection aussi sévère, on peut être sûr que le cru 2016 des Inouïs va nous réserver une nouvelle pépite musicale.
Alors les retardataires, t’attends quoi pour réserver ton Printemps de Bourges ?
Le Printemps de Bourges 2016
du 12 au 17 avril 2016 Informations et programmation complète sur le site du festival
This is the Hello Monster! s’est transformé en Gérald Kurdian pour un premier EP au nom géométrique : Icosaèdre. Prémices d’un futur album prévu fin 2016 plutôt prometteur. Je l’ai rencontré dans un petit bar du 11e arrondissement, sa « deuxième maison », comme il dit.
UsofParis /Joan : Comment es-tu arrivé à la musique ?
Gérald Kurdian : J’ai étudié aux Beaux-Arts, j’écrivais beaucoup de textes et pour les lire je faisais des petits montages sonores avec des bruits que j’avais enregistrés, des sons que j’aimais bien, des petits instruments. Petit à petit, c’est devenu des morceaux, des objets de mon intimité, des cartes postales sonores. J’ai fait de la danse aussi et puis par la force des choses j’ai osé chanter en public. J’avais peur de ma voix mais je savais qu’il y avait quelque chose. J’ai eu du bol : une chorégraphe de danse contemporaine, qui bossait avec Katerine,a grillé un soir dans le studio que j’écrivais des chansons. J’ai enregistré un truc en 10 minutes et elle l’a filé à Katerine qui a dit que c’était pas mal. Et de rencontres en rencontres j’ai monté This is The Hello Monster! et j’ai assez vite trouvé une manageuse.
Du coup tu as changé de nom pour ce projet-là. Pourquoi ?
This is the Hello Monster! me permettait de me cacher. Déjà il y avait la langue, qui est la langue de mon père, une langue d’un type qui est une sorte de mystère « outre-atlantiste ». Ça me permettait aussi de traverser plusieurs expériences sonores sans me dévoiler, une sorte de prudence.
Pour ce disque il fallait être frontal et présent. J’ai des choses à dire qui sont claires.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de te dévoiler ?
Je me suis dit que dans la grande machine du spectacle personne ne saura jamais qui je suis et moi-même je ne le sais pas. Autant s’appeler soi et que cela devienne un jeu.
Comment est née ta collaboration avec Chapelier Fou pour cet EP ?
On s’était rencontré en tournée, sur un festival québécois. De Montréal à Rouyn-Noranda on a voyagé ensemble en voiture avec son ingé son et mon batteur. On a fait ces 900 km en riant beaucoup et en parlant musique. Quelques semaines plus tard il m’a proposé d’écrire une musique pour lui. On est devenu très amis et on a pas mal collaboré depuis.
Tu as tapé dans l’oeil des Inrocks, petite fierté ?
Je suis hyper content. Ça me rassure qu’un disque comme ça soit soutenu par ce genre de presse.
Parlons du titre de cet EP. Pourquoi Icosaèdre ?
C’est un exercice de diction. J’aime bien faire appel en général à la science.
Un Icosaèdre est un objet fascinant, qui du temps de Platon avait des vertus de sagesse. Il a le rapport au cosmos. J’aimais bien cette idée de forme synthétique, avec des facettes, chacune portant un aspect, mais qui font toutes parties d’un même objet, d’une cohérence.
La suite pour toi c’est un album ?
Oui il y a un album à venir, on cherche du soutien pour cela. Idéalement ce serait pour début 2017. J’ai les matières de morceaux, j’ai assez pour faire un disque. Il y a de quoi faire. J’ai trouvé un fil qui m’intéresse qui est ce mélange de textes et d’électronique que je trouve passionnant. Et j’ai envie de dire des trucs sur le corps. J’étais parti sur une sorte de vocabulaire du corps érotique, on va dire, et son rapport à la ville, aux espaces.
Je vais te poser les petites questions que je pose à chaque artiste que je rencontre.
Ton dernier coup de cœur musical ? Il y a un garçon que j’aime beaucoup, il s’appelle Arca. Il a bossé sur le dernier album de Björk. J’aime beaucoup ce qu’il fait et j’aime bien son rapport au silence.
Dans la scène française, Laura Cahen. C’est quelqu’un qu’il faut aimer car c’est un auteur réel, comme à l’époque. C’est Brigitte Fontaine dans les 70’s.
Le dernier concert que tu as vu ? (Il réfléchit beaucoup, car rien ne lui revient)
J’ai vu Radio Elvis et c’était cool.
Vu que tu es parisien, est-ce que tu as une bonne adresse food à nous partager ? J’ai le droit à un truc un peu cheap ?
L’endroit où je vais dans mon quartier c’est « 3 fois plus de piment », c’est un resto asiatique pas cher et c’est vraiment trop bon.
Je suis très mauvais en bouffe, c’est très secondaire pour moi.
Si tu ne vivais pas à Paris, où aimerais-tu vivre ? Là j’habite à Bruxelles en ce moment, je trouve ça vraiment cool, ça me rend très heureux.
J’aimerais habiter à Montréal, c’est la ville que je sens le mieux.
Ton endroit préféré à Paris ? Je crois que j’aime vraiment ce bar. J’habite vraiment pas loin et j’ai tout vécu ici : des amours concrétisés, des ruptures, des amis. Je suis déjà venu en chaussettes, le barman m’a vu dans tous les états, j’ai pleuré, j’ai ri, j’étais ivre mort dans ce bar.
C’est ma deuxième maison. Par contre j’ai un problème, ils ont refait le bar avant il était en zinc et ça sent le neuf donc ça me gêne. Je me concentre sur le carrelage maintenant.
Tout est possible à Paris ! Même une comédie musicale américaine dans la cave d’un bar écossais. La troupe franco-américaine American Musical Theatre Live! Paris (AMT) réjouit les expats, anglophiles et autres spectateurs en manque de dépaysement et d’histoire d’amour avec Next thing you know. Bonne nouvelle : reprise en mars à Paris et avril à Poissy !!
Et il en faut peu pour vous croire ailleurs, à plusieurs miles de Paris. Un soir, voire deux par semaine, les initiés se donnent rendez-vous au Pub Highlander dans le 6e. Discrétion assurée, juste un panneau écrit à la craie fait mention du spectacle qui se joue dans ces murs.
Next thing you know de Joshua Salzman et Ryan Cunningham est un joyeux mélange de Friends, Quand Harry rencontre Sally (la scène d’orgasme en moins) et quelques pépites de la comédie romantique made in New York.
Sur scène : une aspirante comédienne qui peine à briller, un jeune premier auteur de théâtre qui tente de réussir, une chanteuse lesbienne sur le départ pour LA et un serial lover. 4 personnages pour un spectacle fin, relevé, sensible et réjouissant.
Alors que le jeune couple file le parfait amour, la question de l’avenir, de l’engagement, des compromis vient bouleverser son quotidien. Est-ce que la belle Waverly doit accepter ce poste dans un cabinet d’avocats au risque de contrarier ses aspirations artistiques ? Darren a-t-il seulement le temps d’un peu d’attention pour sa compagne alors qu’il est pris entre les impératifs de son job (alimentaire), et son écriture effrénée ?
Autre point fort le casting est international. Nous avons du Franco-Américain avec Quentin Bruno (Luke), un mix Belgique-Brésil pour le jeune premier Vinicius Timmerman (Darren), le charme à la française avec la piquante Marion Préïté (Waverly), du 100% US avec l’intrépide Miranda Crispin (Lisa) ou Lauren Berkman (Waverly – original cast).
Les partitions et les airs sont entraînants, et nous font oublier l’étroitesse des lieux. On aurait presque envie de reprendre le refrain d’un des airs en rappel pour finir en apothéose.
La mise en scène de Tolgay Pekin est inventive et joue à merveille des contraintes du bar et la proximité avec les spectateurs. Les 4 artistes chantent à votre oreille et n’hésitent pas à vous titiller un peu au cours de la soirée.
On est loin de la démesure de la superprod de Singin in the Rain qui se joue au Théâtre du Châtelet. Ici, on s’envole du côté du off Broadway, on parle à son voisin, on sirote une bière avant, pendant et après le show, et ça nous fait vibrer un max.
NEXT THING YOU KNOW Musique : Joshua Salzman
Livret et Paroles : Ryan Cunningham Mise en scène : Tolgay Pekin Direction musicale : Mathieu Becquerelle
lundi 14, mardi 15 mars à 20h
dimanche 20 (18h) et lundi 21 mars (20h)
D’abord, un premier échange par mail avec ce jeune artiste, Marvin Jouno, pour comprendre ce qui venait de nous scotcher. Un EP 4 titres, Ouverture, qui nous redonnait mille foi en la chanson française. Une poésie énigmatique, qui offrait toutes les évasions et projections possibles avec une orchestration fine nous rappelant le doux souvenir d’artistes masculins racés – ce qui n’a pas échappé aux Inrocks. Benjamin B. en ligne de mire, comme référence incontournable ou figure tutélaire à mieux pourfendre pour s’émanciper.
La sortie du premier album, Intérieur Nuit, est l’occasion d’une interview face-à-face avec Marvin Jouno. Impossible de tout savoir sur le titre Est-ce l’Est ? – texte le plus impudique du CD pour son auteur – “le sens profond de la chanson est secret“.
L’approche du premier concert en tête d’affiche à la Flèche d’Or rappelle à Marvin le souvenir de ce premier live à Paris au cours duquel il a gardé le plus souvent les yeux fermés face à son public.
Alors qu’il se voit déjà partir à l’étranger avec son film dans le sac à dos – car Intérieur Nuit est un album et un film – pour faire écouter sa musique aux francophiles de tout bord, notre trentenaire se laisse désirer avant d’envoyer sa cover du Grand Sommeil à Etienne Daho, en guise de postcard hommage.
UsofParis : Un EP puis un album, est-ce désormais une suite logique pour un jeune artiste ? Marvin : C’est dans l’air du temps. Je vois l’EP comme une sorte de carte de visite. Ce qui est intéressant, c’est que c’est un vrai entrainement sur tous les plans : fabrication, gestion d’une sortie, on apprend de ses erreurs aussi. C’est une balle à blanc.
L’EP Ouverture était un condensé de l’album Intérieur Nuit. Mais c’est l’album qui fait le plus sens.
J’ai eu un problème avec le 1er titre : L’Avalanche. Impossible de décrocher, c’était très fort comme accroche. Comment l’as-tu composé ?
J’ai eu peur 🙂
La genèse de ce morceau est une déception professionnelle. J’ai pris ma voiture sur un coup de tête et je me suis isolé dans une maison en Bretagne. Et j’ai écrit 2-3 chansons dont Antoine de 7 à 9 et L’Avalanche. Je voulais exprimer ce que je ressens depuis tout petit : ces insomnies dans la nuit du dimanche au lundi. C’est un classique, je ne dors pas beaucoup. Je fais le bilan de la semaine passée et je pense à celle qui va arriver. C’est totalement involontaire.
La base de ce titre est un piano-voix, comme les autres morceaux. Et toute la production a été faite à Carpentras au Studio Vega, à 4 : Angelo, Agnès, Rémi. Et je ne sais pas ce qui s’est passé : on est arrivé avec 13 piano-voix et nous avons réussi à tous les arranger et les développer en 6 jours.
On avait la vision : décor, ambiance, lumière. Et l’orchestration s’est faite en une soirée.
Que L’Avalanche ouvre l’album était une évidence ?
La track-list a été un long travail de réflexion. Il y a eu plusieurs ébauches. Et L’Avalanche s’est imposée, sans doute à cause de la phrase : “la nuit sera immense“.
Qu’est-ce qu’il y a de cinématographique dans tes textes ou dans la composition de tes chansons ?
Je viens de ce média. J’ai étudié la mise en scène et ensuite été décorateur pendant 10 ans. Les premières chansons que j’ai écrites étaient inspirées d’un scénario que je n’ai jamais tourné.
Quand j’écris, j’ai souvent le clip en tête. Je fonctionne beaucoup par images. Et je m’efforce d’avoir des compositions qui collent avec les textes. L’album peut être considéré aussi comme une sorte de BO.
Mais Intérieur Nuit ne devait pas, pour autant, être un film.
Je ne sais pas si je retombe sur mes pattes. Mais ça fait 15 ans que je cherche à faire un film et la musique est presque accidentelle dans mon parcours.
Elle m’amène à faire des photos, à partir tourner un film à l’étranger, à jouer la comédie.
Je suis un vrai touche-à-tout et je m’éclate.
Était-ce essentiel d’accompagner l’album d’un film ?
Ça ne l’était pas. En fait, j’avais envie d’inviter les gens à venir voir mon 1er album. 🙂
Une fois l’album mixé, j’ai beaucoup travaillé les visuels avec Élise Toïdé et cette envie d’esthétique ciné. Et je réfléchissais aux clips. Mais les propositions que j’ai reçues pour Love Later ne me plaisaient pas.
Petit à petit, il y a eu un fil rouge et un vrai désir de fiction. En une nuit, j’ai déstructuré la track-list et j’ai écrit une histoire.
Avec Romain Winkler, le réalisateur, on a privilégié l’objet film et non une compilation de 11 clips.
Jouer c’est une mise à nu plus difficile que de donner à entendre ses mots ?
J’avais déjà la sensation de m’être totalement déshabillé sur l’album. Et je dis, actuellement, à mes amis que le film est un IRM, une radiographie. Je suis plus qu’à poil. On voit tout. C’est du 360 degrés.
Et puis je ne suis pas comédien. Mais je voulais incarner ces chansons jusqu’au bout bien que je sois très pudique aussi. Ce processus est une ouverture et une mise à nu qu’il faut assumer. A la veille de la sortie de l’album, je me demande : est-ce que je n’ai pas été trop loin ?
Quel est le véritable rôle d’Angelo dans cet album ?
Angelo est l’architecte, le chef opérateur qui met en lumière. Il y a une vraie direction artistique.
Avec lui, j’oublie la partie arrangements. Je me concentre sur les compo piano-voix qui doivent tenir, exister comme telles. C’est lui qui a la vision globale.
C’est un vrai plaisir de collaborer avec des gens talentueux, comme lui et Agnès, mais c’est une lutte aussi. Je veux garder le contrôle, j’ai des idées très précises. Ce n’est pas facile de travailler avec moi, en fait. Même si je suis courtois et gentil. Je peux être têtu.
Pour quelle chanson y’a-t-il eu le plus de lutte ? Antoine de 5 à 7. On était en studio, la chanson était à peine finie de composer. Et la veille, je décidais de ne plus la faire. Je l’abandonnais. Le lendemain matin, on s’est remis au travail avec Agnès et nous l’avons sauvée. On a retrouvé un fil pour le refrain. On a sauvé le “Soldat Antoine” !
A qui as-tu fait écouter ton album en 1er ?
A ceux avec qui je travaille. Puis il est resté secret un moment car je n’aime pas faire entendre les versions à plat. Je préfère la version mastering. Et c’est en fait Pierre Siankowski des Inrocks qui l’a écouté. Il m’avait contacté via Twitter cet été et on l’a invité.
On a vraiment senti quelqu’un d’attentif et réactif.
Il a repéré très vite les références ciné et les clins d’œil à Bashung.
Être un artiste connecté, est-ce inné ?
Je ne suis pas bon, parce que je n’aime pas parler pour ne rien dire.
Mais j’essaie de distinguer les 3 médias : je relais systématiquement tout sur Twitter, tous les articles. Sur Instagram, je tente d’ouvrir et ne pas faire que de l’autopromo, je me suis remis à la photo. Je retrouve le goût en faisant des photos en Géorgie.
Et sur Facebook, il faut attendre le bon moment, avoir la bonne formule. J’ai trouvé un ton, du coup, personne ne peut publier à ma place. Ça se verrait.
Et je réponds à tout le monde.
Pony Pony Run Run c’est de la générosité en barre.
En musique, parce que le groupe composé de deux frérots Gaëtan et Amaël, nous agrippent le col avec un nouvel album gorgé de mille influences dépaysantes, exotiques, imperceptibles qui font de leur électro un moment de folie pure que ce soit en bord de mer, les pieds dans le sable ou avec un nœud pap à une soirée de la Fashion Week. Voyage Voyage nous prépare, avec quelques jours d’avance, au retour au printemps. Le pied ! Générosité aussi en interview, quand ils nous reçoivent dans une chambre d’hôtel de Pigalle où tout y passe : le Groenland, les Baléares, le studio de Damon Albarn, David Bowie et les origines de leur vocation musicale. Intense.
Sortez les sunglasses, Gaëtan et Amaël rayonnent et sont à retrouver en tournée en France et à Nogent sur Marne, le 9 juin.
INTERVIEW
Trois adjectifs pour décrire votre partenaire de scène, de création ? Amaël : Brillant, charismatique et subtil. Gaëtan : Flatteur, mais honnête… non mais c’est mon frangin que j’adore, j’en pense pas moins !
Quelles sont les vertus de partir en périple mondial ? C’est pour échapper à la routine ? Trouver l’inspiration ? Se faire du bien ? Gaëtan : Je pense que la notion de se faire du bien c’est plutôt le moteur. Après les morceaux ont été créés sur la route. Ce n’était pas un choix conceptuel de base. C’est juste que ça se soit fait comme ça, au cours du voyage. En voyage, tu continues à composer, à penser à autre chose. C’est un peu comme des carnets de routes mais qui ne sont pas forcément en lien avec les lieux avec lesquels j’étais amené à découvrir.
Mais le tour du monde état déjà fixé au départ ? Gaëtan : En fait, j’avais un billet ouvert, sur deux ans. D’abord, une première destination et après j’ai compilé. J’ai essayé d’aller là où je pouvais, en fonction des envies. Parfois ça t’emmène dans des endroits improbables. Je me suis retrouvé dans le Yucatan où j’ai rencontré un mec du Belize (ça ce n’était pas prévu). Donc j’ai pris un bateau avec ma copine et on a traversé une frontière improbable, avec des mecs armés, car il y a beaucoup de trafic par là-bas. On s’est retrouvé sur une île de Mangrove avec beaucoup de rastas, et aussi beaucoup de mayas, de leurs descendants.
C’est que des découvertes, des lieux et des rencontres assez improbables. C’était parfois des chemins de traverse. Même s’il y a des lieux plus classiques comme Sidney.
Et du coup, Amaël, tu l’as rejoint sur certaines destinations ? Amaël : Absolument pas ! On avait décidé, à la fin de la tournée asiatique de 2013, de prendre un vrai temps pour nous. De stopper un petit peu Pony et de mettre ça entre parenthèses pour pouvoir se recentrer, vivre des choses, voir nos familles. Gaétan a choisi de voyager et a composé les bases des morceaux pendant ses voyages. Il n’a pas composé pour l’album.
C’était aussi le plaisir de faire un break. De faire de la musique juste pour faire de la musique sans nous dire que ça va servir ou qu’il faut faire un truc catchy ou pas catchy. Gaëtan : Il n’y avait pas de contraintes.
Est-ce que tu faisais écouter à ton frère à distance ? Gaëtan : Non. La première fois qu’on s’est retrouvé pour parler de l’album, il y avait que 80 bouts de chansons. Et on a choisi par affinité. C’est très arbitraire et pas calculé. On en a choisi 30 pour les avancer un peu plus et après sur ces trente, on en a travaillé 20.
Mais vous avanciez tous les deux, ou chacun de votre côté ? Gaétan : Sur la première phase, j’ai plutôt refait les trucs tout seul. Amaël : En fait, ça a toujours été comme ça. Gaëtan est plus producteur et compositeur. Mais on a quand même continué à échanger. Gaëtan : Techniquement, c’est ça. Il y a des petites brides, des petits brouillons. On les a choisis ensemble. Après, j’ai vraiment composé les lignes de chants et les paroles, structuré toutes les harmonies et les mélodies. Et c’est après ça qu’on est revenu dessus, que l’on a choisi. Il y avait plus d’échange à ce moment-là. Après, il fallait leur donner une vie, une couleur. Amaël : Les choisir, parfois les mélanger, les déstructurer pour les refaire à l’identique. S’interroger sur « est-ce qu’il faut plus de paroles, moins de paroles ? ». Vraiment échanger autour de la musique.
Mais dans un premier temps on s’est vraiment retrouvé pour passer du temps ensemble et parler de musique tranquillement. On a fait ça sur deux ou trois stop : Anger, Hossegor…
Gaëtan : Après, j’ai un petit home studio aux Baléares. 🙂
On imagine tout de suite la carte postale … Gaëtan : Mais c’est une carte postale ! Et en dix fois moins cher qu’un petit studio à Paris. 🙂 C’est hallucinant. Du coup, on a eu cette chance là, et c’était surtout pour se retrouver tous les deux, passer du bon temps.
Et puis on y a amené notre pote Fred Lo qu’on a croisé à Paris par hasard un soir, qui a produit notre premier album, pour partager des bons moments aux Baléares mais aussi finir l’album avec lui. Amaël : Il est venu tester notre compatibilité d’humeur. Et malheureusement, ça s’est trop bien passé parce qu’on a énormément rigolé et qu’on a fait du bon taff.
Au final, on a fini dans sa cave de 10m² au 3ème sous-sol à Paris. Gaétan : Mais on a vraiment fini à Londres en fait, dans un studio.
J’allais y venir, pouvez-vous me décrire le studio de Damon Albarn ? Amaël : C’est un bedroom studio selon Stephen Sedgwick. Gaëtan : De 350 ou 380 m² en plein Londres. Amaël : T’es face à un hangar, une devanture de garage automobile… Gaëtan : C’est quand même à Damon Albarn et tu rentres dans un studio de fou avec des instruments du monde entier, du matériel haut de gamme et une acoustique incroyable. Y’a des bacs où tout est posé par terre. Amaël : Ça peut être dans des flight cases avec des autocollants Gorillaz dessus, des caisses où il y a mille percussions, des vieux meubles où tu trouves des micros qui valent une blinde.
Gaëtan : Il y a même les paroles des futurs albums ! Amaël : C’est tellement pas tape-à-l’œil, en plus. T’as un babyfoot, une petite cuisine pour te faire à manger. Tout ça accessible et avec le droit de t’en servir. C’est le vrai bonheur.
Alors qui avait les clefs de ce studio ? Gaëtan : C’est un peu un coup de chance en fait. Amaël : C’est vraiment l’ingé son du studio. C’est un studio privé en fait. C’est le studio de Damon Albarn qui lui sert tous les jours de l’année.
On a eu un coup de bol monstre. C’était la reformation de Blur et ils étaient en tournée en Asie au moment où on voulait mixer.
On voulait bosser avec Stephen Sedgwick et on a eu la possibilité de le faire. Gaëtan : C’est un truc assez rare, c’est par connaissance qu’on a eu accès à ce studio personnel. On était vraiment dans l’univers de Damon. Amaël : Il y avait quand même une confiance car il y avait des partitions sur le piano et toutes ses affaires personnelles. Gaëtan : Il y a beaucoup d’histoires dans ce studio car il y a beaucoup de voyages : des synthés chinois, russes. Des trucs étranges et incroyables : des vieux orgues d’églises, par exemple, mais qui sonnent mal.
Quels sont les instruments les plus incroyables que vous ayez utilisés ? Gaëtan : Des percussions dont on ne connaît même pas le nom. On a eu une journée percussions, c’était très sensuel et percussif. Amaël : Je me souviens d’un truc qui ressemble à un interphone du futur, genre film de science-fiction. Et puis tu as dix tirettes et ça te fait de séquences de son. Gaëtan : Il y a le piano de Damon Albarn, qu’il utilisait dans Gorillaz. Il sonnait tellement bien, on l’a pris avec un micro à l’arrache avec des accords plaqués. On le retrouve sur You don’t feel it.
C’est que des expériences comme ça : il y a un truc qui traine, on sort le micro et tac tac tac … De vrais gosses en train de tout essayer.
Et vous êtes restez combien de temps dans ce studio ? Amaël : Quinze jours !
Tout le monde nous a dit : « Vous allez à Londres, vous allez dépenser plein d’argent ! ». Au final, on pensait vraiment vivre la vie londonienne, mais on était de 9 heures du matin jusque 20h, parfois minuit dans le studio. On avait souvent des échanges avec Stephen sur le mix.
Justement : une leçon de musique que vous avez eu avec Stephen ? Amaël : Ce n’était pas vraiment au niveau de la musique. C’est plus rentrer dans le son. Gaëtan : Il a une approche très physique du son et très acoustique aussi. Il a aussi une oreille pas hip hop mais presque : dans la rythmique et la basse. Finalement, ça amène notre musique dans une autre direction, avec une autre dynamique. Gaëtan : Il a repoussé tout ce qui était guitare stridente qui percutait, histoire d’avoir le relief qui nous intéresse car on vient plutôt du rock. Mais tout ça c’était hyper simple.
Et un accident heureux ? Amaël : En fait, il n’y a que des accidents heureux. 🙂
On voulait vraiment se marrer, que ce soit ludique et expérimental. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’accidents heureux.
Et je crois que celle qui est le plus proche de l’accident le plus heureux c’est Berlin, qui est une espèce de jam. C’est que deux prises, rien n’a été édité. On l’a laissée telle quelle.
Il y a aussi Belong. C’est que des accidents qu’on a laissés. On s’est dit « les dissonances on les garde ! ».
Un moment de musique c’est ça : c’est les choses que tu ne maîtrises pas. Des trucs spontanés qu’on a laissés, dans la cruauté de la prise…
Mes oreilles a fait repeat sur 3 titres : Belong, Berlin et Dum dum… Amaël : On sent que tu aimes la musique ! Gaëtan : C’est intéressant Dum Dum car on en parle assez peu. Amaël : Il a un côté super pop-rock ! Gaëtan : Il a un côté sixties. C’est un peu le Wall of sound de Phil Spector. Il y a les cloches tubulaires derrière. Dans le studio, on lance : « on va mettre des cloches là » et on les a mises. C’est des moments où tu te demandes si ce que tu as dit est vraiment une bonne idée. Et en fait oui, c’est une super bonne idée !
Du coup Dum Dum, c’est la première chanson qui a été composée pour l’album. Et c’est une chanson qui a été faite à Sidney. Et elle a eu beaucoup de vies. Au début, elle était très simple : guitare-basse-batterie. Après, elle est devenue grandiose électronique avec violons. Puis elle a fini hybride… Amaël : Dans sa meilleure version… Gaëtan : Elle s’est terminée justement dans le studio de Damon Albarn. Avec des centaines de prise des voix, des chœurs et des chœurs qui sont vraiment dans la bande. Une journée entière de prises de voix pour les chœurs. On les entend quasiment pas mais ils sont tous derrière. Et on a bien failli ne jamais s’arrêter…
Quelques mots sur le titre Berlin ? Gaëtan : Il a été composé à Hossegor dans les Landes ! Le propos est d’aller à Berlin. J’y suis allé très souvent, j’étais même prêt à aller y habiter. J’y ai passé de très bons moments musicaux (électro, expériences assez fortes).
L’influence musique techno berlinoise était la base du titre. Le jour de la finition, on était en studio avec Fred à Paris, on a fait un grand djam sur ce titre, totalement spontanément.
Il y a juste eu 2 prises et on n’a même pas recalé les erreurs. Ça donne ce côté extensible.
On tente la version acoustique pour le live.
Le lieu le plus improbable pour composer un titre ? Gaëtan : Kulusuk au Groënland, dans une vallée. J’étais dans une chambre avec une vue sur un fjord et des icebergs qui passaient, au mois d’août. Il y avait une vague pénombre entre minuit et 4 heures du mat. Un trait orange, avec des icebergs dans le champ de vision. J’ai composé 3 chansons dans cette chambre dont Alright, qui s’est appelé très longtemps Kulusuk 3. Car tous les titres de chansons portaient le nom des lieux où elles avaient été composées.
Kulusuk était vraiment le décor le plus improbable : 50 habitants Inuits, moi et ma copine.
Les pays les plus inspirants musicalement ? Gaëtan : Le Japon et le Laos. Y’a beaucoup de réminiscences asiatiques dans cet album. Ce sont des thèmes un peu masqués. L’Islande aussi, mais ça ne s’entend pas forcément.
La rencontre décisive qui a fait de vous un musicien, chanteur ? Amaël : La rencontre de mon petit frère, tout simplement en faisant de la musique. Et aussi Laurent Piercon, prof de guitare à Angers qui a joué dans pas mal de groupes. Il m’a mis le pied à l’étrier, en me donnant confiance en moi.
Et ma fille ! Avant d’être papa, je ne pensais pas que chanter serait fait pour moi. C’était très con. J’ai commencé à chanter pour elle, et j’ai continué. J’ai compris la vibration. Et surtout, tu as tous les instruments de musique en toi. Gaëtan : Pour moi, c’est la rencontre avec des instruments étranges quand j’étais gamin. Je tapais, apparemment, assez souvent sur les tables, en rythme. Ils m’ont mis dans un lieu : La Galerie Sonore avec tous les instruments du monde. Une flute bambou laotienne. Les enfants étaient lâchés dans ces instruments. J’ai eu une approche ludique (alors qu’à 8 ans, je séchais les cours de solfège).
Je leur dois tout.
Et toujours maintenant, dès que je vois un instru étrange dans un pays, j’essaie d’en jouer et je le ramène.
Une chanson pour quitter Paris ? Amaël :Let’s dance de David Bowie Gaëtan : Veneer de José Gonzalez
Une chanson pour pleurer ? Gaëtan : 900 miles de Terry Callier. Amaël : Loro de Pinback
La dernière claque musicale ? Gaëtan : Pas vraiment une claque. Mais un titre accrocheur : Tough Love de Jessie Ware, c’est un peu adolescent. Amaël : Le dernier album de Room 204, un groupe matrock nantais. J’étais à un de leur concert dans un appart en réfection avec des vignerons bio. Et je me suis pris, musicalement, une grosse claque !
Pony Pony Run Run nouvel album Voyage Voyage
(Pias France / Le Label)
Edition vinyle à 1 000 exemplaires
En concert le 9 juin au Pavillon Baltard (Nogent sur Marne) et en tournée : Montgey, Meneac, Anet, Douarnenez, Saint Priest, Ile d’Yeu, Saint-Julien, Nancy…
Une comédie musicale hommage à Nelson Mandela. Sur le papier, la proposition Madiba, le musical peut aussi bien provoquer surprise, possible effroi, déconcerter et susciter pleine curiosité. On imagine, sans trop se forcer, un récit dur sur la vie passionnante mais difficilement joyeuse de Mandela. La surprise est sur scène.
Avant que Nelson Mandela ne fasse son apparition sur la scène, les chants emportent et rythment les pulsations des spectateurs. Difficile de ne pas être séduit par les premiers tableaux : du conteur armé de sa canne aux dessins projetés, sans oublier les tours de danse et de chants.
Le musical débute avec joliesse pour mieux nous prendre dans les filets de ce récit à haute valeur symbolique.
Madiba apparaît à son cabinet d’avocat. Il est sollicité pour mille maux, autant de discriminations, d’injustices. L’apartheid est à son comble en Afrique du Sud.
Les gens à bout se soulèvent, Mandela devient le porte-drapeau de la contestation, le rapprochant un peu davantage de son terrible destin : les longues années d’emprisonnement.
En parallèle, une histoire d’amour débute entre un jeune homme noir, dessinateur et une jeune femme blanche, fille de policier. Les couleurs de peau ne devraient être qu’un détail mais pas à cette époque.
Malgré quelques éléments qui peuvent paraître désuets comme le trucage musical lors du premier baiser, le pantalon rouge passion d’un danseur, la malle à souvenirs dans le grenier, Madiba le musical emporte le public.
Pour la simple raison que malgré la dureté du récit, les moments légers et drôles viennent donner du souffle.
L’équilibre n’était pas évident à première vue mais il a été trouvé à travers les dialogues et la mise en scène.
Autres raisons de la réussite de ce spectacle : la qualité de l’interprétation et le plaisir de retrouver des artistes apprécier dans la comédie musicale à succès, l’année dernière, Gospel sur la Colline, comme le charismatique James Noah (Nelson Mandela), l’imposant Jean-Luc Guizonne (Sam Onotou), l’irrésistible Falone Tayoung (Sandy Xulu) ou encore le touchant Manu Vince (William Xulu).
Dernière info : l’un des petits-fils de Nelson Mandela, Ndaba Mandela, a assisté au spectacle et a rencontré la troupe au Comédia.
Madiba, le musical en hommage à Nelson Mandela
création de Jean-Pierre Hadida sur un livret de Alicia Sebrien et Jean-Pierre Hadida Mise en scène : Pierre-Yves Duchesne, assisté de Claire Jomard chorégraphie : Johan Nus
le dimanche 22 avril à 15h
à l’Olympia, Paris
et en tournée en France : Nantes, Nancy, Biarritz, Maxeville, Marseille, Lille, Bordeaux, Amiens, Toulouse…
Le titre Hypnotized a fait l’effet d’une petite déflagration musicale au printemps dernier, alors que l’on n’avait plus de nouvelles du jeune phénomène de la musique électro acidulée qui avait fait danser plusieurs générations sur Wake Up. Un nouveau visage, nouveau look et des tonalités plus fiévreuses. YANIS a pris un aller pour Berlin, s’est plongé dans les nuits électro, a fait des scènes incognito. De retour à Paris, il conçoit L’Heure Bleue un EP chargé de 6 titres qui nous envoient dans les airs, prend une claque avec le chorégraphe Yoann Bourgeois qui lui inspirera le jeu d’équilibre de sa pochette. Il pense déjà à retourner dans la capitale allemande pour un concert et a des pistes sérieuses pour un live à NYC. En revanche, il n’est pas décidé à reprendre les cours de claquettes, après un mois de pratique assidue.
INTERVIEW SELFIE
Quelques mots sur l’ambiance de ce premier live L’Heure Bleue au Badaboum à Paris. YANIS: C’était fou ! C’était la première date après la sortie de l’EP. En plus on avait travaillé en résidence, 3 jours avant. On a retravaillé les lumières, le son. Et les gens étaient incroyables, ils chantaient. Je rigolais aussi sur scène parce que j’étais vraiment étonné. J’ai pris une claque. Le public m’a mis une claque.
J’aime voir les gens danser et ils se sont lâchés. Je suis, en fait, hyper fier de tous ceux qui sont venus me voir. Je les soupçonne d’être des licornes, je ne sais pas en fait d’où ils viennent, s’ils habitent vraiment ici.
Sur ton profil FB, tu as écrit : “je ne trouve pas d’endroit plus bouleversant et rassurant que la scène.” Comment être rassuré quand on a autant d’yeux qui te regardent ? (il me montre son tatouage œil sur l’avant-bras droit) On m’a beaucoup regardé depuis que je suis tout petit. Donc ça ne me dérange pas étrangement d’être regardé.
Et je dessinais beaucoup d’yeux aussi quand j’étais petit. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai cet œil tatoué.
Ça m’a toujours fasciné le regard de l’autre, une attention que l’on me portait très petit, déjà en maternelle. J’avais des relations particulières.
C’est pas des années incroyables la primaire, le collège. On me disait que j’étais “différent”. Et au final, c’est pour ça que j’ai fait de la musique. Il n’y a pas de jugement quand on est artiste. Et quand je suis scène, je sais pourquoi je suis là. Je ne cache pas je suis stressé avant de monter. Mais c’est un lâcher-prise total pour moi.
Avais-tu un manque de la scène ?
Énorme manque ! Sans doute le plus difficile à gérer. C’est un shoot d’adrénaline, un peu une drogue.
Quel est le substitut ?
… En fait, on fait des chansons pour retourner sur scène ! 🙂
Tu t’es entrainé ?
Je suis en mode Rocky. Je monte des marches… Non, c’est pas vrai ! 🙂
Une émotion folle en tant que spectateur d’un live ?
J’étais au Festival Beauregard où j’ai vu Florence and the Machine. Elle a une énergie folle sur scène où elle prend le public pour ne plus le lâcher. J’étais dans la fosse. C’était fou ! Ce que j’aime chez elle c’est qu’elle retient aussi beaucoup mais elle sait aussi faire danser les gens. Je ne sais pas comment elle fait pour danser et chanter.
Une appréhension de revenir après la longue absence ?
On en a toujours, comme pour chaque projet.
J’avais une vraie liberté de m’arrêter. On ne m’a rien imposé.
Finalement, je suis content de la façon où tout s’est construit. Avec Hypnotized, c’était un moyen de tester des choses.
Certains ne t’ont d’ailleurs pas reconnu !
C’était le but ! 🙂 Je suis plein de personnes différentes.
Dans quelle mesure était-il nécessaire de revenir à une autre identité et à ta propre identité ?
Ma vie a tellement changé entre ce que j’ai créé quand j’avais 13 ans. Sliimy était un personnage qui m’a protégé aussi. Ma vie a basculé depuis : l’indépendance, les voyages (Berlin, concerts au Japon…) et apprendre à me réconcilier avec l’autre.
J’ai été aussi entouré de beaucoup d’artistes. Sliimy, c’est un projet solitaire, réalisé dans une bulle, coincé, à Saint-Étienne.
En écrivant les nouveaux titres, ce n’était pas un alter-ego qui parlait mais moi.
Quand s’est produit le déclic ?
A Berlin ! Là-bas c’était neutre, personne ne me connaissait. J’ai découvert des lieux incroyables. J’ai pensé à une autre identité. Mais quand j’écrivais les textes, je me disais que je ne pouvais pas les faire chanter par une autre « personne ».
Chaque chanson de l’EP évoque ce rapport à l’autre. Et c’est souvent un duo, une idée de communion, comme Hypnotized. C’est une histoire d’emprise. Craved, c’est plus dans la séduction.
Quels adjectifs pourrais-tu poser sur ton EP ?
Un EP assez planant. C’est pas évident de mettre des adjectifs. L’Heure Bleue résume bien le projet. Cet entre-deux, où les couleurs changent. C’est aussi quelque chose de présent. L’heure bleue a inspiré de nombreux artistes. C’est un instant contemplatif qui a touché les peintres aussi.
Qu’est-ce qui est berlinois dans cet EP ?
Berlin m’a influencé musicalement mais aussi personnellement. Et y’a cette influence dans la pochette avec ce socle en béton, rigide, de la structure aussi. Et puis l’espace vide et épuré. La ville m’a permis de faire le vide aussi. Ce n’est pas forcément une ville belle au premier abord. Il faut creuser. Et j’ai rencontré des artistes pas forcément Pop, plutôt indépendant et avec une grande liberté.
Et musicalement ?
Dans chaque titre, il y a une retenue. On ne sait pas forcément sur quel pied danser. Même chose à Berlin, il y a des choses très club, mais il y aussi des vibrations plus sombres. Et chaque titre, il y a une vibration assez sombre aussi.
Charlotte Le Bon a-t-elle accepté facilement de participer à ton clip ?
On se connaît depuis 7 ans, bien avant Canal +. C’est une artiste que j’admire. Je lui ai proposé de participer au clip car elle a eu une expérience dure avec Messmer sur le Grand Journal. Elle ne voulait pas le refaire. L’ambiance était plus posée. Ca a finalement été une thérapie pour elle et aussi pour moi.
Il y a l’idée de relaxation, d’apaisant. Il y a un contact avec l’autre, il faut accepter le deal.
Finalement, en préparant le clip, j’ai trouvé très peu de documents de vidéos, d’artistes contemporains qui avaient réalisé quelque chose sur l’hypnose. Très étonnant !
Qui est Apollo Noir avec qui tu as collaboré pour L’Heure Bleue ?
Il y a beaucoup de personnes avec des surnoms ou alter-ego dans mon entourage.
Ce qui est intéressant c’est qu’il n’est pas connu dans le milieu de la musique. Il est graphiste à la base. Le visuel nous rapproche aussi. Il ne me prend pas pour un fou quand je lui dis : « j’aimerais une chanson qui sonne bleu, ou comme une vague ». On fonctionne beaucoup avec les émotions et les couleurs. Dans la musique électro, c’est aussi très organique. C’est une relation très forte. On a composé les sons ensemble. Et surtout, il collectionne les instruments vintage.
Et donc, c’est lui le clavier Jupiter (utilisé pour Thriller de Michael Jackson) ?
Tout à fait. On a travaillé sur plusieurs instruments différents. Les claviers ont une âme.
J’arrive le plus souvent avec des mélodies, des idées de chants. Et on bosse ensemble. C’est comme un labo avec plein de liberté. On est en train de composer de nouveaux de nouveaux titres.
Christine and the Queens est un exemple pour toi ?
C’est une fille incroyable. Je la connais aussi depuis longtemps.
Elle a construit son projet sur le temps. Et je suis admiratif car elle s’inspire de tous les arts sans aucune limite.
Elle est humainement incroyable.
Chacun s’inspire, entre artiste. On a des liens : j’adore aussi danser sur scène. On partage l’amour de la performance, de Michael Jackson aussi.
Qu’est-ce qui te manquait de Paris quand tu étais à Berlin ?
Une bonne baguette. Et du bon vin. C’est tellement franchouillard mais j’assume.
Et qu’est-ce qui te manque de Berlin quand tu es à Paris ?
La liberté dans la fête. Les espaces de danse sont plus vastes.
Paris, mon amour et Berlin, mon amant…
Une chanson pour pleurer ?
Je pense à une chanson des Rolling Stones…
Mais j’en ai une autre : The Cinematic Orchestra avec Patrick Watson, To built a home. Elle est dans le film The Tree avec Charlotte Gainsbourg.
Une chanson pour t’évader, pour quitter Paris ? Ibeyi : River. J’adore le clip d’ailleurs. C’est très simple.
Une chanson pour aimer ? Ou tomber amoureux ?
Y’en a plein ! C’est tellement français, mais encore une fois, j’assume : La vie en est rosede Piaf. Ma maman me la chantait tout le temps quand j’étais petit.
La dernière claque musicale ?
Dernier album de Tame Impala, c’est incroyable ! « Cause, I’m man ». Leur premier titre me fait vraiment penser à Michael Jackson. Il aurait pu la chanter.
CONCERTS : 10 mars à Liège (Le Reflektor – plateau avec We Are Match) 12 mars à Bordeaux (Le Rocher de Palmer) 18 mars à Avignon (Les Passagers du Zinc)
22 avril à Lille (La Péniche) 26 mai à Saint-Étienne (Le Fil)
Laurent, le violoncelliste et Paul, le pianiste, reviennent à la scène avec le 2e round de leur Duel musical au Théâtre du Palais Royal. Toujours avec la même passion, l’esprit rebelle et les doigts agiles pour faire rire le public et lui rappeler le plaisir de la musique classique. Duelopus 2 est un spectacle intelligent, mélomane et décalé à mort, pour tous.
Bien sûr les compositeurs sollicités et interprétés par les deux complices ne sont pas de première jeunesse. Que de soit Mozart, Ravel, Bach mais aussi Deep Purple, The Beatles ou Lou Reed, Beeges. Qu’importe si ces deux musicos à bretelles ne reprennent pas un titre bien actuel de Beyoncé, Rihanna, Coldplay ou U2, – bien que la simple idée pourrait nous enthousiasmer tout autant.
Le talent de ce nouveau Duel est de nous surprendre à chaque numéro.
On croit comprendre la mécanique du show, dès le départ, avec un running gag autour du violoncelle qui ne tient pas au sol.
On rit mais on se prend à anticiper ce qui va arriver. Après le violoncelle, le piano récalcitrant.
Et puis rien de tout cela. De multiples accessoires aussi instrumentaux qu’inhabituels vont venir servir le grain de folie des deux interprètes.
Aucun numéro, aucune interprétation ne ressemble à une autre.
Le “duel” est sans temps mort, tout en humour, sensibilité et inventivité.
Duel Opus 2 c’est de l’humour, l’amour à la plage sans les tongs, un club de jazz enfumé, un Rocky bien habillé, des clowns mélomanes et des morceaux de classiques euphorisants !
Après notre enthousiasme, place aux artistes qui se sont prêtés au jeu du selfie en coulisses juste avant leur entrée sur scène et ont répondu à nos questions existentielles.
INTERVIEW SELFIE
A part vous, est-ce que les musiciens classiques ne se prennent pas un peu trop au sérieux ? Paul Staïcu : L’image du musicien classique est sérieuse en effet. Au fil du temps le côté savant s’est imposé dans l’imaginaire collectif pour une myriade de raisons difficilement analysable dans cet espace. Ce qui nous semble clair c’est que ceci s’est fait en réalité au détriment, et non à l’avantage, de la perception du grand public nous concernant. Alors, l’un de nos ressorts est aussi celui de re- dimensionner l’image, la ramener plus proche d’une forme de « normalité » – après tout, c’est bien de la musique… Laurent Cirade : Oui, je le pense. Les musiciens classiques se prennent au sérieux car le parcours, la sélection très compétitive qu’il faut surmonter pour devenir un musicien classique professionnel est tellement ardue (à peine 1% y arrive) qu’il faut se rendre compte de l’évidence, faut du sérieux pour y arriver… Et c’est un formidable ressort comique pour nous ! De même qu’on détourne les musiques, les instruments et certains objets, on détourne aussi l’image même du musicien classique dans toute son entité. Du coup on le démocratise, on le rend accessible.
Auriez-vous une anecdote d’un concert raté, d’une catastrophe scénique drôle ? Paul : Pas d’un ratage, mais la fois au Théâtre National du Kosovo ou un technicien de plateau, visiblement mal informé des horaires de spectacle, est rentré sur le plateau avec son sceau d’eau et ses balais pile lorsqu’on … commençait à jouer : unique ! (rire) Voyant la salle comble, il s’est vite retiré ; à mon avis, il en entend encore parler aujourd’hui. L’hilarité de la salle et l’invraisemblable de la situation placent ce moment dans notre top … 1 ! Laurent : On en a beaucoup. Je m’en souviens d’une particulièrement : On jouait un théâtre National de Luanda en Angola dans un beau théâtre rococo du 19e siècle. En plein milieu du spectacle, la salle plongée dans le noir était attentive et silencieuse et moi sur scène, éclairé par une simple « découpe », je jouais un morceau très lent au violoncelle et en même temps au Didjeridoo. Soudain, surgissant du noir en se plaçant juste sous le projecteur en face de moi au bord de scène : un énorme rat ! Je me suis arrêté de jouer et on s’est regardé, lui et moi, quelques secondes sans bouger… C’était totalement surréaliste. En un instant, un énorme brouhaha est monté du public. Le rat réalisant, tout d’un coup, la présence massive d’êtres humains tout autour de lui s’est sauvé comme une fusée ! Entre rires et consternations, le public a applaudi longuement le départ du rat.
3 adjectifs pour décrire votre partenaire de scène ? Paul : Grand, costaud, sympa. Laurent : Petit, fluet et rigolo.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour concevoir ce spectacle ? Pour le répéter ? Quelle(s) étai(en)t les difficultés ? Paul : Il nous a fallu presque 6 mois de répétitions intensives avant de commencer à jouer. Nous avons à la fois inventé de la matière, repris quelques sketchs de la 1ère mouture américaine (réalisée par Laurent avec un autre pianiste) et répété et mis en forme le tout. C’est un gros travail dont les gens n’ont souvent pas conscience, puisque tout semble véloce, aisé, spontané : pour y arriver, attachez vos ceintures !
L’une des principales difficultés est l’absence de dialogue, qui vous prive d’emblée de tout un pan de créativité basé sur l’actualité, les blagues du moment, les modes passantes etc. – tout ce dont se servent les stand-up par exemple. Alors il faut creuser ailleurs, dans un imaginaire général humain plus élargi, avec un choix de musiques adéquat etc. C’est tout un exercice, en fait. Laurent : C’est très long de concevoir un spectacle comme « Duel ». Je dirai qu’entre le début de la conception, les répétitions et la fin du rodage il faut compter un an à temps plein. Les difficultés sont successives, la première c’est d’avoir beaucoup de matière, beaucoup des choses à raconter. Les suivantes sont de ne pas tomber ni dans la facilité ni dans le discours pour initiés, mais trouver le juste milieu, l’équilibre qui consiste à mettre le curseur au bon endroit. Et une autre difficulté consiste à travailler intensément pour rendre les choses fluides et que tout paraisse facile.
Quel morceau classique a pu vraiment vous ennuyer à interpréter, au cours de votre carrière ? Paul : Personnellement, dans ma jeunesse d’apprenti pianiste, un morceau de F. Liszt : Saint François de Paule marchant sur les flots. Il m’a paru à l’époque (je devais avoir dans les 15 ans) à la fois d’une grande difficulté et d’un pompeux un peu kitsch. Comme si je me disais, tout ça pour ça ? autant de travail pour des effets un peu creux – oh pardon, j’étais encore jeune … – mais vraiment, c’est ce que j’ai ressenti. Je l’ai appris naturellement, et je l’ai même joué au Concours International de Piano de Catanzaro en Italie (j’ai obtenu le Primo Premio Assoluto). Mais le morceau m’a toujours paru, comme on dit aujourd’hui : « over inflated ». Laurent : Avant de faire de la scène j’étais (entre autres) musicien d’orchestre « tuttiste » pendant 4/5 ans. Je passais d’un orchestre à l’autre au gré des engagements. Un jour dans un orchestre en province, je me suis retrouvé à jouer la 9ème de Beethoven avec un chef tellement mauvais que l’orchestre ne le suivait plus. À la fin de la symphonie, le chef qui était probablement sourd avait une mesure de retard sur l’orchestre. Il a fini tout seul pendant quelques secondes à battre dans le vide devant un orchestre stupéfait et un public gêné. Grand moment de solitude…
Avez-vous, toujours au cours de votre carrière, appréhendé plus particulièrement un morceau avant de le jouer ? A cause de sa difficulté, de son rythme… ? Paul : Avec Duel, opus 1, ce serait la Toccata de Prokofiev ; autre gros morceau pianistique, dont la technique poussée fait que les dernières années de Conservatoire le passaient pour obtenir leur diplôme. Le jouer tous les soirs dans le numéro du Vol du bourdon – dans lequel Laurent vole littéralement au-dessus du piano dans un harnais avec son violoncelle – est un exploit à la fois décalé, drôle mais toujours réellement difficile : il faut tenir cette musique et en plus lui adjoindre le jeu de scène. Essayez, vous verrez. Laurent : J’ai toujours de la difficulté à jouer les morceaux virtuoses en faisant un jeu de scène. C’est toujours compliqué de faire le clown quand les doigts bougent à 100 à l’heure.. Le moment où je fais le « guitar hero » avec mon violoncelle me prend beaucoup d’énergie pour tenir mon violoncelle en l’air tout en jouant un solo de guitare, c’est toujours un moment que j’appréhende dans le spectacle.
Quel morceau vous rend le plus heureux et le plus souvent quand vous le jouez ou l’écoutez ? Paul : N’importe lequel, quand il sort enfin comme je le souhaite ! Plus il a été dur à atteindre, plus il vous rendra heureux lorsque vous le maîtrisez. Laurent : Ça dépend des jours.. Certains jours je suis plus « classique » et d’autre je me sens plus heureux et inspiré en faisant du rock.
Une chanson inavouable que vous aimez écouter ? Paul : Comment l’avouer, si elle est inavouable ? J’avoue avoir été fan de toutes sortes de trucs comme – dans le désordre – Al Jarreau, Kenny Rodgers, Boney M, Michael Jackson, sans compter les idoles pianistiques en jazz, comme Oscar Peterson, Bill Evans ou Keith Jarret. Mais le fond de l’apprentissage a toujours été classique. Laurent : J’adore chanté du Delpech sous la douche.. mais Delpech n’a rien d’inavouable. En fait je n’ai rien d’inavouable car j’assume tout ce que j’aime !
Après les Bee Ges, Deep Purple, seriez-vous prêts à réinterpréter un titre actuel : Rihanna, Beyoncé ou Colplday ? Paul : Ce n’est pas tellement l’actualité immédiate d’un titre qui le rend éligible, mais plutôt la motivation dans l’action scénique et le rôle qu’il va y jouer. Le sens que donne la musique est essentiel. Parfois, un morceau trop à la mode obscurcit le sens, comme une étoile qui empêche de voir le ciel dans son ensemble en brillant trop fort. Il faut veiller à maintenir un bon équilibre entre tous les éléments. En principe sinon, il n’y a aucun interdit – heureusement ! Laurent : Comme on joue nos spectacles longtemps, il faut être sûr que les titres actuels resteront dans l’inconscient collectif. C’est seulement après 10, 15 voire 20 ans qu’on voit ce qui reste.
Pourquoi ne pas oser, alors ? Paul : Aucun problème, on ose tout. Un refus viendrait uniquement de l’inadéquation avec l’action en cours. Quand une idée est bonne on la creuse. Ensuite, on voit ce qui fonctionne et ce qui est moins convaincant. Laurent :L’opus 3 est en gestation mais ce n’est pas pour tout de suite car la demande actuelle pour ce spectacle (Opus 2) est encore très importante.
DUEL Opus 2
spectacle musical et humoristique de et avec : Laurent Cirade et Paul Staïcu