Rechargé à bloc, Rachid Badouri est de retour à Paris pour une série de shows au Comédia. Le Québécois d’origine marocaine nous propulse dans son délire total avec générosité et délectation. Rechargé est un spectacle de stand up actif. Badouri ne tient pas en place, son pied de micro ne lui sert que pour son entrée (n’arrivez pas en retard) et sa sortie de scène.
Badouri, son père, sa mère, sa femme et vous
Rachid Badouri nous fait l’effet de Taz, le Diable de Tasmanie (dessin animé de Looney Tunes). C’est un tourbillon sans cesse en action capable de cris surprenants, voire flippants. Il a une capacité de déformation faciale impressionnante.
Le tout pour nourrir sa folie et son regard aussi bien excessif, juste et caricatural sur Paris, sa jeunesse, le couple.
Quand on n’a pas eu l’occasion de voir l’humoriste à l’œuvre dans l’émission Vendredi tout est permis, on ne sait pas trop ce qui peut arriver sur scène.
Et c’est ce qui est le plus trippant, découvrir sa folie, ses vannes sans en faire des tonnes non plus. Et surtout sa capacité à jouer avec les accents.
A la sortie de la salle, un spectateur lançait à un autre : « C’est comme Gad Elmaleh, il n’y a pas que les vannes!» et c’est vrai qu’il y a de ça.
L’incarnation de son père est absolument excellente, avec l’accent, le choc des cultures et l’incidence sur son éducation.
Un final percutant
La dernière partie du spectacle vient bouleverser l’ambiance en partant dans le récit avec voix-off, jeu de lumière, tension.
Rachid Badouri offre alors un tout autre visage, sans filtre et enrichi par le récit de sa vie.
Standing ovation méritée pour l’artiste. Rechargé c’est bien plus que du stand up !
Rachid Badouri Rechargé
@ Le Comédia
4 boulevard de Strasbourg
75010 PARIS
Les vendredis et samedis à 19h
Dates supplémentaires : dimanche 23 et 30 décembre à 19h
et jeudi 27 décembre à 19h
Un Québecois qui fait 5 500 km pour venir se foutre de la gueule des Français avec son spectacle : pari risqué ! Sugar Sammy ne manque pas d’audace et de répartie. Et le public en redemande !
Pour cause de succès, il est de retour à l’Alhambra depuis le 4 octobre 2018.
Sugar Sammy maîtrise son Français !
Le Montréalais qu’on croirait sorti d’un film bollywoodien ne va pas tarder à vous agacer. En plus de sa belle gueule affichée sur les murs de Paris, son mètre 90 sur scène et à côté de votre petite amie au photocall de fin de spectacle, son succès au Canada et aux States, il maitrise parfaitement la culture française et nos beaux travers.
Ce n’est pas un comique dilettante qui adapte ses meilleurs succès inconnus en France, pourtant cultes dans son pays. On a déjà vu passer ce genre de super stars Outre-Atlantique et elles sont restées cantonner aux toutes petites salles parisiennes. Shame on them!
Sugar Sammy lui travaille son sujet ou, en tout cas, maitrise les fiches que des petites mains pourraient lui préparer. Rien ne lui échappe de l’actualité jusqu’aux références historiques bien pensées de notre pays.
Roi de l’impro
Alors oui, il sera question de taille de b., de racisme, de préjugés en tout genre. Le tout emballé avec un sourire de charmeur. Le show est huilé à l’anglo-saxonne, sans perte de rythme, avec une répartie imparable et participation de la salle. A tout moment, il peut allumer un spectateur sur son simple prénom, ses origines, le couple qu’il force avec sa voisine et pas seulement au premier rang. Son regard est affuté et à 180 degrés.
Quelques révélations hilarantes comme les prénoms des hommes français qui manqueraient de virilité – à en juger avec Valentin ou Quentin, on ferait pale figure face à Rocky, Chris, Vin – des anecdotes savoureuses sur sa vie à la française et les différences de culture Québec-France font de ce spectacle un pur moment de déconne.
Claquements de portes à tout va, déplacement de cloisons à La Seine Musicale du 5 au 17 juin, ce n’est pourtant pas un vaudeville. La géniale compagnie québécoise de cirque Les 7 doigts nous revient avec Réversible. Un spectacle aussi beau, fougueux, poétique qu’aérien.
Magnifique duo sur mât chinois
Un numéro à la fois fort visuellement, romantique et saisissant. Un garçon à bretelles à la carrure de rugbyman, Julien et une fille frêle, vêtue d’une jupe légère, Emilie. Ils sont mariés, la confiance est totale. Il n’en faut pas plus pour former un duo qui allie grâce et tour de force, portée sans défaillir et chute avec retenue ultime. Un numéro en suspend inoubliable.
Murs mobiles
La scénographie, comme à chaque spectacle créé par Les 7 doigts de la main, est propice à tous les possibles, à tous les débordements. Le décor est littéralement un partenaire de jeu à part entière. Tout tourne autour de trois pans de murs qui s’assemblent, se séparent au gré des numéros. Les circassiens sortent des fenêtres, grimpent les murs, disparaissent, dissimulent les agrès des numéros suivants. Ingénieux !
Multitudes d’accessoires
Il y en a pour tous les goûts. Éventail rouge passion, fouet qui claque pour apprivoiser le vide autour de soi, skateboard intrépide, casquettes folles, ballons et balles. Tout est matière à jeu, mouvement, accroche visuelle et tentative de s’extraire de l’apesanteur.
Bande musicale à shazamer
Les chansons et musiques sont des partitions très bien dosées pour accompagner les solos, duos et jeux collectifs. À chaque numéro, le titre tombe juste, un sans faute.
On a grave envie de laisser l’appli Shazam ouverte pendant tout le spectacle pour garder tout en mémoire et se souvenir des jolies choses que l’on a vu sur scène, une fois rentré chez soi.
Une fois reçu le programme par mail, on apprend que les titres ont été créés pour le spectacle par des artistes de Montréal.
Avec : Maria del Mar Reyes Saez, VincentJutras, JérémiLévesque, NatashaPatterson, HugoRagetly, ÉmilieSiliau, JulienSilliau, ÉmiVauthey
Mise en scène Gypsy Snider Assistance à la mise en scène Isabelle Chassé
Collaboration recherche sur le mouvement Phillip Chbeeb & Hokuto Konichi (AXYZM)
Assistante Chorégraphique Kyra Jean Green
Chorégraphie Mât Chinois Shana Carroll
Samuele est prête à séduire la France avec son premier album Les filles sages vont au paradis et les autres vont où elles veulent. La chanteuse québecoise va assurer une série de concert pour partager sonsong–writing élégant avec un gros lot de paillettes et un sourire irrésistible.
Samuele sera en concert le 11 octobre à Paris dans le cadre de Décibels Vendanges et en mini-tournée.
INTERVIEW SAMUELE
UsofParis : Comment t’es-tu préparée à conquérir le cœur et les oreilles des Français et Françaises ?
Samuele : J’ai changé les cordes de ma guitare et rempli mes valises de paillettes. J’adore les paillettes. C’est ma façon de me préparer pour un spectacle, je me couvre de paillettes et je fais un gros câlin à Alex (contrebassiste) juste avant de monter sur scène.
La leçon que tu tires de tes concerts dans les bars et qui t’aide maintenant ?
Je pense que j’ai surtout appris à faire un bon contact avec le public. Ça prend beaucoup d’effort pour captiver les gens, il y a beaucoup de distractions dans un bar. J’apprécie beaucoup ma nouvelle vie d’artiste de salle, c’est tellement plus facile d’inviter les gens dans mon univers et je peux me permettre d’aller plus loin dans mes histoires. Apprendre à jouer dans les bars c’est aussi apprendre à jouer dans des conditions sonores parfois désastreuses, j’ai donc appris à bien connaître et utiliser mon matériel, je suis aussi très facilement comblé par la sono en salle et rarement désarçonnée par des problèmes techniques.
Comment écris-tu ? Les mots viennent-ils facilement, réécris-tu beaucoup avant d’enregistrer tes titres ?
J’écris toujours. J’ai un cahier et un crayon avec moi en tout temps. J’écris des bouts de poèmes, des idées de chansons ou des réflexions sur tout et rien. J’écris dans pleins de cahiers en même temps c’est un peu chaotique mon truc, mais j’y trouve une précieuse équilibre. Certaines de mes chansons se sont écrites pratiquement toutes seules comme La Sortie, par exemple, que j’ai écrite en moins de deux heures et d’autres comme ‘cours toujours’ doivent être réécrites des dizaines de fois avant que je sois satisfait.
Un secret de fabrication au sujet du titre La révolte, qui me plait beaucoup ?
J’ai écrit cette chanson-là pendant la grève étudiante de 2012. J’étais remplie d’espoir, de colère et de tristesse et j’ai eu besoin d’en faire une chanson. Je ne voulais pas en faire un hymne aux ‘carrés rouges’ (symboles de la grève). J’ai voulu en faire quelque chose de plus universel et y mettre de façon très poétique tout mon expérience de militance de la façon dont je perçois la révolte comme quelque chose de contagieux et de solidaire à la façon dont l’État (le roi) utilise les médias et la propagande pour invalider les mouvements populaires radicaux, mais surtout l’idée que l’État a raison d’avoir peur de la solidarité entre les personnes flouéEs/négligéEs par l’État (les fous) parce qu’elle est infiniment puissante.
J’aime aussi beaucoup Sirène. Où a été conçu cette chanson ?
J’ai écrit la première version de cette chanson-là sur la banquette arrière d’une camionnette pendant que mon amante racontait ses incroyables récits de voyages au conducteur qui nous avait prises en stop. J’étais complètement sous le charme de cette sirène qui avait le don de faire voyager en racontant ses histoires ramassées partout sur le globe. Elle avait des amantes sur chaque continent et j’espérais me tailler une place dans son cœur avec une chanson.
As-tu déjà fait une déclaration d’amour en chanson, plutôt qu’en texto ?
Je préfère de loin déclarer ma flamme de vive voix, alors définitivement pas par texto, mais j’ai déjà essayé de séduire une certaine sirène en lui écrivant une chanson…
Le résultat a été concluant ?
Hahaha ! Non, mais ça reste un texte dont je suis très fière.
La plus belle chanson d’amour jamais écrite ?
C’est une grosse question, ça. Pour moi je crois que c’est To make you feel my love de Bob Dylan. J’ai entendu mon père la chanter à ma mère et je l’ai aussi beaucoup chanté à mon fils quand il était petit. C’est un texte qui me touche à chaque fois.
Une appli que tu adores ?
Magic 8 bit 8 ball.
Parce que j’adorais le côté mystique des magic 8 ball quand j’étais gamine. C’était un peu une version 80’s des boules de cristal. Je pose régulièrement des questions à mon app. J’adore avoir de l’aide pour prendre une décision, le design lo-fi et les bruits de laser.
Un mantra qui t’aide à vivre ?
Inspire, expire, lâche prise.
Un spot à Montréal inconnu des touristes français à nous conseiller ?
Le café coop Touski. C’est un endroit que j’ai appris à aimer à l’époque où j’habitais seul avec mon fils. C’est un espace accueillant pour les adultes et les enfants et c’est plutôt rare comme combo. La bouffe est bonne et abordable, l’ambiance est relaxe, il y a une salle de jeux pour les enfants, des expos sur les murs et des concerts régulièrement. C’est aussi un espace militant important pour la communauté. Je fais partie du collectif Touski Folk, qui organise une soirée mensuelle de musique et de poésie non mixte. Le Touski, c’est un peu comme mon deuxième salon.
Luc Langevin, la star québécoise de la magie, a désormais un nom en France. Après avoir emballé le public parisien l’année dernière, bluffé Garou et Amélie Neten, il est de retour au Casino de Paris jusqu’au 2 février avec une seule idée en tête : nous faire rêver avec les maths et les sciences. Pari risqué ?
Illusions multi-écrans
Langevin ne fait pas une entrée sur scène avec des jeux de lumière de ouf, des lasers et de la fumée. Il est plus subtil et vit vraiment avec son temps. Naturel qu’il apparaisse sur un écran, joue avec le cadre et finisse par en sortir. La synchronisation est parfaite.
Il ne lui faut que quelques minutes pour séduire le public qui sera attentif aux moindres détails pour tenter de percer le mystère de ses tours. Le “rien dans les manches” est tacite.
Avec Langevin, tout semble logique, imparable. Les sciences sont partout et il les connaît suffisamment (grâce à ses longues études) pour en tirer le meilleur et réaliser ses illusions.
La magie, l’histoire de sa vie
Le story-telling lie l’ensemble des numéros les uns aux autres. Le premier magicien vu à la télé quand il avait 6-7 ans, son cahier de bord dans lequel il griffonnait ses premiers tours alors qu’il ne savait pas encore comment les réaliser, le casting pour l’émission de télé qui le fera connaître au Québec.
Chercher le truc
Sa bienveillance, son humour sont aussi essentielles pour apprécier ce spectacle qui peut rendre fou. Je me suis notamment réveillé dans la nuit qui a suivi le Casino de Paris en tentant d’élucider un tour, le grand final avec la boule rouge. Bien entendu, je suis toujours sur mes suppositions mais pas l’ombre d’une certitude.
Notre cerveau serait programmé pour faire les mêmes choix que notre voisin, preuve en est la focalisation quasi unanime sur un même objet lors d’un (mini)-tour, ce samedi soir à Paris.
Lévitation, carré magique, déportation, équilibre (ou tenségrité), balles en mousse, Luc Langevin varie les plaisirs pour capter l’attention de son public du début à la fin avec la totale participation des spectateurs.
Oui c’est magique, talentueux, bluffant et mathématique !
#Bonheur de retrouver la fougue, la poésie et la maîtrise sans accros du collectif de cirque survitaminé et génial Les 7 doigts avec le retour de Traces à Paris.
L’occasion d’une rencontre scénique avec sept personnalités aussi fortes qu’attachantes.
Ces 6 garçons et cette fille (Anne-Marie) viennent de Québec, de Chine, de France, d’Australie et des États-Unis.
L’un est drôle, l’autre jaloux, un autre beau…
Comment on le sait ?
Simplement parce que ces jeunes gens se présentent après une entrée sur scène, tonitruante. Ce n’est pas grand-chose sur le papier, mais en live, sans filet, ça fait vraiment la différence.
A la fin du spectacle, les uns et les autres ne seront plus tout à fait des inconnus, à la différence d’autres spectacles qui préfèrent le collectif à l’individuel.
Kevin, Song, Lucas et les autres sont multi-talents : acrobates, athlètes, musiciens, chanteurs, dessinateurs, polyglottes (anglais, français, chinois…). Ils sont capables de se remplacer au piano en plein milieu d’un morceau, de se jeter sur les épaules de l’un, de s’envoyer en l’air à la force des bras d’un autre.
Traces n’enchaîne pas les numéros à couper le souffle à un rythme effréné, quitte à tout oublier à la fin. Le spectacle ménage ses effets, passant de la sophistication d’un numéro de trapèze avec Kevin, l’américain hipster (barbu) – les autres solos de trapèze que vous avez vus, vous paraitront bien fades à côté de celui-ci – de la scène comique autour de la lecture sur un fauteuil qui ne tient pas en place avec Anne-Marie, à la déconnade entre potes en veste sur sweat blanc (#classe) armés de leur skateboard ou patin à roulettes (#décalé).
Dans ce spectacle, le mât chinois voit exceptionnellement double, et ça nous plait encore plus ! Lucas, le frenchy de la bande, saute d’un mât à un autre avec une agilité déconcertante. On se sent tout petit face à autant de force dans les bras.
Les sangles aériennes sont démoniaques, la main à main insurpassable et les jongleries étourdissantes.
10 ans de succès pour Traces, ça se fête, non ?
Début septembre, aux Studios Ferber de Zamora, l’équipe a rencontré Pascale Picard, la charmante québécoise qui signe son grand retour en France avec la sortie de son troisième album All Things Pass. Six ans séparent ce nouveau disque du succès de Me, Myself and Us. Il était nécessaire de remettre les pendules à l’heure de son pays, prendre de nouvelles après cette longue absence et savourer son sourire éclatant avant de la retrouver en live en tournée en France et au Petit Bain à Paris, le 2 décembre.
INTERVIEW SELFIE ! ou quand Pascal Picard n’a pas trop beurré pour son retour en France et nous, on a capoté !
UsofParis :Peux-tu te présenter en quelques mots pour que nos lecteurs puissent savoir qui tu es, comment tu en es venue à la musique ? Pascale Picard : Ok. En quelques mots, ça risque d’être compliqué car je suis quelqu’un qui parle énormément. (elle insiste sur ce dernier mot)
Ça c’est les Québécois…
Ah oui hein ? Nous, on est comme ça, on blablate.
Donc je suis une Québécoise, j’ai 32 ans. Je joue de la guitare depuis l’âge de 13 ans. Avant ça, un peu de batterie et de piano. Toujours en autodidacte parce que je ne suis pas capable de supporter les cours.
Quand j’ai attrapé la guitare à 13 ans, je connaissais 2-3 accords, j’ai accroché et je me suis mise tout de suite à écrire de la chanson. Je faisais les répertoires d’autres artistes aussi.
Puis à 18 ans, au Québec c’est l’âge légal pour pouvoir rentrer dans les bars. J’ai donc commencé à jouer dans des bars et des restaurants.
J’ai fait une démo de 3 chansons, j’en ai fait des copies. J’ai dit aux gens de partager ma musique gratuitement, car on voulait que ça voyage. Et finalement cette démo est arrivée dans une station télé qui faisait plus des vidéos clips au Québec. Ils avaient une émission Les pourris de talents, qui était une tribune pour tous les talents, il y avait des humoristes, des magiciens, des poètes, des musiciens,…
Un peu comme Incroyable Talent, America’s Got Talent ? Oui c’est ça. Sauf que c’est un concept qui a duré qu’une seule saison et qu’il n’y avait pas de gagnant à la fin. Il y a plusieurs artistes qui sont sortis de cette cuvée.
J’ai eu beaucoup de beaux commentaires sur internet, par téléphone, quand je suis passée dans cette émission. Les producteurs de l’émission avaient un label, ils m’ont proposé un contrat. J’ai donc fait Me, Myself and Us avec eux. C’est sorti au Québec et on a eu un accueil qui a dépassé nos attentes.
On avait 5 500 copies de l’album, il était « back order » après une semaine. C’était vraiment un rêve, un conte de fées. La chaîne où est passée l’émission était une chaîne câblée, ce n’était pas une Star Academy, tu vois ? Des journalistes nous ont beaucoup aidés en nous donnant beaucoup de visibilité, les gens nous ont suivis dans cette aventure-là.
Un producteur de France, qui était en voyage au Québec à ce moment-là, a entendu Gate 22. Il a vraiment adoré. Et il a racheté notre contrat et sorti l’album en 2008 en France. Quand on est arrivé ici, on nous connaissait déjà, c’était assez fou. On passait beaucoup en radio.
On est entré par la petite porte au Québec en chantant dans des petits bars avec 30 personnes, et ici on est entré par la grande porte avec le premier concert à La Cigale. L’album venait de sortir, on pensait qu’il y allait avoir 200-300 personnes et que le reste ce serait des journalistes et des invits, mais c’était complet. On nous a même remis un disque de platine, j’crois.
C’est fou comment ça s’est passé ici. On est parti en tournée pendant 6 mois en 2009 entre la France, la Suisse et la Belgique. On a eu un super accueil des Français.
Tu vois, je t’ai dit « quelques mots » mais je peux continuer encore. Mais voilà c’est ça, c’est un peu moi.
Et donc Pascale Picard c’est un groupe ? Oui, c’est ça.
Avec la même formation depuis le début ? Le bassiste, c’est le bassiste original Philippe Morissette. Le guitariste a changé, c’est Louis Fernandez depuis 5 ans déjà. Puis, on en est rendu à notre troisième batteur, Marc Chartrain, qui est avec nous depuis 6 ans. C’est une relation assez stable quand même.
Comment se passe la création ? Je sais que tu écris les textes, mais la musique ? C’est moi aussi. Je fais pas mal tout. Mais l’accord du groupe est important, au niveau des arrangements, par exemple. Tout le monde amène sa touche et s’implique. C’est vraiment une démocratie à l’intérieur du groupe, où on prend les décisions ensemble, on fait les choix ensemble.
On doit te poser souvent la question. C’est ton grand retour en France avec ton troisième album, il y en a eu un deuxième qui est seulement sorti au Canada, pourquoi ? C’est normal, c’est une question qui se pose. Nous, on a voulu qu’il sorte ici. Universal a acheté un album déjà fait (le premier), quand on a travaillé sur le second, on a fait des expériences et il y a eu des divergences d’opinions. Tu sais c’est une major, ils nous ont permis de le sortir au Québec en nous disant qu’il sortirait un peu plus tard en France. Et ce n’est pas arrivé pour x raisons.
Et comme je t’ai dit en ayant pas d’album, on n’a pas la possibilité de venir tourner ici en France. On se disait toujours : ce sera pas long, ça va se régler. Et finalement, ça a été plus long que prévu. Le temps qu’on rencontre une nouvelle équipe, de travailler dessus. Ça a pris 6 ans pour qu’on revienne ici. Mais on n’a pas chômé entre temps.
Il y a eu la BO de la série Trauma aussi.
T’es bien informé. C’était des reprises avec « le band » presque guitare-voix, pour la bande originale de la série de Trauma.
Comment s’est passée cette rencontre ? Comment as-tu été choisie ? Je pense qu’au Québec mon travail est assez connu. Fabienne Larouche a demandé à Ariane Moffatt de faire les saisons 1 et 2, j’ai fait la 3 puis ensuite il y a eu Martha Wainwright et Coeur de Pirate. Elle va vers des filles. C’est une femme, donc je pense qu’elle aime aller vers des femmes. J’adore la série, j’avais adoré le travail d’Ariane Moffatt sur la série. Quand elle m’a contacté j’ai dit « Oui ! Oui ! Oui ! », peu importe les conditions.
On s’est assise avec Fabienne Larouche chez elle, on a pris un thé. Elle m’a dit moi ce que je veux c’est toi, je veux pas ton « band ». Je lui ai dit que je mettrais le « band » mais qu’elle ne l’entendrait pas. Elle ne voulait pas quelque chose de rock. J’ai pas eu beaucoup de contraintes, elle m’a donné une très grande liberté. Elle m’apportait les chansons et on choisissait ensemble. J’ai même apporté des alternatives. Elle voulait quelque chose d’hyper soft. Je lui ai envoyé les versions guitare-voix, elle a trouvé ça merveilleux. Je suis allée en studio avec les gars, on a enregistré l’album et voilà.
C’était une super expérience. Et ça m’a servi pour le troisième album, d’y aller le plus sobrement possible, laisser respirer les chansons. Juste faire une bonne chanson, ne pas essayer de l’étouffer. Sur le deuxième album, on voit qu’on avait envie d’en mettre plein la vue. De savoir qu’on nous attendait, d’avoir eu le succès du premier on avait une certaine pression. C’est inconscient car, à ce moment-là, j’avais pas l’impression d’en « beurrer » épais.
Mais quand je l’écoute aujourd’hui, je l’adore encore. Et j’espère qu’un jour on aura l’occasion de vous le faire écouter ici car je suis très très fière des chansons.
En concert, par exemple ? On va en mettre, mais on veut que ce soit une fête avec les Français. On sait des fois que ça peut être lourd de découvrir des nouveaux morceaux en spectacle, déjà qu’on a le nouvel album. Donc ce qu’on fait, c’est qu’on a pris les titres les plus festifs/up-beat du dernier album, les succès de Me, Myself and Us car c’est ce qui nous a fait connaître ici et je crois qu’on a mis 1 ou 2 titres du deuxième album pour essayer de l’introduire. On veut faire plaisir aux gens qui vont venir nous voir. Ça fait 6 ans, c’est des retrouvailles.
Fin août ton nouvel album est sorti, tu vas retrouver le public français lundi (l’interview s’est déroulé 5 jours avant le concert à la Maroquinerie)… Hiiiiiiii, j’en ai la chair de poule. Mais avant je m’en vais à Noirmont en Suisse puis un autre festival à Auberive, un petit village où même les cellulaires ne passent pas, ça va être l’horreur ça (rires). On va s’amener des jeux de cartes.
Tu n’as pas peur que le public français t’ai un peu oubliée ? Ma question n’est pas méchante, c’est juste que 6 ans, c’est très long. Oui c’est sûr. Tu sais j’ai pas d’attente. On est parti d’un Olympia rempli à craqué en 2009, glorieux, c’est sûr que les gens ont fait d’autres choses depuis.
Moi je suis quelqu’un de travailleur. On va prendre les entrevues qu’ils nous ont données, toute la visibilité qu’on peut prendre pour essayer de rappeler aux gens qui on est.
Je suis contente car on a plein de gens comme toi qui nous disent « Ah je t’avais beaucoup aimé dans le temps, on a envie de t’interviewer ! » donc ça c’est super !
Je suis confiante. La Maroquinerie c’est pas une grosse salle, on ne s’attend pas à ce que ce soit rempli à ras bord. Je suis quelqu’un qui essaie d’être terre à terre. Je serai heureuse s’il y a 7 personnes dans la salle qui sont là pour venir nous voir.
Je suis tellement contente d’être ici, ça fait 6 ans que j’attends ce moment-là.
Je suis contente j’ai mangé un jambon-beurre, je me remets avec l’accent français dans l’oreille. Même si je ne travaillais pas, même s’il n’y avait pas de concert, je serai contente tu sais.
Tu n’es jamais revenue en France depuis 2009 ? Même pour toi, le plaisir ? Je suis revenue deux fois : une fois en 2011 pour la maison de disque et en 2012 pour un festival à Paris. Mais cette fois je suis là pour 3 semaines. Je suis allée au Père Lachaise, c’était la première fois.
Car quand on vient travailler on n’a jamais le temps entre les concerts, la route… Là je vais avoir du temps, j’ai un petit peu de promo mais je vais avoir le temps de mettre mon Kodak au cou et d’aller à la Tour Eiffel avec mon drapeau. (rires)
As-tu abordé différemment le troisième album, considérant que le deuxième ne soit pas sorti en France ?
C’est une excellente question. Je pense qu’on porte un bagage tout le temps. Tout ce qui est arrivé, ça existe puis on se promène avec son bagage. Ça a été une grosse blessure que l’album ne sorte pas ici. J’ai adoré tourner en France et j’ai eu beaucoup de peine de ne pas être capable de revenir en temps voulu. Là, j’y suis, je suis contente. Mais, c’est sûr que j’ai toujours pensé à ça. Je ne pense pas que ça ait eu d’impact sur la composition de l’album parce que j’essaie de ne pas penser à comment il va être reçu. Je me mets déjà tellement de contraintes, je suis extrêmement exigeante avec moi-même, je m’autocensure tout le temps.
Tes influences pour écrire cet album ? Musicalement, j’écoute plein de choses et les gars du band aussi, donc je ne saurai pas te dire. Tout le monde met sa touche. Mais humainement, comme tout ce que j’écris, c’est très autobiographique. Cependant, je triche un peu je vais quand même fouiller dans la vie des proches, je l’adapte et je mets ça dans mes yeux à moi.
Mais c’est sûr que pour moi, dans cet album-là, ce qui m’a beaucoup inspiré, puis je fais des blagues avec ça. Mais c’est vrai, c’est ma crise de la trentaine. A 29 ans, j’ai fait une grosse crise…
(Je fais la grimace) Pascale : Tu as quel âge ? UsofParis : 29 ans
Pascale : Mais c’est quelque chose de positif, ce sont des grandes remises en question. Quand c’est arrivé, j’y croyais pas. Mais avec le recul j’ai fait plein de constations. Avant, j’étais assez « drama-queen ». Je suis quelqu’un d’intense et d’hyper-sensible, quand je vis quelque chose d’heureux c’est la fête, c’est l’euphorie totale et quand je vis quelque chose de dramatique, j’ai du mal à relativiser.
J’ai commencé à me rendre compte de la différence entre les émotions et les sentiments, pour moi ça été une révélation. Les émotions passent, toutes choses passent. C’est libérateur de penser ça. Quand quelque chose de difficile arrive, je me dis que c’est un apprentissage, que je ne recommencerai pas la même erreur demain. J’essaie de toujours aller de l’avant.
C’est ça un petit peu mes thématiques abordées. Regarder en avant, vivre le moment présent.
Tu écris en anglais, alors que ta langue maternelle est le français. Pourquoi ? Et penses-tu pouvoir un jour écrire en français ? Je sais, c’est honteux ! (rires)
J’ai toujours pensé ma musique en anglais, c’est pas des traductions de choses que j’écris en français. Ça me vient en anglais. C’est bizarre, car c’est pas naturel. J’ai écouté beaucoup de musique en anglais, j’ai appris l’anglais en lisant les paroles des chansons. Je pense la musique en anglais, c’est instinctif.
J’aimerais ça peut être écrire en français, mais je ne veux pas me donner d’objectif car je trouve que c’est anti-créatif quand on se met la pression. J’ai fait les Francofolies au Québec où l’on est obligé de chanter en français, on a donc traduit mes textes et on les a retravaillés pour les sonorités avec Gaëlle, une amie française. J’ai aussi fait des ateliers d’écriture à la suite de ça. Ça m’a ouvert l’esprit, ça me plairait beaucoup, mais je me sens incapable de le faire. Mais la porte est ouverte.
Quel est le passage obligé pour toi à Paris ? J’ai un gros coup de coeur de Montmartre, car on a beaucoup été logé là quand on venait. Y’a un endroit où on allait faire du karaoké avec le « band » dans un p’ti bar. J’avais mes petites habitudes, je me sentais comme chez moi là-bas.
Quelle est la chose incontournable à voir au Québec ? Les villes sont super mais ce qui est génial au Québec, ce sont les grands espaces. D’être à 20 minutes d’un centre-ville, en plein milieu d’un bois, dans la nature. Il faut aller voir les montagnes, faire de la marche en neige, se perdre un peu dans la nature. C’est beau chez nous.
L’objet dont tu ne peux pas te passer quand tu viens en France ?
Dans l’époque où je fumais, je venais avec mes cigarettes car elles sont différentes ici. Mais je ne fume plus donc ce n’est pas un problème. J’amène mon chewing-gum car nos chewing-gum sont vraiment forts, ça décape alors qu’ici ils sont plus soft.
Mais cette fois-ci, c’est pas pour moi, j’ai amené du fromage en grain puis de la sauce à poutine. C’est un de nos plats dont tout le monde nous parle, c’est pas de la grande gastronomie. C’est quelque chose que je mange 1-2 fois par an, mais ça ne me manque pas.
Ton dernier coup de cœur musical ? Alabama Shakes, j’ai halluciné. Puis en live, ils sont « écoeurants » ! Hier, j’ai entendu le dernier album de The Do, j’ai capoté ! Je l’ai entendu juste une fois mais il faut que je l’achète c’est sûr et certain. Et en français, Christine and the Queens. Ça mon dieu, c’est des claques et des claques.
Et au Québec y’a un groupe que j’écoute beaucoup, c’est Caravane, des gars barbus de 25 ans qui rockent (elle mime la guitare).
Qu’est-ce qui te manque le plus quand tu es en France ? Mes chats ! Mes chats ! Faut pas trop que j’y pense sinon je me mets à paranoïer.
Une jolie rencontre, avec beaucoup de rires. Pascale parle beaucoup, elle m’avait prévenu et c’est passé très très vite.
Quelques jours après, je la retrouve à la Maroquinerie pour son premier live à Paris pour son nouvel album. Un très bon moment de retrouvailles avec son public français durant lequel elle ne boudera pas son plaisir.
Elle a enchaîné les tubes qui ont fait son succès Gate 22, Smilin’, Thinking of it, que le public chantonnait avec elle.
Pascale a également offert un jam avec Chandelier de Sia, La vie en rose de Edith Piaf et What’s Up des 4 Non Blonde.
On notera le magnifique Without you en guitare-voix, sans « le band » pour le rappel.
Elle s’est éclatée sur scène et a promis de ne pas attendre 6 ans avant de revenir nous voir, les petits Français.
“Tant qu’à faire une dépression, autant la faire à Paris, c’est plus glamour !“Pierre Lapointe
Pierre Lapointe est un garçon charmant et un chanteur à l’humour bien trempé surtout quand il est dans son élément : la scène. Il n’hésite pas à annoncer d’entrée de jeu (cf son dernier concert à Paris, au Fnac Live 2015) : “ce sera très certainement le meilleur spectacle que vous aurez vu dans votre vie !” ou d’avertir un peu plus tard que : “souvent après mes concerts, les couples se déchirent.” Côté coulisses, le trentenaire à la crinière maitrisée est plus sage et plus posé, exit le bermuda choisi pour son concert et place à un pantalon vert aux boutons légèrement décentrés. Original !
Revue de détails sur sa vie d’artiste trépidante, ses belles rencontres et son rapport à la scène. Interview.
Usofparis : Comment gardes-tu le rythme de la création, de l’écriture ? Parce que tu es très sollicité : participation à des shows télé au Canada, la promo de l’album, la tournée sur les deux continents.
Comment fait-on quand on est un artiste du XXIe siècle ?
Pierre Lapointe : Je ne sais pas trop …
Déjà, ce qui arrive, c’est que je travaille avec quelqu’un qui s’occupe des trucs de base, donc déjà ça aide. Et puis, en ce moment, je ne crée pas beaucoup. Je crée pour des trucs un peu étranges. Je fais une émission à la télévision nationale canadienne Stéréo Pop, un spectacle dédié à la musique. Je fais la direction artistique. J’ai co-signé le concept avec ma meilleure amie Claudine Prévost. Donc je finis par faire de la création mais c’est plus sur la direction, c’est plus de la discussion. En fait, je suis en train de créer un show qui n’existait pas il y a encore 6 mois. Donc c’est une création qui est plus proche d’un job de fonctionnaire (rires). C’est plus structuré que ce que je fais normalement, mais ça me va aussi de faire ça. C’est une super expérience.
Sinon, je n’ai pas écrit de chansons depuis un an. Non, ce n’est pas vrai. J’ai écrit depuis mais je n’ai pas eu le temps de vraiment figer les choses.
As-tu besoin de t’isoler, une fois que toute activité est passée pour pouvoir créer ?
Non, je me laisse aller en fait et puis j’ai écrit beaucoup de nouvelles chansons assez rapidement, il y a déjà un petit bout de temps. Donc ça ne me dérange pas de ne pas créer en ce moment.
C’est par période de toute façon. Et puis je pense que plus tu travailles, plus tu es dans l’action, plus tu as des idées qui sortent. Et puis j’essaye de me garder dans cette optique-là.
Aussi, j’ai des projets qui vont m’obliger à créer. Je commence une collaboration avec Matali Crasset, designer française. Mais je ne peux pas en parler plus que ça pour le moment.
Qui a approché l’autre ?
C’est moi qui suis allé vers elle. Et puis, comme j’ai travaillé avec David Altmejd il y a 3 ou 4 ans, j’essaie de trouver des gens pour lesquels j’ai une grande admiration. Puis je me fais des stages d’observation de luxe avec des gens qui sont extraordinaires et qui sont des références dans leur propre domaine. Je le faisais déjà il y a 10 ans quand j’ai travaillé avec le collectif BGL qui aujourd’hui représente le Canada à la Biennale de Venise de cette année. A l’époque, ils étaient déjà connus, mais pas comme aujourd’hui.
Je me suis toujours appliqué à trouver des collaborations pour apprendre, pour pas m’endormir, puis me trouver des contextes où je suis obligé de créer des objets sans préjugé par rapport à mes propres objets.
Mais ce sont des vrais challenges de collaborer avec des designers ? C’est une mise en danger ?
Non. Personne n’est dangereux ! (rires)
Je veux dire d’être dans quelque chose d’un peu plus instable, plus improbable. C’est que j’aime aussi. Et puis je pense au spectacle Mutantès que j’ai fait en 2008, ça a donné naissance à des albums. Quand je pense aux clips que j’ai faits pour Punkt, ça a donné naissance à des chansons, les voyages que j’ai faits aussi. Faut juste se garder dans l’action.
Je n’ai pas pris le temps de me poser sur ce que je voulais dire dans les prochaines années. Mais je sais que je ne manquerai pas d’inspiration.
Quels sont les mots de journalistes ou de blogueurs français qui t’ont touché pour décrire ton dernier album ou qui ont tapé juste sur l’esprit que tu voulais…. ?
C’est toujours délicat parce que j’ai lu de très belles choses, comme j’ai lu des choses très tristes à mon sujet. Je suis toujours dans la dynamique : si tu crois les gens quand ils te disent que tu es merveilleux, tu es obligé de les croire quand ils te disent que tu fais de la merde. Donc j’essaie de ne jamais lire les trucs et puis jamais rien prendre au sérieux.
Quel trait de ta personnalité ou de ton caractère est mis en évidence pour cette tournée ?
C’est les mêmes que d’habitude. Sauf qu’en apparence… J’ai joué un peu… Punkt, ça a été une drôle d’opération aussi. Parce que c’est sur Punkt qu’il y a les chansons les plus tristes, les plus sombres que j’ai faites de ma vie. Les gens n’en ont jamais pris vraiment conscience parce que ce que j’ai fait, c’est foutre de la couleur. Et donc le public a enregistré que c’était un album joyeux, que j’étais plus lumineux qu’avant, que j’avais l’air mieux dans ma peau. Mais, en fait, il y a quand même une chanson sur l’infanticide, une chanson où une femme meurt car on est dans un trip sado-maso. Quand même des trucs assez sombres. Puis même dans Les remords ont faim, je veux mourir parce que je regrette trop. C’est quand même hyper dark ce que j’ai fait !
Et puis là, c’est un peu la même chose. Je reste exactement le même gars qui est toujours dans l’autodérision, qui déconne autant sauf que le disque ne laisse aucunement transparaître ça. Et donc ce qu’on va voir durant la tournée de Paris tristesse, c’est le même gars qui est sur scène quand il fait Punkt, c’est le même personnage. Une personne qui est dans l’autodérision, dans la légèreté après avoir été dans quelque chose de très introspectif et de très lucide. Parce que je pense que c’est une des choses qui qualifie bien mon travail, c’est que je suis extrêmement lucide. Et j’ai une façon de décrire les situations et la vie autour : beaucoup de gens n’oseraient pas se dire ces choses-là.
Ça ne veut pas dire que je ne suis pas capable de déconner et puis d’avoir du plaisir. Ça fait du bien de désamorcer aussi tout ça aussi. J’ai pris cette habitude-là quand j’ai commencé à faire ce métier, quand j’étais enfant dans la vie personnelle. Et là ça continue.
Qu’est-ce qui plaît autant au public français dans ta musique ou dans ton personnage ? Tu as eu des indices dans les contacts que tu as eus ?
Je fais la même chose au Québec. Ici, je n’ai jamais adapté.
Il y a un petit peu d’exotisme, quand même ?
Il n’y en a pas tellement quand je chante, car mon accent n’est presque pas là. Je pense qu’il y a une approche peut-être nord-américaine de la scène qui est très décoincée, très décomplexée. Je l’ai vu chez les gens qui étaient dans la génération juste au-dessus de moi : chez Daniel Bélanger, chez Jean Leloup et chez Dédé Fortin avec Les Colocs. On est sur scène et on essaie de faire de ce moment-là un moment naturel. Et puis, on a une façon nord-américaine aussi d’arriver sur scène.
Maintenant, je suis peut-être le plus français des chanteurs québécois. Donc je ne sais pas trop ce qui plaît, ce qui ne plaît pas.
Justement peut-être que je suis trop français pour aller chercher les grandes masses en France. Et puis d’un autre côté, je pense que je réponds à un certain besoin parce qu’il y a des gens dans les salles et que les gens sont intrigués par mon travail.
Quelle est la leçon de musique ou de scène que tu aurais pu apprendre au contact d’un autre artiste ?
J’ai vu énormément de spectacles. Ce que j’ai aimé en voyant ces spectacles, et avant même de savoir que j’allais faire ça de ma vie, c’était de voir des moments. Justement, un show trop placé, il n’y a pas de moment. D’être comme quand on est à table avec des amis. Il y a quelque chose de vivant, puis à un moment donné y’a une surprise qui arrive, y’a un malaise qui fait chier et la soirée tombe à l’eau. Puis, en contrepartie, il y a aussi des moments où la soirée peut être grandiose. Il ne faut pas penser à la soirée qui s’en vient avant de la faire, naturellement.
Et puis, il y a une chose que j’ai dû accepter : c’est qu’on ne peut absolument rien contrôler sur scène. Il y a des fois où on est totalement en possession de nos moyens et il n’y a rien qui marche. D’autres fois, on est totalement démoli et puis c’est le meilleur spectacle de notre vie. Ou encore, on pense qu’on a été merveilleusement bon et puis les gens dans la salle disent « il n’a pas été super ». Et des fois c’est le contraire.
Il ne faut jamais s’arrêter à ce que l’on vit sur le moment. Faut juste vivre le moment et accepter qu’on ne sera pas bon, qu’on ne sera pas beau et qu’on sera peut-être pas super attirant. Et puis ça s’est intéressant aussi de vivre comme ça aussi. Mais pour moi c’est aussi une façon de voir la vie. Point.
Mais tu n’as pas répondu à ma question…
Ah oui ! Eh bien à côtoyer des artistes comme David Altmejd, par exemple, qui est un sculpteur, avec qui j’ai fait un show à la Galerie de l’Université du Québec à Montréal, l’UQAM. 24h avant le début du spectacle, les billets s’étaient vendus (il claque des doigts) en 1 heure. J’avais fait plein de promo, parce que médiatiquement, c’est moi qui portais un peu le projet sur mes épaules, même si c’était vraiment un projet d’équipe.
Et puis 24 heures avant le spectacle, David ne savait toujours pas s’il y allait avoir un monolithe en plein milieu de la scène ou pas. On s’en foutait un peu ! Cet exercice-là était très formateur pour moi car je travaillais avec un sculpteur pour ne justement pas faire du spectacle conventionnel.
Je me suis mis un peu à paniquer en me disant « Merde, les gens qu’est-ce qu’ils vont en penser ? ». Et puis je me suis dit : « C’est ça le projet, ta gueule. Profites-en. On verra sur scène ce qui se passe.»
Voir des artistes qui sont dans d’autres disciplines qui sont aussi dégagés des codes, car il y a beaucoup de codes dans la musique, pour moi ça a été formateur. Et oui, juste de regarder des gens d’autres disciplines travailler, ça nous oblige à une remise en question par rapport à notre propre discipline. Je pense que c’est là que j’apprends le plus. Parce que des shows, je ne vais plus en voir tellement. J’en ai tellement vus que je me fais chier, en fait, la majorité du temps. Parce que je vois la référence, je vois à quoi les gens vont ressembler, je vois d’où ils sont partis. Et à un moment donné je finis par juste faire « bof !… ». J’ai une attention assez courte.
La chanson la plus triste que tu aimes toujours écouter ?
Il y a une chanson que j’écoute beaucoup en ce moment, mais ce n’est pas une chanson triste, c’est plus une chanson mélancolique : J’ai eu trente ans de Julien Clerc. J’écoute ça à répétition depuis une semaine. J’ai redécouvert cette chanson-là parce que je l’avais entendue pour la première fois quand j’étais adolescent. Je suis obsédé par la ligne mélodique très raffinée. Je trouve ça magnifique. Et puis ce qu’il dit… Il parle de son enfance, qu’il fait la paix avec son passé et puis qu’il passe à autre chose parce qu’il a 30 ans. Pour moi, cette chanson vient de tomber dans mon top 5 du moment. En fait, elle est en 1ère position !
Monogrenade, l’autre groupe québécois que nous affectionnons particulièrement avec Karkwa, est de retour en France, avec un album qui fait planer. Des cordes emballantes, Des notes de piano poignantes, les synthés qui titillent les planètes, la voix d’ange de Jean-Michel font de Composite un petit joyau musical.
Jean-Michel Pigeon, le leader du groupe, était de passage à Paris, heureux de retrouver les terrasses parisiennes pour un verre de vin au prix modéré (12 dollars canadiens à Montréal), accompagné d’un nouveau visage au sein du groupe, rayonnant et souriant, celui de Julie Boivin, violoniste.
Après une belle tournée française au mois de novembre dernier et une participation aux Francofolies 2015, Monogrenade est de retour à paris pour une date précieuse afin de vous emporter le coeur de l’autre côté de l’Atlantique ou tout en haut dans les airs. Cela dépendra de votre niveau de sensibilité affichée. RDV au CentQuatre le 15 juillet !
INTERVIEW
United States of Paris : Comment se passe la promo ? Jean-Michel : C’est plus facile de parler de cet album, car c’est un vrai concept à la différence du premier.
En fait, pour Tantalele concept c’était qu’il n’y en avait pas ! Il n’y avait que des chansons dépareillées réunies ensemble. C’est pour cela qu’on avait mis des méduses et tentacules pour montrer le côté bizarre de l’album.
Julie, comment s’est faite la rencontre avec le groupe ? Julie : En fait, on départ j’étais une fan, j’avais vu le groupe en show et nous avions des amis en commun dont Marianne Houle, la violoncelliste. Je suivais l’actu du groupe via sa page Facebook.
La rencontre s’est faite un peu au hasard, j’ai dû remplacer un membre du groupe. Jean-Michel avait besoin de quelqu’un de plus stable. Et la vibe était super bonne. On s’est très vite senti à l’aise. Et il m’a ensuite demandé de rester.
Jean-Michel, quel est l’atout de Julie ? Jean-Michel : Elle est jolie ! USofparis : Ca ne suffit pas ! Jean-Michel : Le public quand il voit un groupe sur scène n’imagine pas forcément tout ce qui se passe derrière, en coulisses. Y’a beaucoup de paramètres pour ça fonctionne : musicalement, humainement, disponibilité. Avec Julie tout s’est fait tout seul, alors que l’équipe était déjà bien en place. Ca nous a rajeuni l’esprit. On était une sorte de vieux couple, un couple usé.
Ca fait quand même 5 ans qu’on est ensemble ! Même si ce n’est pas long, c’est très intense le vie de groupe.
Dans quel mood étiez-vous lors de la conception de l’album ? Jean-Michel : Pour le 1er album, on était parti dans le Nord, dans un chalet pour s’isoler. On avait travaillé dans l’urgence.
Cette fois, on s’est dit : on se s’isole pas, on se donne pas une date. Et au final, la conception a duré un an. On a même fait des prises de son à Paris, en tournée et dans mon studio à Montréal. On a vraiment pris notre temps, ce qui rend l’album si unique.
Quel morceau est né à Paris ? Jean-Michel : Le Fantôme ! On a été invité dans un studio, mais on était léger en matériel. J’avais des petits bouts de chansons. Et au final, ça a été une vraie surprise de se retrouver avec une chanson, composée ici même.
Le morceau Composite a débuté ici aussi. Le piano, la basse et batterie ont été enregistré à Paris Et nous avons finalisé à Montréal.
Julie, quelles étaient tes impressions pour cet album Composite ? L’as-tu entendu comme une fan ? Julie : Je suis arrivée pour le lancement de l’album et pour les lives.
Et je suis encore fan de la musique que l’on fait. J’ai trippé plus avec le 2e que le premier. Je suis fan d’électro, de synthés et je trouvais que l’ensemble colorait vraiment bien l’album, avec les cordes. Y’a une belle cohérence dans l’album.
Quel est le mystère autour du titre Métropolis ? Jean-Michel : Nous avons 5 versions de cette chanson. La première date de la fin de Tantale, elle était minimaliste, juste électronique, avec seulement le refrain écrit. Après, nous avons fait une version hybride avec un peu de cordes. Ensuite, juste les cordes et la voix. Et ensuite, retour à l’électro en entrant dans un studio et découvrant plein de nouveaux synthés que je ne connaissais pas.
Et ce sont ces synthés qui ont donné la couleur de l’album.
Qu’avez-vous voulu dire dans cet album ? Jean-Michel : L’album traite de l’être humain. J’adore la psychologie et psychanalyser les gens. Julie : Jean-Michel sent les énergies, il y a quelque chose dans le feeling. Il comprend vite les gens. JM : La thématique, c’est la complexité des gens. Composite rappelle qu’on est composé de plein de paramètres : la génétique, l’environnement dans lequel on grandit, les choix qu’on fait. Ce tout nous modifie. Par exemple, j’ai comme eu une famille quasi parfaite, dans un village où tout le monde s’entendait. Une belle jeunesse. Arrivé à l’âge adulte, ça a été un peu une claque, j’était plus tout à fait adapté. Je ne veux pas être pessimiste mais je suis un peu déçu par l’être humain. C’est pour ça que je n’ai pas beaucoup d’amis.
L’accueil du disque est-il différent au Québec et en France ? Jean-Michel : Ce qui est marquant c’est que certains journalistes au Québec m’ont reproché mes textes. Je ne me considère pas comme un écrivain non plus. Mais un a même écrit que c’était de l’immaturité littéraire. Alors qu’en France, ceux qui ont écouté ont dit l’inverse, que les textes étaient beaux.
Une émotion qui est l’origine de ta carrière ? Jean-Michel : J’ai commencé dans un groupe anglophone en tant que guitariste. On faisait beaucoup de tournée, en van. On faisait beaucoup de spectacles tous les soirs. Et j’ai comme ressenti l’envie de me consacrer à ma propre musique. Le fait de voyager, de rencontrer des personnes, d’interpréter ses chansons, je trouvais que c’était un bel accomplissement. Julie : J’ai commencé à l’âge de 5 ans le violon. J’ai toujours eu des facilités. Je ne jouais pas 6 heures par jour, mais plutôt 2 heures et je faisais autre chose à côté. La musique fait partie de ma vie, c’est naturellement que j’ai fait des études sur ce sujet. En parallèle, j’écoutais la radio, j‘aimais la grosse pop, le RnB et Christina Aguilera. En fait, je pense que j’aurais aimé être chanteuse !
Un moment fort avec le groupe ? Julie : Le lancement de l’album au Québec ça m’a touché. On avait beaucoup répété le live, mais on ne savait pas vraiment quelle direction donner pour nos concerts. Et on avait rendez-vous dans une grosse salle pour le tout premier concert :La Tulipe à Montréal. Y’avait une tempête de neige dehors, on s’est dit qu’il n’y aurait personne et puis on est arrivé et on a vu la salle comble. C’était mon premier vrai show avec Monogrenade. Impressionnant. JM : Ca faisait longtemps qu’on avait pas vu le public. Tout le monde était gentil ! Sur scène, ça marche toujours. On peut se chicaner avant et une fois sur scène, tout roule. Avec deux, trois bières après le concert : on retombe dans les bras les uns et les autres.
Dernière anecdote ? Jean-Michel : Au Québec, on se fait toujours comparer au groupe Karkwa, c’est devenu presque récurrent. C’était même devenu une blague. On a fait la rencontre des membres du groupe à Paris. Lors de notre balance, ils sont arrivés pour nous saluer.
MONOGRENADE, nouvel album Composite Atmosphériques
MONOGRENADE en concert
aux Francofolies de la Rochelle, le 12 juillet
à PARIS le 15 juillet au 104