Vanessa Carlton était de passage à Paris pour un concert à la Flèche D’Or le 17 mai pour présenter son album Liberman. 12 ans qu’elle n’était pas revenue en Europe, c’était donc un évènement. Les fans l’attendaient nombreux devant la salle quand nous sommes arrivés. Nous nous sommes faufilés jusque dans sa loge pour rencontrer l’interprète culte du tube mondial A Thousand Miles, quelques heures avant sa montée sur scène.
INTERVIEW SELFIE – Vanessa Carlton
UsofParis : Cela fait 12 ans que tu n’es pas venue en Europe, es-tu nerveuse de revenir après tant d’années ? Vanessa Carlton : Honnêtement, la seule chose qui m’ait donné envie de revenir est de présenter quelque chose de nouveau. Ça fait tellement de bien de jouer cette musique. C’est probablement la musique la plus authentique que je n’ai jamais faite. C’est une réflexion de ce que je suis maintenant. Je pense que c’est merveilleux d’avoir l’opportunité de revenir avec cet album. Je suis très contente de jouer ici.
Ta musique est vraiment différente maintenant, comment as-tu travaillé sur cet album ? Je pense que cela a commencé avec ma collaboration avec Steve Osborne en 2010. J’ai beaucoup appris avec lui, son ingénierie et le sonique. Sur ce que je voulais être aussi. J’ai appris beaucoup en le regardant. Sur Rabbits on the Run, il y a la chanson Hear the bells et quand j’ai écouté les sons je me suis dit que je voulais aller dans cette direction pour la fois d’après. Rabbits on the Run, c’est le premier album que j’ai fait hors des majors et labels. C’était la première fois que je me sentais libre de faire ce que je voulais faire.
Donc tu n’étais pas libre avec ton premier album ? Ma tête était dans le sable. J’étais obligée de travailler avec certains producteurs car sinon les labels me lâchaient. J’ai essayé d’exercer le plus de pouvoir que je pouvais. Mais ce n’était pas facile. Tout était dans les compromis.
Lors de tes concerts, chantes-tu les chansons du passé ? Je chante seulement une chanson : A Thousand Miles, en tout premier. Je dis “Let’s get this out of the way”, je la joue et puis « Let’s start the show!»
Le concert est basé sur mes deux derniers albums. Si les gens partent et ont aimé le show, c’est bon. Mais si les gens partent et se disent « j’aurais voulu plus de vieilles chansons » ce n’est pas bon parce que je suis passée à autre chose.
Pourquoi avoir donné le nom de ton grand-père à ton album ? C’est son vrai nom.
Derrière moi, pendant le concert, il y a une peinture. Cette peinture, ma grand-mère me l’a envoyée après la mort de mon grand-père. Les couleurs sont incroyables. J’ai écrit Liberman chez moi à New York, et quand je suis assis à mon piano, tout ce que l’on voit c’est cette peinture. Pour moi, c’est comme si j’avais écrit les couleurs de cette peinture. J’ai traduit la palette visuelle en musique. C’est ce que je ressens. Il y a 50 ans, il a changé son nom pour Lee. Il avait un showroom et il pensait qu’un nom un peu plus exotique ferait vendre. Je voulais remettre en lumière son vrai nom qui est aussi le vrai nom de ma famille.
Quel est ton dernier coup de cœur musical ? J’écoute beaucoup Bill Withers. C’est enregistré d’une façon incroyable.
Quel est le dernier concert que tu as vu ? Deer Tick. Mon mari est dans ce groupe et c’est le dernier concert que j’ai vu. Ils ont joué plusieurs fois à Paris.
Ton duo rêvé ? Je pense qu’on a ce genre de rêve avec mon mari : de faire un album de duo. Quelque chose de hippie. Ce serait cool, on pourrait faire des shows ensemble et avoir la famille avec nous.
Alors en pleine répétition de titres exclusifs, aux Red Bull Studios à Paris, et entre deux séances photo, la beauté californienne, Brisa Roché, nous a dévoilé les coulisses de composition et de production de son tout dernier album, Invisible 1.
Ne cherchez pas la raison de ce titre dans les lignes qui suivent, nous n’avons pas posé la question.
En revanche, ouvrez les yeux pour découvrir la liberté folle de création de cette artiste aussi exubérante, touchante que génialement inspirée, qui sera en concert au FLOW (Paris), le 7 décembre.
INTERVIEW
Avant de parler d’Invisible 1, quelques mots sur ta participation à la BO du film Yves Saint-Laurent ?
Je fais des musiques de films depuis longtemps. Avec ce projet, bien sûr, plus de monde a su que j’en faisais. 🙂
J’aime écrire pour d’autres artistes, écrire à partir d’un brief, d’images. C’est bien aussi de ne pas toujours suivre ses propres goûts, envies et d’être au service d’un autre.
L’album a beaucoup d’expérimentations, où j’ai justement dépassé mes propres goûts. Où j’ai fait abstraction de mes univers…
Pour Yves Saint Laurent, j’ai écrit pour des périodes distinctes, à partir du scénario. Et je n’avais aucune garantie que mes chansons soient toutes retenues.
Pour moi, les deux morceaux qui n’ont pas été retenus sont ceux qui étaient les plus intéressants. Mais je faire quelque chose avec.
Comment as-tu conçu Invisible 1 ? Que signifie « produit entre Paris et la Californie », comme on peut le lire dans le communiqué de presse ?
C’était une sorte de jeu avec moi-même. Et ça n’a pas débuté comme un album mais plus comme un projet. Je reçois régulièrement des pistes (propositions de musiques) de compositeurs, ingé son, amis… Parfois les morceaux sont bien, d’autres pas à mon goût…
Je me suis dit d’accepter, exceptionnellement, tout ce que l’on m’envoie et d’écrire dessus. Et voir comment je peux m’approprier des choses, mêmes éloignées de moi. Pourquoi, par exemple, me priver de hip-hop et R&N même si ce n’est pas ma culture ?
J’ai demandé que l’on ne m’envoie surtout pas de pistes séparées. Je ne voulais pas pouvoir bricoler.
Je pouvais faire tout ce que je voulais car installée dans mon home studio.
Sur combien de morceaux as-tu conçu ?
J’ai fait 40 morceaux. J’ai craqué sur un compositeur qui m’avait envoyé un morceau et du coup on a fait un album de 17 morceaux ensemble, entre temps.
Des 40 morceaux, j’en ai extrait une quinzaine de titres que j’ai mixé avec Versari.
Et après, j’ai filé aux États-Unis. J’ai reçu d’autres propositions de pistes en Californie et j’ai quand même continué à écrire sur certaines.
Y’avait un max d’univers qui partaient dans tous les sens. Marc Collin, mon coproducteur, a écouté l’ensemble des titres mixés et non mixés.
Quelle est la chanson la plus barrée, la plus folle ?
Elle n’est sûrement pas sur cet album. Marc et moi avons choisi les morceaux les plus accessibles.
Mais en terme de conception, pour certaines chansons, j’ai enlevé la musique d’origine complètement. J’ai enregistré les voix à partir de la piste reçue et après j’ai enlevé la musique pour en refaire une inédite, sans que les personnes avec qui je travaillais entendent le son d’origine. Et je pouvais ensuite à partir de la nouvelle musique, rajouter une nouvelle couche de voix ou réajustement. Sans oublier, l’étape d’arrangement qui suivait. Night Bus et Late Accentqui ont eu cette espèce de process « lego » où t’enlèves le bas, tu remets le haut et tu enlèves à nouveau le bas… Et c’est extrêmement kiffant.
Deux chansons m’ont vraiment accroché à la première écoute : Late Accent et Diamond Snake. Quelques mots sur Diamond Snake.
La chanson ressemble pas mal à la piste d’origine que j’avais reçue. Le morceau était dur à arranger et mixer car j’avais mis une tonne de voix, et il en reste encore. Mais on a beaucoup « cleané ». Je trouve ce morceau un peu R&N teenager et ça me plait.
Et ce qui est drôle : FIP a choisi ce titre !
C’est une chanson prise de pouvoir féminine sur l’homme. « Je n’arrive pas à savoir si t’es un serpent fait de diamants (un sexe dur) ou si t’es un lâche (car tu refuses de te redresser) ». C’est un peu méchant mais aussi drôle.
Beaucoup d’hommes se sont penchés sur ton album. Peux-tu nous présenter les principaux ?
Il y a les 13-14 compositeurs qui m’ont envoyé leurs pistes. Après on a passé un temps fou à mixer avec Versari. Ça fait déjà 2 couches d’hommes.
Après, il y a eu la recomposition de musique, une chanson faite par Versari et une autre par un autre homme. Nouvelle couche.
Après Marc a eu l’idée de Thibaut Barbillon et Blackjoy. Je n’aurais jamais pensé faire appel à Blackjoy alors que j’aurais pu penser à Thibaut et j’ai trouvé l’idée géniale !
On entend bien leur patte et les arrangements de chacun.
Thibault a apporté surtout les montées, les arrangements de fin qui n’existaient pas avant. Et Blackjoy a apporté tout ce son nostalgique dans le bon sens, funk en référence à Prince, Michael Jackson et ses amis musiciens aussi. Tu sens la chaleur de leur amitié.
Même le “masterer” a eu un boulot complet car il a fallu qu’il rassemble les sons.
Et mon éditeur qui s’est battu pour cet album existe.
Quel est le décor le plus original dans lequel tu aies enregistré ?
Dans une yourte, avec un générateur installé plus loin, dans le Nord de la Californie. Et aussi en Espagne, sur un rocher, dans une maison dont une fenêtre donnait sur la mer. J’avais installé mon matos dans la partie fenêtre en pierre très épaisse. Au milieu de nul part.
J’avais même enregistré un album entier dans un studio sans électricité, à côté de chez mes parents.
Quand tu es en Californie, qu’est-ce qui te manque de Paris ?
Ma carrière, les gens qui font partie de mon réseau, les gens qui me connaissent et qui me sollicitent. C’est l’humain qui manque.
Paris aura toujours un aspect romantique pour moi. Elle est remplie de couches de vécu, de moments forts, la pierre.
Que Paris soit une ville très européenne me touche toujours autant. J’ai vécu dans un milieu très rural. Même une grande ville américaine a un aspect excitant pour moi.
Quand tu es à Paris, qu’est-ce qui te manque de ta Californie ?
La décontraction physique.
Ce qui me manque et aussi peut m’agresser, c’est le féminisme, très à gauche. On n’a pas la pression d’être mince et sans poil, du maquillage. On peut faire du vélo en pyjama sans que ça choque.
Une chanson pour faire une déclaration d’amour ? Poison Cupde M. Ward. Un morceau très émouvant.
Une chanson pour s’évader ? Pour quitter Paris ?
Du folk, Kate Wolf. A peu près tout de Kate Wolf.
Nous avons rencontré Élise Noiraud, auteure et interprète de Pour que tu m’aimes encore, à la sortie de son spectacle, joué jusqu’au 25 juin, à la Comédie de Paris. Chevelure bouclée et large sourire, la jeune femme a l’écriture fine et de l’énergie à revendre.
INTERVIEW
USofParis : Dans ton spectacle, on est émus, parfois aux larmes, mais on rit également beaucoup. Dans quelle catégorie devons nous le mettre ? Élise Noiraud : C’est un seul en scène, avec un texte de théâtre. Ce n’est pas un one woman show comique, avec une blague à chaque réplique. Il jongle entre l’humour et l’émotion, avec parfois quelques répliques noires. C’est important de mêler les genres, je travaille sur comment l’intime rejoint l’universalité. Ça ne peut pas être que triste ou que comique. Je veux que le texte fasse effet de miroir à la réalité de tous.
Quelle est la part de vérité dans cette histoire ?
Tout est vrai et faux en même temps. Les personnages et les situations viennent de ma vie, mais tout est circonscrit pour qu’ils deviennent de la fiction. La prof de sport existe, par exemple, mais elle n’avait pas le même nom et n’avait pas réellement ce comportement. Je ne cherche pas à coller au réel, mais à donner une sensation de réel.
C’est jubilatoire de faire ce spectacle. Je m’amuse, ce n’est jamais douloureux pour moi. Les comédiens qui souffrent sur scène parce qu’ils parlent d’eux-mêmes de façon très introspective, c’est pénible à regarder.
Les femmes dans l’humour sont de plus en plus nombreuses. Elles osent se lancer sur scène. Que se passerait-il si elles devenaient majoritaires ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas sûre que ça change quelque chose. C’est un texte et la façon de l’interpréter qui font le spectacle, plus que le sexe de la personne qui le joue.
Quel est ton entraînement pour avoir une telle forme sur scène ?
C’est effectivement très sportif. Au début, j’ai eu un peu de mal. J’étais épuisée. Mon sport, c’est le théâtre. Je bois beaucoup d’eau et je fais attention à ce que je mange. Je ne suis pas très sportive mais j’aimerais m’y remettre. Désolée, je n’ai pas d’autres conseils forme pour les lecteurs ! Mais on peut parler cheveux et maquillage si tu veux !
Que dit ta famille de se voir racontée dans tes spectacles ?
Elle sait que c’est du théâtre et de la fiction. Elle ne le prend pas mal du tout. Ce n’est pas violent, j’essaie de retranscrire l’expérience de grandir. Mais il évident qu’il faut passer des barrières quand on fait des trucs un peu autobiographiques, sinon, tu restes toujours un peu frileux. C’est compliqué d’être l’enfant de quelqu’un. Ici, l’ado ne critique pas sa mère, elle ne la juge jamais. Elle veut juste sortir de sa bulle familiale.
Ton spectacle est la suite de La Banane Américaine, il faut s’attendre à un troisième spectacle ? Pour que tu m’aimes encore ne succède pas exactement à La Banane Américaine. C’est une suite mais la démarche d’écriture est différente. On peut voir les deux spectacles indépendamment l’un de l’autre.
Cela dit, plus je joue, plus j’imagine une suite. Mais j’ai d’autres projets en parallèle. Je joue actuellement une adaptation des Comtes du chat perché, de Marcel Aymé, au Théâtre Lucernaire (jusqu’au 29 mai, NDLR) et j’ai envie de créer des spectacles, de faire de la mise en scène. Il faudra donc être un peu patient.
Le tout premier extrait de Colors, de Samba de la Muerte, nous a fait l’effet d’une déflagration, dès la première écoute. You’ll never know when I lie allait être le tube qui nous accompagnerait ce printemps pour tout à la fois quitter Paris, retrouver le calme, se tremousser sur notre vélib’ ou gueuler en silence dans notre rame de métro.
Samba de la Muerte est le projet solo d’Adrian Leprêtre, après une aventure folle avec Concrete Knive. Il nous embarque sans passeport dans un trip musical, métissé, chaloupé, rayonnant.
Pieds nus sur scène, Adrian galvanise son public en donnant toute la charme d’énergie, sans aucune retenue, ni feinte. Le cheveu est trempé à sa sortie de concert et le public totalement emporté.
INTERVIEW SAMBA DE LA MUERTE
UsofParis : Retour rapide sur ton passé. Qu’as-tu appris avec Concrete Knives scéniquement et musicalement ? Xavier : Scéniquement : tout, je pense, à peu près. A part le fait d’être en avant sur un projet. Sur Concrete Knives, j’étais plutôt en arrière avec mes claviers et mes babioles. Donc ce n’était pas la même pression, c’était plus facile à aborder comme concerts. Après j’ai grandi avec ce projet depuis le lycée et jusqu’à maintenant, ça va faire 8 ou 9 ans que ce groupe existe. Ça m’a permis de faire Samba de la Muerte. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans ce projet-là de toute manière. Ça m’a permis d’écrire des chansons en rentrant chez moi, de retour de tournée. D’être inspiré, d’avoir envie de m’exprimer différemment et d’avoir des choses à raconter.
As-tu tiré des énergies du live pour créer certaines de tes chansons ? Je ne pense pas. En fait j’ai été surpris par la manière dont je me suis comporté sur scène avec Concrete. On m’a toujours dit que j’étais un peu le cinglé du groupe, sur scène en tout cas. C’est la même chose dans Samba. Même si dans Concrete, on était tous les six énergiques. Du coup, ça existe encore dans Samba.
Pourtant, au début quand j’ai commencé c’était plutôt folk et très calme. Je pense que c’était le contre-pied. Et, au fur et à mesure, je suis revenu au début (à mes premières amours).
J’ai vraiment un faible pour L’Aber. Ce titre est vraiment accrocheur, dès la première écoute. J’ai fait « repeat » plusieurs fois. Qu’est-ce que tu peux me dire sur sa création, son écriture ? Je l’ai écrit en rentrant d’un séjour dans le Finistère : l’Aber Wrac’h, c’est une espèce de fjord qui rentre dans les terres. J’ai passé trois jours là-bas sur une île. A ce moment-là, j’ai commencé à écrire ce texte en français. J’avais déjà cet instrumental Afrobeat. Je voulais vraiment faire un morceau dans ce style avec un batteur qui sait jouer cette musique là. J’ai écris ce texte qui sonnait hyper bien. Puis les cuivres sont arrivés pour faire quelque chose d’un peu dansant à la manière de Fela Kuti, mais sur un format plus pop, assez court.
Ce morceau est né de ce séjour dans le Finistère… Entre le Finistère et le Nigéria…
Et scéniquement, il prend aussi ? Il doit prendre un peu. Il y a une plus longue intro, la batterie qui joue ce rythme et du coup on laisse durer car le morceau commence sur la fin d’un autre. Il y a un enchainement et après le chant rentre. Et puis on n’a pas pu faire les cuivres sur scène alors on les a remplacés par d’autres trucs encore plus énergiques.
Quelle est la chanson la plus personnelle de cet album ? Si on parle de personnel par rapport à ma vie, c’est Don’t let go ou Colors. Ça dépend. Don’t let go est une chanson pour ma grand-mère et Colors est sur mes parents. C’est assez personnel.
Avant, il y avait des histoires d’amour, il y en a encore. Mais cette fois, j’avais plus de choses à raconter qui ne tournent pas autour de moi, qui sont plutôt des visions que j’ai du monde. J’ai voulu parler de ce monde actuel qui ne fait pas rire mais avec de l’espoir quand même derrière et une musique assez lumineuse.
Oui, musicalement c’est plein d’espoir, ça donne envie de danser… Après, je n’ai pas voulu dénoncer non plus en disant « ça c’est pas bien… c’est pas bien la guerre ». Mais j’ai vraiment été touché par des évènements. Les paroles parlent souvent de quelque chose d’assez précis mais c’est dit d’une manière que tout le monde peut le prendre pour soi, ça peut devenir quelque chose de très personnel.
J’avais envie de donner beaucoup d’espoir dans ma musique mais tout en pensant aux gens qui souffrent. Essayer de faire quelque chose avec la musique, car personnellement, je ne sais pas trop quoi faire à part en parler et penser à eux quand j’écris de la musique et quand je joue ces morceaux.
La musique, c’est un engagement pour toi ? Oui. Je pense que ça passe par là. Quand j’étais petit, j’allais beaucoup voir des concerts, j’ai toujours été touché quand je voyais des groupes sur scène car ils avaient quelque chose à dire au public, à partager. Et moi ça m’a marqué. Je trouve qu’aujourd’hui que ça ne se fait plus trop.
J’essaye parfois d’en parler un peu mais c’est toujours compliqué de prendre la parole. On est sur scène, on a la chance de pouvoir le faire et quand les mots viennent je n’hésite pas.
Quelle est la chanson la plus barrée de Colors pour toi ? Dans l’album, la plus compliquée a été You’ll Never Know When I Lie parce que c’est la seule qui a été faite à quatre, avec la formation live. On l’a enregistré à partir du morceau joué sur scène. Donc pour l’album ça a été très compliqué. Et c’est sans doute la plus folle en concert en tout cas, celle qui marque les gens.
On a sorti un clip, que j’ai coécrit avec le réalisateur, dans lequel j’avais vraiment envie de faire ressentir ce truc où, nous, on perd vraiment pieds. On en parle comme ça entre nous, elle nous fait vraiment partir loin, une sorte de violence et de rage.
C’est vrai qu’on a envie de courir…
Après il y a aussi The beat qui est faite pour lâcher prise. On a plutôt des morceaux faits pour penser à autre chose.
L’écriture est facile pour toi, que ce soit en français ou en anglais ? Ça vient souvent de manière un peu spontanée comme la musique. Pour le français, j’écris les textes tout seul. L’anglais c’est un peu plus difficile pour moi. Je bosse toujours soit avec Corentin Ollivier, qui joue de la guitare dans le groupe, soit avec un autre ami de Caen qui m’aide à mettre ensemble tous les mots que j’ai dans la tête et que ça fasse quelque chose de censé.
L’inspiration vient souvent d’un voyage, ou d’un événement dans ma vie, d’un livre que je viens de lire. Du coup ça vient souvent spontanément si j’ai déjà le morceau en tête. D’ailleurs il faut déjà que j’ai écrit le morceau et après je vais me dire « là il faut des paroles » et ça vient souvent assez naturellement.
Tu peux me citer une émotion scénique, forte et récente, que ça soit en tant qu’artiste ou en tant que spectateur. Le dernier c’est LA Priest, un anglais, que j’ai vu en Islande lors du festival Iceland Airwaves. Depuis, je l’ai revu trois fois, à Paris et à la Route du Rock (version hiver). En Islande, il a retourné une salle de 1 000 places, tout seul à 1h du mat. Son album est incroyable.
Et une claque musicale récente que t’écoutes dans ton tour bus ? Tout à l’heure, j’ai mis Porches, ce sont des Américains que j’ai découvert aussi à Iceland Airwaves. Ce n’est pas du tout la musique que j’écoute normalement mais je trouve leur album Pool merveilleux.
C’est très froid. Ça pourrait être un mélange de coldwave et de pop avec beaucoup de synthés, mais il y a un truc dans cet album qui est magnifique. C’est plein de poésie.
Exclu : la question d’un autre artiste !
Radio Elvis : Est ce que la synesthésie peut être considérée comme une qualité artistique ? Je ne connais pas ce pays, ni ce groupe. 😉 Pour moi, la qualité artistique essentielle c’est la diversité !
Une Romance Sauvage comme celle des Épis Noirs, on en voudrait une dose au moins une fois pour semaine. Sur la scène du Théâtre du Chêne Noir à Avignon : ça sautille, ça hurle, ça chante. Un couple s’aime, s’adore à la déraison, se trompe, se quitte dans un cocktail délirant de rires, de bons mots et d’émotions pures. Ivresse de l’amour et fantaisie musicale : un pur régal !
Pierre Lericq, formidable conteur et séducteur devant l’éternel, adolescent passionné par l’amour, nous revient avec sa plus fidèle partenaire, Manon Anderson, la fausse ingénue, Manon l’intrépide, Manon yeux de biche au cœur débordant, mais surtout Manon et son tambour… Quelle folie !
Dès les premières minutes du spectacle, on retrouve l’esprit du fantastiqueFlon Flon, le spectacle culte des Epis Noirs – repris cet été à Avignon. La voix suave de Pierre et la folie de Manon n’y sont pas pour rien.
A son habitude, Pierre armé de sa guitare, costume noir et chemise blanche, plante le décor, joue sur les mots et présente les personnages. Malgré l’annonce du mariage imminent des deux protagonistes, on sent bien qu’il va y avoir des péripéties. Ne serait-ce que parce que le spectacle dure 1h15.
Les références au paradis perdu, à la pomme et au serpent, dans la première chanson va vite donner raison à notre intuition.
“Mon corps défendant“
Dans cette histoire d’amour intemporelle, pas de téléphone portable, ni de mail. Les “je t’aime plus, je te quitte” s’expriment en lettres manuscrites accompagnées d’une jolie enveloppe rose, avec des post-scriptum qui mériteraient de leur casser la gueule. Ça fait mal. La jolie Manon morfle alors que Pierre fait le pan avec une autre. Après l’amour, le désespoir et la haine : pour notre plus grand bonheur.
Et c’est terrible de rire au dépend d’un cœur brisé, de s’amuser du très mauvais esprit d’un jouisseur de la vie comme Pierre. Il ne mériterait même pas que l’on s’attarde sur lui… Et pourtant
Les chansons qui accompagnent ce récit sont de vraies pépites chargées de poésie, de décadences parfois et d’un parfait talent d’écriture. Le spectacle a un rythme infernal, on n’a d’yeux que pour ce duo; d’un bout à bout de la soirée.
Dans cette Romance Sauvage, rien n’est tout à fait dramatique, rien n’est tout à fait sérieux, mais la larme peut pointer facilement au coin d’un œil, voire deux.
INTERVIEW dans la loge des ÉPIS NOIRS !
UsofParis : Manon, tu reviens aux Épis Noirs, après 5 ans d’absence. Tu avais besoin de cette pause pour retrouver l’énergie ? Manon : Je pense que c’est toujours bien de partir. On ne pensait pas spécialement recommencer ensemble. Il s’est avéré que l’on s’est retrouvé. On s’était dit « on s’arrête là » et puis je suis allée faire ma route. Ça fait du bien de pouvoir aller travailler avec d’autres gens. J’ai travaillé pas mal avec des chorégraphes, beaucoup en danse et du théâtre. J’avais toujours travaillé avec Pierre et travailler avec d’autres gens c’était très enrichissant. Et je suis donc plus riche en revenant.
Comment se sont faites les retrouvailles ? Manon : C’était pour le film Festin, Pierre m’a proposé de venir jouer un rôle. Il y avait douze femmes. Il s’est dit qu’il ne pouvait pas ne pas me demander. Les retrouvailles se sont passées tout doucement.
Vous retrouver pour Romance Sauvage, c’est comme au premier jour, c’est le même plaisir ? Pierre : C’est le même plaisir et même plus, d’ailleurs. Il y a plus de plaisir parce qu’il y a moins d’égo, on se connaît. Donc on est là pour défendre un spectacle. On est moins sur nous-mêmes. On est là tous les deux pour que le spectacle se passe bien. Ça ne veut pas dire qu’avant on ne l’était pas mais je pense que j’étais plus soucieux d’une reconnaissance. J’étais plus tendu. Maintenant, on fait un spectacle pour dire ce qu’on a à dire. Et après ça plait ou ça ne plait pas, on est moins là-dessus, sur une tension. On se laisse une part plus importante pour jouer vraiment ensemble.
Trois adjectifs pour décrire votre partenaire de jeu ? Manon : Myope… C’est pas vrai ? Pierre : Non c’est pas vrai ! 🙂 Manon : Créatif… généreux… dans sa création. Par exemple, pour ses douze femmes il a quand même écrit douze solos.
Et euh… Mégalo… non, pas du tout… 🙂 Manon : Féministe Pierre : Généreuse… entière et puis idéaliste.
Avez-vous une anecdote de scène avec les Épis noirs, un ratage…? Manon : Nous avons joué pour EDF et nous avons eu une coupure d’électricité… Le responsable n’en revenait pas. C’était dans une salle dans Paris où ils avaient fait venir tous les gens d’EDF. Et là une coupure d’électricité pendant le spectacle. On a joué 5 minutes sans électricité et on a attendu que ça passe. Et c’est revenu !
Qu’est-ce qu’il a de plus que les autres ce spectacle, Romance Sauvage ? Manon : Il va vraiment à l’essentiel et on a une énergie décuplée même si on n’est pas autant sur scène que pour Flon Flon, on est que 2. Comment c’est possible ? Manon : On remplit autant la scène que si on est six. Comme si on était à l’Olympia. Pierre : C’est comme si c’était un renouveau pour moi. On revisite tous les Épis noirs parce que c’est le fait d’être à deux. C’est vraiment quelque chose de différent. Quelque chose qui est plus. Je ne sais pas si c’est plus car on est quand même moins… C’est un plus d’être moins !
Qu’est-ce qui fait que la chanson A mon corps défendant soit si particulière, qu’elle soit reprise dans ce spectacle ? Manon : C’est une belle chanson pour une femme, pour la liberté.
J’ai l’impression de retrouver toujours un peu le même Pierre sur scène : expansif, excessif. Pierre : Oui. Il en fait toujours trop, c’est une sorte de Don Quichotte. C’est mon clown. On garde son clown toute sa vie, je crois. C’est celui qui vient, qu’on travaille, qu’on essaye d’amener dans d’autres situations. On a toujours le même clown, en tout cas dans notre travail à nous. Mais je pourrais très bien jouer dans Hamlet.
Quel personnage ? Pierre : Hamlet ! 🙂
Il y a quelque chose d’adolescent dans ce personnage, jeune amoureux fougueux, irréfléchi. Pierre : C’est un personnage qui est très enfant. Il y a de ça. Et puis c’est très romantique, dans le sens du romantisme ! C’est un peu Nerval : il ne voit pas les échelons. Ou il est tout en haut, ou il se casse la gueule.
Pourquoi il n’envoie pas un texto à la place d’une lettre pour rompre ? Pierre : Parce qu’il trouve que c’est plus courageux peut-être. Le texto c’est vraiment lâche. Au moins c’est écrit, à la plume… Lui, il le pense.
Et qu’en penses-tu ? Pierre : Que des fois on est tous un peu lâche. Mais non, généralement, je vais voir les gens. J’essaye d’affronter le plus possible mes démons
Comment garde-t-on l’énergie pour remonter sur scène chaque soir ? Pierre : C’est pareil. C’est une sorte d’enfance ou d’adolescence qui remonte, du romantisme. Donc c’est la passion, puis on monte sur scène et on n’a pas envie de retrouver ça mais de jouer avec cet enfant-là. C’est ça je crois, on joue avec notre enfant.
Le groupe Éléphant, composé de Lisa Wisznia et François Villevieille, nous avait charmés avec son premier album intitulé Collective mon amour, sorti en 2013. Le groupe est de retour avec Touché Coulé, l’occasion de rencontrer ce duo d’ex-(lovers) qui continue de vivre sa passion pour la musique à deux, mais jusqu’à quand ?
INTERVIEW
UsofParis : Comment garde-t-on une bonne entente et une cohésion de groupe quand on se sépare ?
François : C’est une bonne question. Lisa : On ne la garde pas tellement.
Est-ce que vous vous êtes débarrassés des conflits ?
Lisa : Je ne pense pas. Les conflits doivent disparaître longtemps après. On a fait ça à vif, à chaud et forcément ça coûte émotionnellement. Je crois que c’est Björk qui a fait un album sur la rupture et qui disait que c’était très dur pour elle. Nous, on essaie de garder la pêche et la banane, la salade de fruits 😉 mais c’est pas sans douleur.
Comment se motive-t-on à travailler encore ensemble ?
Lisa : C’est la passion pour l’art et la musique. L’envie de partager avec le public, c’est ça qui motive, c’est les autres, en fait. François : Je redresserai un petit peu les choses. Je pense que j’y suis pour beaucoup. J’ai mis beaucoup d’énergie dans ce projet, je l’ai beaucoup tenu tout seul. Je l’ai produit en huis clos, en passant des heures dessus. C’est un projet que je perçois comme mon chemin de croix. Lisa : Tu l’as fait pour les autres, c’est ta passion pour la musique. François : Non, je crois que je l’ai fait pour moi beaucoup.
C’est une libération la sortie de l’album ?
Lisa : Les gens qui nous suivent sur Internet, c’est très beau ce qui se passe. Ils écoutent l’album. Et je trouve ça fou en 2016 que des gens écoutent un album. J’ai l’impression qu’aujourd’hui on écoute un titre comme ça et qu’on oublie. On n’a que des beaux retours, on n’en avait pas eu autant pour le premier album.
Un message en particulier vous a touché ?
François : C’est sur les morceaux que les gens sont plus touchés, j’ai l’impression. Après, on rencontre souvent des gens qui ont encore notre premier album dans leur iPod et qui l’écoute tout le temps et c’est touchant.
Lisa : Hier, on a fait un concert au Nuba et il y a deux jeunes filles (russes) qui sont venues nous voir à la fin du concert en nous disant : « On vous a découvert en Russie », puisqu’on a fait une tournée là-bas. Ca marque certains spectateurs de nous voir. C’est fort !
Pouvez-vous nous parler du titre Deux mille quatorze ?
François : C’est une chanson que beaucoup n’ont pas compris. C’est une espèce de chanson instrumentale, assez particulière. C’est la vie d’un couple en accéléré, dans une année, schématisée avec trois mots.
Pourquoi a-t-elle été mal accueillie ? Lisa : On avait tellement proposé autre chose en amont… François : En fait, on nous parle pas du tout de ce titre. Ceux qui aiment Éléphant, aiment les chansons et les chansons qu’ils peuvent chanter. Le petit public du groupe est sensible aux mélodies et aux mots.
Dans votre bio, on peut lire “Il y a des beats infectieux, des cordes grandioses, et surtout beaucoup de poésie dans les paroles…”
Qu’est-ce qu’un « beat infectieux » ?
Lisa : C’est la journaliste qui a fait notre bio qui a écrit ça. François : C’est quelque chose qui nous rend complètement maboule et on se dit : « Oh la la ! C’est quoi ce beat ? »;-)
Il est où ce beat ? Dans quelle chanson ?
François : J’aime bien celui de On n’était pas, je le trouve super réussi. Lisa : Quand j’ai vu ça écrit dans la bio, j’ai pensé à Deux mille quatorze, Les espaces et les sentiments, Pas d’idées, « À nous deux, c’est assez présent. François : De toute façon c’est un disque de beatmaker, je l’ai fait vraiment comme ça. C’est un disque de producteur.
Et ça danse, en live ? Lisa : Oui, parce qu’on a envie d’emmener les gens là-dedans, donc on a axé le live là-dessus.
J’avais lu aussi Envie de virilité, j’aimais bien ce terme. Qu’est-ce qu’il y a de bad girl chez Lisa ?
François : Son côté ado. C’est pas vraiment une bad girl.
Qu’est-ce qu’il y a de bad girl chez toi Lisa ? Lisa : Je ne crois pas avoir un côté ado. J’ai un côté très brut, je dis les trucs. Quand ça me saoule je le dis. Je suis très honnête, mais du coup un peu vénère. Souvent on se moque de moi, on me dit que je suis une caillera. Mais ado, non ! Je bosse vachement mon côté femme.
Qu’est-ce qu’il y a de bad boy chez François ?
Lisa : François il est super vénère. C’est quelqu’un qui a la rage. C’est ça son côté bad boy. En fait, ce disque on voulait l’appeler La haine, et comme il y a eu les attentats, on a préféré changer. Mais c’était ça l’idée : la photo du baiser avec le titre La haine. François et moi, chacun à notre manière, on a la rage.
Et donc toi François, t’es bad boy ? François : Aucune idée. J’aime pas qu’on me dise ce que je dois faire. Je déteste l’autorité. Je pense que c’est un problème générationnel. Ce qu’on dit là, 99% de mes potes le disent aussi. On a envie de réussir mais personne ne sait ce que ça veut dire, on a envie de faire des choses mais on ne sait pas où cela va nous mener.
Comment s’est passée l’écriture des chansons ?
François : Je commence souvent beaucoup tout seul. L’écriture et la musique. Je fais écouter à Lisa et, sur certains titres, elle met plus la main à la patte sur la compo. Lisa : Je ne suis pas auteur-compositeur. J’apporte autre chose, mais ça n’a pas vraiment de nom. Je pense que si je pouvais avoir un métier dans la musique ce serait : aider les auteurs-compositeurs à débloquer les problèmes. Mais ça n’a pas vraiment de nom 🙂
Que vous a apporté Fabrice Dupont dans la composition ?
François : Il a essayé d’optimiser les choses. Par exemple, dans Le Tour du Monde, il y a un gimmick qui arrive au début puis qui revient au pont, lui a été capable de dire : « ce gimmick, c’est le même que le refrain, il va falloir le mettre dans tous les refrains ». Il est très rapide dans sa manière de mixer, de concevoir des structures. Je lui ai amené un puzzle, pratiquement fait à 80% et il a remis les choses dans l’ordre.
Est-ce qu’il y a eu un accident heureux lors de la conception de cet album ?
François : Le gros accident de ce disque, c’est d’avoir commencé la promotion par L’amour la haine. Ce n’est pas quelque chose qu’on voulait mettre en avant. Ça n’a pas vraiment plu et ça nous a obligé à revenir vers des choses plus positives avec Touché Coulé, et on a changé le nom du disque. Et comme on a mis plein de tunes sur un clip, on s’est retrouvé sans tune à devoir faire les choses à l’arrache. On s’est retrouvés à jouer dans le métro, on en a fait une vidéo qui a bien tourné. On a fait des reprises aussi.
Notamment Les espaces et les sentiments que tu avais écrit et composé pour Vanessa Paradis ? François : J’étais un peu frustré de la version. Lisa : Cette chanson, on la chantait déjà sur la tournée. François : Si, y’a eu un truc quand même, un peu de rage au ventre. J’ai senti qu’on parlait beaucoup de Benjamin Biolay sur le disque et pour moi la plus belle chanson du disque c’est celle de Mathieu Boogaerts. C’est pour mettre les choses dans l’ordre. J’aime beaucoup Benjamin, mais j’ai senti une petite injustice. Je trouve ça gonflé de la part des journalistes de s’être arrêté là.
Et pour toi Lisa, un accident heureux ? Lisa : Il y a un titre qui s’appelait Ô mon amour, et le refrain ça faisait Ô mon amour qui dure toujours on s’est séparé et ça a donné Adieu toujours. Les gens aiment bien cette chanson.
Qu’est-ce qu’il y a dans l’album de Sophie Calle ? Lisa : C’était plus dans la direction artistique du projet en lui-même. C’est au-delà de la musique. J’ai pensé le projet globalement. Ce disque est particulier parce que l’on s’est séparé en plein milieu. J’étais déjà imprégnée par Sophie Calle, par sa manière de faire de l’art avec sa vie. Le jour de notre rupture on était en Italie et il faisait très beau et j’avais déjà une idée de la photo que je voulais faire. Je voulais une photo de nos deux visages qui s’embrassent, et c’était le moment où jamais car on ne s’embrasserait plus. Du coup on a fait la photo ce jour-là.
Après, un premier clip a été fait dans le même délire (pour “Deux mille quatorze”). On a mis des caméras partout dans l’appartement, on a tout filmé en direct on ne savait pas ce qui allait se passer. Pour moi, c’est une manière d’envisager l’art. Et de mon côté je suis en train d’écrire un film, je sens que c’est vraiment ce qui m’inspire. Parler de soi.
Un souvenir de bonheur total musical ? François : De jouer notre album aux Bains. De jouer les nouveaux morceaux, c’était un super kif.
Pourquoi des reprises en parallèle de la promotion de cet album ?
François : On a vraiment envie de faire connaître notre groupe. Là on donne tout parce qu’on ne sait pas trop de ce que demain sera fait. On avait envie de montrer ce côté décalé qu’il y a en nous aussi. Lisa : Je ne crois pas que ça part dans trop de direction car ça reste toujours du Éléphant, c’est juste une autre manière de s’exprimer. La touche est là. C’est plus une manière de s’amuser.
C’est vous qui concevez la vidéo aussi ? François : On fait tout dans Eléphant. Sur ce disque personne n’est intervenu, il faut le préciser. C’est un disque très personnel.
Une chanson qui fait pleurer et que vous aimez écouter ? Lisa : La Rua Madureira de Nino Ferrer, qui fait pleurer et, en même temps, pas du tout. J’aime beaucoup les vieux chanteurs français. François : J’évite d’écouter des chansons qui font pleurer. Je crois que, globalement, je fais de la musique assez triste dans les accords et du coup, je crois que j’écoute beaucoup de chose qui me font du bien.
Elle me fait pas vraiment pleurer mais elle me touche beaucoup : La nuit je mensde Bashung.
Une chanson pour s’évader ?
Lisa : Césaria Evora, direct tu quittes Paris. François : Premier Gaou (Magic System)
Une chanson pour parler d’amour ? François : Premier Gaou, non je rigole.
Lisa : Tu te laisses aller de Charles Aznavour. Il dit qu’il est avec sa femme depuis plus de 40 ans, qu’il ne peut plus l’encadrer et, à la fin, il dit : « mais je t’aime ». Je trouve ça génial comme chanson d’amour, parce que c’est ça l’amour aussi, se supporter. François : Il y a une chanson de Drake que je trouve vraiment mignonne c’est Right Hand.
Un trio que vous aimeriez faire ? François : On s’est déjà posé la question et on ne sait pas répondre à ça. Lisa : On a fait autre chose à la place. On a fait une web-série qui va sortir bientôt, qui se passe dans notre studio. On a invité des Feat. Il y aura Benjamin Biolay, Bérengère Krief, Vincent Dedienne, Elie Semoun. On espère qu’il y en aura d’autres.
C’est le dernier album du groupe Éléphant ?
François : A priori, ça devrait être le dernier. Mais on ne sait pas. Lisa : En tout cas pour l’instant. Chacun doit faire sa route, mais on peut très bien envisager de travailler ensemble d’une autre manière.
4e journée de Printemps de Bourges 40e édition avec des titres rares voire inconnus d’un dieu de la chanson française, une fin de concert en bord de scène, une révélation aux yeux bleus et des ballons coeur, so romantic !
Sur la scène des Inouïs, un jeune homme en costume bleu – accordé à la couleur de son regard – n’a pas manqué d’attirer les pros et le public en tout début d’après-midi. NORD a charmé avec ses textes délicats et on peut facilement imaginer qu’il vivait, avec ce set, l’un des plus beaux jours de sa vie. En attendant son interview sur le blog, plongeons tous ensemble dans ce bleu intense. Les clones de Brigitte
Non, Brigitte n’est pas revenu à Bourges cette année. En revanche, Lucius, leurs clones (gémellité, frange et même couleur de cheveux) from New York ont déchargé leur pop débridée au sur la scène du W.
L’explosion capillaire
Autant le leader de General Elektriks est plutôt sobre, seuls ces 2 stylos dans la poche poitrine de sa chemise manches courtes peuvent dénoter, autant le bassiste et le batteur osent l’excentricité. Le premier inaugure le retour d’une valeur sûr en matière de mode capillaire : la crête. Et le second, offre un casque de cheveux incroyable.
“Je m’entraine depuis un an à ne plus faire ce genre de connerie !” Dionysos se sera offert trois soirs de pure intimité au Théâtre Jacques Coeur, cette semaine. Trois soirs au cours desquels Mathias Malzieu et ses acolytes n’ont pas pu tenir en place bien longtemps, tout comme le public qui n’a pas manqué de se lever de son siège.
En conf de presse, le leader du groupe est revenu sur sa condition physique après cette période d’hospitalisation et sa greffe : “le but est de ne pas me faire mal sur scène. Il y a 4 ans, lors du dernier Printemps de Bourges, je suis ressorti avec un claquage sur les deux mollets“.
Il n’a pourtant pas résisté à l’appel des hauteurs, cette année encore. “Avant, le slam était une fin en soi. Quand j’entrais dans une salle de concert, je ne pensais qu’à ça : comment aller le plus haut possible. A Bourges, ce n’est qu’une fois en bas que j’ai pensé à escalader le balcon du Théâtre.”
Dans cette tournée des “salles assises”, le groupe donne pleine mesure à son projet à “multiples entrées” : Vampyre en pyjama. Et nous réjouit à nouveau des réorchestrations et réinvention de ses tubes ancestraux : Giant Jack, Le ciel en sauce qui se finit en mash-up hommage à Nirvana au ukulele, Song for Jedi….
“Ne pas jeter un amour à la rue”
Au même moment, à quelques pas de là, au Palais Jacques Coeur – monument national – Dominique A donnait, pour une soirée unique, à entendre des titres rares, B-face, bonus et autre chansons écrites pour d’autres. Face à un parterre de 350 privilégiés, le chanteur s’est donné à la seule force de sa voix, de sa guitare et de sa pédale magique.
Malgré tout notre amour pour l’artiste, il n’a pas été si évident d’entrer tout de suite dans ce concert. Déroutant de ne pas pouvoir s’accrocher à un bout de texte ou à une mélodie connue. Bien sûr, la voix de l’artiste rassure mais il faut une attention plus particulière pour capter la pleine mesure de ces airs qui nous étaient inconnus.
Parmi les perles : Le vent des Sables, Le poids du monde, Tant que j’ai une ombre, La Vague…
Une chanson, La Douceur a été sauvée par un ingénieur du son à Londres alors que Dominique A était prêt à la virer. Une autre a été proposé à une dizaine d’interprètes, sans succès : “Ne pas jeter un amour à la rue.”
En revanche, on comprend, à l’écoute, que certains titres soient restés confidentiels à l’instar de Kitchen Room.
“Quand on est en festival, on est en mode colo”
Bain de jouvence avec Lilly Wood and The Prick au W. Prayer in C, le 2e titre du set, va faire entrer une vague spectaculaire d’ados et post-ados bercés par le remix à succès, multi-diffusé.
En groupe, la main dans la main, ils sont venus par grappes entières, bousculant tout obstacle pour danser avec frénésie. Sur When I want to be (California), les coeurs deviennent plus romantiques, un quatuor d’ados, 2 filles 2 garçons se lancent des défis et se bisouillent entre garçons et entre filles : cute ! Lovely aussi les premiers échanges pour mieux s’emballer, en début par un “t’as quel âge ?”
La bande-son de Lilly Wood est parfaite pour la génération Y qui picore chaque titre selon son mood du moment.
Le Printemps pour LWAT est d’autant plus symbolique qu’il est le premier festival de l’année pour le groupe et que Nili est présidente du jury des Inouis 2016. Impatient de connaître le palmarès.
Saut de génération avec The Liminanas, un couple, un groupe underground qui prend pleine lumière, grâce notamment, à sa nouvelle maison de disque Because. Lui à la guitare, elle à la batterie – c’est bien la première fois que nous verrons une batterie en bord de scène, au même niveau que la chanteuse. L’ambiance est pop acidulée. C’est frais, dansant et intemporelle.
Le Printemps de Bourges c’est encore deux jours de concerts samedi et dimanche !
ALA.NI a plus d’un tour pour faire chavirer une oreille, serrer un coeur et émouvoir un misanthrope.
Son album You & I est un hymne à l’amour, aux grandes envolées musicales, à l’intimité, entre Londres et Paris.
Avant de débuter l’interview, nous n’avons pas résisté à faire se rencontrer virtuellement Ala.Ni avec un jeune premier de la chanson française, Marvin Jouno. Ils se sont posé une question par caméra interposée.
INTERVIEW
UsofParis : Quelques mots sur ton tout premier concert vrai concert à Paris, au Carreau du Temple. Ala.Ni : C’est un tel plaisir de jouer devant le public français. Il donne tellement.
Je peux vraiment jouer avec lui, parce qu’il est vraiment impliqué.
Je joue avec lui, j’improvise. Comme au Carreau, où j’ai demandé aux spectateurs de me proposer des phrases. Je les ai eues 5 minutes seulement avec le concert. J’en ai choisi quelques-unes. Nous n’avions même pas de mélodie. Je me suis mis à la guitare et j’ai demandé à mes musiciens : « Qu’est-ce qu’on fait ? Majeur, mineur ?” Et on a joué cette chanson, totalement inédite. C’était ma première fois, à part un projet autour de la poésie il y a plusieurs années.
Je t’ai vue en concert pour la première fois à la Maison de la Radio. C’était complètement intense, une impression de comédie musicale, un autre temps (ton micro vintage)…
Es-tu réelle quand tu es sur scène ?
Une amie qui me voit sur scène me dit : « mais c’est la Ala.Ni de ma cuisine !». En fait, j’adore cuisiner chez mes amies, je suis une bonne cuisinière. Ce n’est pas quelque chose de conscient. Je ne cherche pas à être ou ne pas être la même personne chaque soir. Ce qui m’amuse, c’est quand mes amis disent : « tu es exactement la même personne, folle, barrée sur scène. » Je ne peux vraiment pas séparer mes 2 vies : la musique est la vie privée. Même s’il faut savoir aussi se protéger.
Comment expliques-tu l’adhésion de la presse française, l’amour du public français ?
Je ne sais pas. Peut-être parce que je suis passionnée. Je voulais signer ici, avec un petit label indépendant, à Paris. Quand j’écrivais les chansons, c’était ma première idée. Je savais que mon travail serait reçu ici et compris. Et je suis chanceuse que ça ait fonctionné. C’est merveilleux que mon rêve se soit réalisé et bien au-delà : avec l’exposition de mes photos. Ca n’aurait pas été possible en Angleterre. Et en France, c’est « bravo, brillant », parce que les Français comprennent l’art et le process de création. Du coup, je me suis dit : « Fuck! Je me barre, je quitte Londres. »
Es-tu différente quand tu es à Paris ?
Je peux faire tellement plus de choses ici. Je sens que je suis une « meilleure personne » (en français dans le texte). Parce que je suis moi-même, je suis libre. Et que les gens sont plus connectés.
Paris est aussi une chanson.
Oui, Paris Thing, une chanson bonus. Je l’ai écrite ici. C’est à propos de Paris, d’aimer être ici, de perdre l’amour ici, de se souvenir de l’amour…
Quelle est la chanson la plus personnelle de ton album ?
Elles le sont toutes ! :-)
Une, en particulier ? Darkness at noon a été dure à enregistrer, pour moi. Je l’ai laissée de côté un long moment, parce que c’était très difficile de la chanter. Mais ça dépend de l’humeur. La plupart du temps, j’adore chanter Old Fashioned kiss. Parce que j’adore embrasser. Certaines chansons sont aussi plus difficiles à chanter car les souvenirs remontent parfois en mémoire. Mais c’est toujours un plaisir de partager mes sentiments.
Quelles sont tes références ? Les journalistes citent Billy Holiday, Judy Garland…
Je n’écoute pas de musique, au sens moderne, c’est à dire avec téléphone, des écouteurs… Je laisse la musique venir à moi. Je n’ai pas de télé. Je n’aime que les radios musicales. Je suis passé devant un disquaire d’occasion avant notre rencontre et j’ai acheté des vinyles : Jessie Norman, de la chanson écossaise, du négro spiritual… Mais je ne suis pas du genre à ne pas savoir ce que fait Beyoncé. J’ai vu son dernier clip, Formation. J’apprécie le silence aussi. Le silence c’est de la musique aussi.
Mes références sont multiples. J’ai bien sûr écouté Judy Garland, Julie Andrews. J’ai chanté Over the rainbow quand j’avais 3 ans.
Quand as-tu décidé de devenir chanteuse ?
En fait, plus jeune, je voulais devenir médecin.
J’ai changé d’école et j’ai commencé la danse, le chant, le jeu. Et je me suis dit que sans doute chanter serait « plus simple » que tenter une carrière de danseuse. Je pense en avoir pris conscience vers 15 ans. Mais je ne me suis jamais dit : « je vais chanter ! ».
Qu’as-tu appris de Damon Albarn ?
J’aimais le regarder se jeter dans la foule. On se demandait chaque soir : « Va-t-il y aller ? Non, il ne peut pas y aller y’a un énorme trou entre la scène et le public. » J’adorais le regarder contrôler la foule. Il avait une telle force. Maintenant, je comprends, qu’il est possible de diriger le public : « tu veux aller par ici, allons-y ». Mais j’ai vraiment envie de me jeter aussi. J’ai failli le faire une fois à la Philharmonie. J’avais un public debout, exceptionnellement. Je me disais : « j’y vais ? j’y vais ? » Je chantais : « catching, cherry… » et j’avais envie de dire : « Rattrapez-moi, rattrapez-moi »
C’est sûr qu’un jour je le ferai. J’espère qu’il y aura au moins quelqu’un pour me rattraper. 🙂
Ton mot français favori ? “Rafraichissant !” 🙂
J’aime aussi “Apéro“: “it’s Friday, is it too early for apéro?”
Quelle chanson de comédie musicale aimes-tu chanter ?
J’ai un énorme répertoire dans ma tête, mais ce sont pas que des titres de comédies musicales. Un énorme juke box avec bien souvent aucun titre. C’est la musique qui importe.
Hier, j’ai écouté Where is the warmth? extrait de The Baker’s wife de Stephen Schwartz. Une très jolie mélodie.
Un lieu inhabituel pour un live ?
Quand j’ai été invité par la Blogosphèreà chanter dans la Chapelle expiatoire de Paris. C’était la première fois que je rencontrais l’équipe. Je n’avais aucune idée du tournage.
Quand je suis arrivée, j’ai vu le marbre et j’ai découvert une acoustique incroyable, avec un écho de cinq secondes. Une expérience inoubliable.
Je vais aussi tourner, en mai, un live pour Arte au Château de Fontainebleau, avec un orchestre. Je suis impatiente.
This is the Hello Monster! s’est transformé en Gérald Kurdian pour un premier EP au nom géométrique : Icosaèdre. Prémices d’un futur album prévu fin 2016 plutôt prometteur. Je l’ai rencontré dans un petit bar du 11e arrondissement, sa « deuxième maison », comme il dit.
UsofParis /Joan : Comment es-tu arrivé à la musique ?
Gérald Kurdian : J’ai étudié aux Beaux-Arts, j’écrivais beaucoup de textes et pour les lire je faisais des petits montages sonores avec des bruits que j’avais enregistrés, des sons que j’aimais bien, des petits instruments. Petit à petit, c’est devenu des morceaux, des objets de mon intimité, des cartes postales sonores. J’ai fait de la danse aussi et puis par la force des choses j’ai osé chanter en public. J’avais peur de ma voix mais je savais qu’il y avait quelque chose. J’ai eu du bol : une chorégraphe de danse contemporaine, qui bossait avec Katerine,a grillé un soir dans le studio que j’écrivais des chansons. J’ai enregistré un truc en 10 minutes et elle l’a filé à Katerine qui a dit que c’était pas mal. Et de rencontres en rencontres j’ai monté This is The Hello Monster! et j’ai assez vite trouvé une manageuse.
Du coup tu as changé de nom pour ce projet-là. Pourquoi ?
This is the Hello Monster! me permettait de me cacher. Déjà il y avait la langue, qui est la langue de mon père, une langue d’un type qui est une sorte de mystère « outre-atlantiste ». Ça me permettait aussi de traverser plusieurs expériences sonores sans me dévoiler, une sorte de prudence.
Pour ce disque il fallait être frontal et présent. J’ai des choses à dire qui sont claires.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de te dévoiler ?
Je me suis dit que dans la grande machine du spectacle personne ne saura jamais qui je suis et moi-même je ne le sais pas. Autant s’appeler soi et que cela devienne un jeu.
Comment est née ta collaboration avec Chapelier Fou pour cet EP ?
On s’était rencontré en tournée, sur un festival québécois. De Montréal à Rouyn-Noranda on a voyagé ensemble en voiture avec son ingé son et mon batteur. On a fait ces 900 km en riant beaucoup et en parlant musique. Quelques semaines plus tard il m’a proposé d’écrire une musique pour lui. On est devenu très amis et on a pas mal collaboré depuis.
Tu as tapé dans l’oeil des Inrocks, petite fierté ?
Je suis hyper content. Ça me rassure qu’un disque comme ça soit soutenu par ce genre de presse.
Parlons du titre de cet EP. Pourquoi Icosaèdre ?
C’est un exercice de diction. J’aime bien faire appel en général à la science.
Un Icosaèdre est un objet fascinant, qui du temps de Platon avait des vertus de sagesse. Il a le rapport au cosmos. J’aimais bien cette idée de forme synthétique, avec des facettes, chacune portant un aspect, mais qui font toutes parties d’un même objet, d’une cohérence.
La suite pour toi c’est un album ?
Oui il y a un album à venir, on cherche du soutien pour cela. Idéalement ce serait pour début 2017. J’ai les matières de morceaux, j’ai assez pour faire un disque. Il y a de quoi faire. J’ai trouvé un fil qui m’intéresse qui est ce mélange de textes et d’électronique que je trouve passionnant. Et j’ai envie de dire des trucs sur le corps. J’étais parti sur une sorte de vocabulaire du corps érotique, on va dire, et son rapport à la ville, aux espaces.
Je vais te poser les petites questions que je pose à chaque artiste que je rencontre.
Ton dernier coup de cœur musical ? Il y a un garçon que j’aime beaucoup, il s’appelle Arca. Il a bossé sur le dernier album de Björk. J’aime beaucoup ce qu’il fait et j’aime bien son rapport au silence.
Dans la scène française, Laura Cahen. C’est quelqu’un qu’il faut aimer car c’est un auteur réel, comme à l’époque. C’est Brigitte Fontaine dans les 70’s.
Le dernier concert que tu as vu ? (Il réfléchit beaucoup, car rien ne lui revient)
J’ai vu Radio Elvis et c’était cool.
Vu que tu es parisien, est-ce que tu as une bonne adresse food à nous partager ? J’ai le droit à un truc un peu cheap ?
L’endroit où je vais dans mon quartier c’est « 3 fois plus de piment », c’est un resto asiatique pas cher et c’est vraiment trop bon.
Je suis très mauvais en bouffe, c’est très secondaire pour moi.
Si tu ne vivais pas à Paris, où aimerais-tu vivre ? Là j’habite à Bruxelles en ce moment, je trouve ça vraiment cool, ça me rend très heureux.
J’aimerais habiter à Montréal, c’est la ville que je sens le mieux.
Ton endroit préféré à Paris ? Je crois que j’aime vraiment ce bar. J’habite vraiment pas loin et j’ai tout vécu ici : des amours concrétisés, des ruptures, des amis. Je suis déjà venu en chaussettes, le barman m’a vu dans tous les états, j’ai pleuré, j’ai ri, j’étais ivre mort dans ce bar.
C’est ma deuxième maison. Par contre j’ai un problème, ils ont refait le bar avant il était en zinc et ça sent le neuf donc ça me gêne. Je me concentre sur le carrelage maintenant.
Pony Pony Run Run c’est de la générosité en barre.
En musique, parce que le groupe composé de deux frérots Gaëtan et Amaël, nous agrippent le col avec un nouvel album gorgé de mille influences dépaysantes, exotiques, imperceptibles qui font de leur électro un moment de folie pure que ce soit en bord de mer, les pieds dans le sable ou avec un nœud pap à une soirée de la Fashion Week. Voyage Voyage nous prépare, avec quelques jours d’avance, au retour au printemps. Le pied ! Générosité aussi en interview, quand ils nous reçoivent dans une chambre d’hôtel de Pigalle où tout y passe : le Groenland, les Baléares, le studio de Damon Albarn, David Bowie et les origines de leur vocation musicale. Intense.
Sortez les sunglasses, Gaëtan et Amaël rayonnent et sont à retrouver en tournée en France et à Nogent sur Marne, le 9 juin.
INTERVIEW
Trois adjectifs pour décrire votre partenaire de scène, de création ? Amaël : Brillant, charismatique et subtil. Gaëtan : Flatteur, mais honnête… non mais c’est mon frangin que j’adore, j’en pense pas moins !
Quelles sont les vertus de partir en périple mondial ? C’est pour échapper à la routine ? Trouver l’inspiration ? Se faire du bien ? Gaëtan : Je pense que la notion de se faire du bien c’est plutôt le moteur. Après les morceaux ont été créés sur la route. Ce n’était pas un choix conceptuel de base. C’est juste que ça se soit fait comme ça, au cours du voyage. En voyage, tu continues à composer, à penser à autre chose. C’est un peu comme des carnets de routes mais qui ne sont pas forcément en lien avec les lieux avec lesquels j’étais amené à découvrir.
Mais le tour du monde état déjà fixé au départ ? Gaëtan : En fait, j’avais un billet ouvert, sur deux ans. D’abord, une première destination et après j’ai compilé. J’ai essayé d’aller là où je pouvais, en fonction des envies. Parfois ça t’emmène dans des endroits improbables. Je me suis retrouvé dans le Yucatan où j’ai rencontré un mec du Belize (ça ce n’était pas prévu). Donc j’ai pris un bateau avec ma copine et on a traversé une frontière improbable, avec des mecs armés, car il y a beaucoup de trafic par là-bas. On s’est retrouvé sur une île de Mangrove avec beaucoup de rastas, et aussi beaucoup de mayas, de leurs descendants.
C’est que des découvertes, des lieux et des rencontres assez improbables. C’était parfois des chemins de traverse. Même s’il y a des lieux plus classiques comme Sidney.
Et du coup, Amaël, tu l’as rejoint sur certaines destinations ? Amaël : Absolument pas ! On avait décidé, à la fin de la tournée asiatique de 2013, de prendre un vrai temps pour nous. De stopper un petit peu Pony et de mettre ça entre parenthèses pour pouvoir se recentrer, vivre des choses, voir nos familles. Gaétan a choisi de voyager et a composé les bases des morceaux pendant ses voyages. Il n’a pas composé pour l’album.
C’était aussi le plaisir de faire un break. De faire de la musique juste pour faire de la musique sans nous dire que ça va servir ou qu’il faut faire un truc catchy ou pas catchy. Gaëtan : Il n’y avait pas de contraintes.
Est-ce que tu faisais écouter à ton frère à distance ? Gaëtan : Non. La première fois qu’on s’est retrouvé pour parler de l’album, il y avait que 80 bouts de chansons. Et on a choisi par affinité. C’est très arbitraire et pas calculé. On en a choisi 30 pour les avancer un peu plus et après sur ces trente, on en a travaillé 20.
Mais vous avanciez tous les deux, ou chacun de votre côté ? Gaétan : Sur la première phase, j’ai plutôt refait les trucs tout seul. Amaël : En fait, ça a toujours été comme ça. Gaëtan est plus producteur et compositeur. Mais on a quand même continué à échanger. Gaëtan : Techniquement, c’est ça. Il y a des petites brides, des petits brouillons. On les a choisis ensemble. Après, j’ai vraiment composé les lignes de chants et les paroles, structuré toutes les harmonies et les mélodies. Et c’est après ça qu’on est revenu dessus, que l’on a choisi. Il y avait plus d’échange à ce moment-là. Après, il fallait leur donner une vie, une couleur. Amaël : Les choisir, parfois les mélanger, les déstructurer pour les refaire à l’identique. S’interroger sur « est-ce qu’il faut plus de paroles, moins de paroles ? ». Vraiment échanger autour de la musique.
Mais dans un premier temps on s’est vraiment retrouvé pour passer du temps ensemble et parler de musique tranquillement. On a fait ça sur deux ou trois stop : Anger, Hossegor…
Gaëtan : Après, j’ai un petit home studio aux Baléares. 🙂
On imagine tout de suite la carte postale … Gaëtan : Mais c’est une carte postale ! Et en dix fois moins cher qu’un petit studio à Paris. 🙂 C’est hallucinant. Du coup, on a eu cette chance là, et c’était surtout pour se retrouver tous les deux, passer du bon temps.
Et puis on y a amené notre pote Fred Lo qu’on a croisé à Paris par hasard un soir, qui a produit notre premier album, pour partager des bons moments aux Baléares mais aussi finir l’album avec lui. Amaël : Il est venu tester notre compatibilité d’humeur. Et malheureusement, ça s’est trop bien passé parce qu’on a énormément rigolé et qu’on a fait du bon taff.
Au final, on a fini dans sa cave de 10m² au 3ème sous-sol à Paris. Gaétan : Mais on a vraiment fini à Londres en fait, dans un studio.
J’allais y venir, pouvez-vous me décrire le studio de Damon Albarn ? Amaël : C’est un bedroom studio selon Stephen Sedgwick. Gaëtan : De 350 ou 380 m² en plein Londres. Amaël : T’es face à un hangar, une devanture de garage automobile… Gaëtan : C’est quand même à Damon Albarn et tu rentres dans un studio de fou avec des instruments du monde entier, du matériel haut de gamme et une acoustique incroyable. Y’a des bacs où tout est posé par terre. Amaël : Ça peut être dans des flight cases avec des autocollants Gorillaz dessus, des caisses où il y a mille percussions, des vieux meubles où tu trouves des micros qui valent une blinde.
Gaëtan : Il y a même les paroles des futurs albums ! Amaël : C’est tellement pas tape-à-l’œil, en plus. T’as un babyfoot, une petite cuisine pour te faire à manger. Tout ça accessible et avec le droit de t’en servir. C’est le vrai bonheur.
Alors qui avait les clefs de ce studio ? Gaëtan : C’est un peu un coup de chance en fait. Amaël : C’est vraiment l’ingé son du studio. C’est un studio privé en fait. C’est le studio de Damon Albarn qui lui sert tous les jours de l’année.
On a eu un coup de bol monstre. C’était la reformation de Blur et ils étaient en tournée en Asie au moment où on voulait mixer.
On voulait bosser avec Stephen Sedgwick et on a eu la possibilité de le faire. Gaëtan : C’est un truc assez rare, c’est par connaissance qu’on a eu accès à ce studio personnel. On était vraiment dans l’univers de Damon. Amaël : Il y avait quand même une confiance car il y avait des partitions sur le piano et toutes ses affaires personnelles. Gaëtan : Il y a beaucoup d’histoires dans ce studio car il y a beaucoup de voyages : des synthés chinois, russes. Des trucs étranges et incroyables : des vieux orgues d’églises, par exemple, mais qui sonnent mal.
Quels sont les instruments les plus incroyables que vous ayez utilisés ? Gaëtan : Des percussions dont on ne connaît même pas le nom. On a eu une journée percussions, c’était très sensuel et percussif. Amaël : Je me souviens d’un truc qui ressemble à un interphone du futur, genre film de science-fiction. Et puis tu as dix tirettes et ça te fait de séquences de son. Gaëtan : Il y a le piano de Damon Albarn, qu’il utilisait dans Gorillaz. Il sonnait tellement bien, on l’a pris avec un micro à l’arrache avec des accords plaqués. On le retrouve sur You don’t feel it.
C’est que des expériences comme ça : il y a un truc qui traine, on sort le micro et tac tac tac … De vrais gosses en train de tout essayer.
Et vous êtes restez combien de temps dans ce studio ? Amaël : Quinze jours !
Tout le monde nous a dit : « Vous allez à Londres, vous allez dépenser plein d’argent ! ». Au final, on pensait vraiment vivre la vie londonienne, mais on était de 9 heures du matin jusque 20h, parfois minuit dans le studio. On avait souvent des échanges avec Stephen sur le mix.
Justement : une leçon de musique que vous avez eu avec Stephen ? Amaël : Ce n’était pas vraiment au niveau de la musique. C’est plus rentrer dans le son. Gaëtan : Il a une approche très physique du son et très acoustique aussi. Il a aussi une oreille pas hip hop mais presque : dans la rythmique et la basse. Finalement, ça amène notre musique dans une autre direction, avec une autre dynamique. Gaëtan : Il a repoussé tout ce qui était guitare stridente qui percutait, histoire d’avoir le relief qui nous intéresse car on vient plutôt du rock. Mais tout ça c’était hyper simple.
Et un accident heureux ? Amaël : En fait, il n’y a que des accidents heureux. 🙂
On voulait vraiment se marrer, que ce soit ludique et expérimental. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’accidents heureux.
Et je crois que celle qui est le plus proche de l’accident le plus heureux c’est Berlin, qui est une espèce de jam. C’est que deux prises, rien n’a été édité. On l’a laissée telle quelle.
Il y a aussi Belong. C’est que des accidents qu’on a laissés. On s’est dit « les dissonances on les garde ! ».
Un moment de musique c’est ça : c’est les choses que tu ne maîtrises pas. Des trucs spontanés qu’on a laissés, dans la cruauté de la prise…
Mes oreilles a fait repeat sur 3 titres : Belong, Berlin et Dum dum… Amaël : On sent que tu aimes la musique ! Gaëtan : C’est intéressant Dum Dum car on en parle assez peu. Amaël : Il a un côté super pop-rock ! Gaëtan : Il a un côté sixties. C’est un peu le Wall of sound de Phil Spector. Il y a les cloches tubulaires derrière. Dans le studio, on lance : « on va mettre des cloches là » et on les a mises. C’est des moments où tu te demandes si ce que tu as dit est vraiment une bonne idée. Et en fait oui, c’est une super bonne idée !
Du coup Dum Dum, c’est la première chanson qui a été composée pour l’album. Et c’est une chanson qui a été faite à Sidney. Et elle a eu beaucoup de vies. Au début, elle était très simple : guitare-basse-batterie. Après, elle est devenue grandiose électronique avec violons. Puis elle a fini hybride… Amaël : Dans sa meilleure version… Gaëtan : Elle s’est terminée justement dans le studio de Damon Albarn. Avec des centaines de prise des voix, des chœurs et des chœurs qui sont vraiment dans la bande. Une journée entière de prises de voix pour les chœurs. On les entend quasiment pas mais ils sont tous derrière. Et on a bien failli ne jamais s’arrêter…
Quelques mots sur le titre Berlin ? Gaëtan : Il a été composé à Hossegor dans les Landes ! Le propos est d’aller à Berlin. J’y suis allé très souvent, j’étais même prêt à aller y habiter. J’y ai passé de très bons moments musicaux (électro, expériences assez fortes).
L’influence musique techno berlinoise était la base du titre. Le jour de la finition, on était en studio avec Fred à Paris, on a fait un grand djam sur ce titre, totalement spontanément.
Il y a juste eu 2 prises et on n’a même pas recalé les erreurs. Ça donne ce côté extensible.
On tente la version acoustique pour le live.
Le lieu le plus improbable pour composer un titre ? Gaëtan : Kulusuk au Groënland, dans une vallée. J’étais dans une chambre avec une vue sur un fjord et des icebergs qui passaient, au mois d’août. Il y avait une vague pénombre entre minuit et 4 heures du mat. Un trait orange, avec des icebergs dans le champ de vision. J’ai composé 3 chansons dans cette chambre dont Alright, qui s’est appelé très longtemps Kulusuk 3. Car tous les titres de chansons portaient le nom des lieux où elles avaient été composées.
Kulusuk était vraiment le décor le plus improbable : 50 habitants Inuits, moi et ma copine.
Les pays les plus inspirants musicalement ? Gaëtan : Le Japon et le Laos. Y’a beaucoup de réminiscences asiatiques dans cet album. Ce sont des thèmes un peu masqués. L’Islande aussi, mais ça ne s’entend pas forcément.
La rencontre décisive qui a fait de vous un musicien, chanteur ? Amaël : La rencontre de mon petit frère, tout simplement en faisant de la musique. Et aussi Laurent Piercon, prof de guitare à Angers qui a joué dans pas mal de groupes. Il m’a mis le pied à l’étrier, en me donnant confiance en moi.
Et ma fille ! Avant d’être papa, je ne pensais pas que chanter serait fait pour moi. C’était très con. J’ai commencé à chanter pour elle, et j’ai continué. J’ai compris la vibration. Et surtout, tu as tous les instruments de musique en toi. Gaëtan : Pour moi, c’est la rencontre avec des instruments étranges quand j’étais gamin. Je tapais, apparemment, assez souvent sur les tables, en rythme. Ils m’ont mis dans un lieu : La Galerie Sonore avec tous les instruments du monde. Une flute bambou laotienne. Les enfants étaient lâchés dans ces instruments. J’ai eu une approche ludique (alors qu’à 8 ans, je séchais les cours de solfège).
Je leur dois tout.
Et toujours maintenant, dès que je vois un instru étrange dans un pays, j’essaie d’en jouer et je le ramène.
Une chanson pour quitter Paris ? Amaël :Let’s dance de David Bowie Gaëtan : Veneer de José Gonzalez
Une chanson pour pleurer ? Gaëtan : 900 miles de Terry Callier. Amaël : Loro de Pinback
La dernière claque musicale ? Gaëtan : Pas vraiment une claque. Mais un titre accrocheur : Tough Love de Jessie Ware, c’est un peu adolescent. Amaël : Le dernier album de Room 204, un groupe matrock nantais. J’étais à un de leur concert dans un appart en réfection avec des vignerons bio. Et je me suis pris, musicalement, une grosse claque !
Pony Pony Run Run nouvel album Voyage Voyage
(Pias France / Le Label)
Edition vinyle à 1 000 exemplaires
En concert le 9 juin au Pavillon Baltard (Nogent sur Marne) et en tournée : Montgey, Meneac, Anet, Douarnenez, Saint Priest, Ile d’Yeu, Saint-Julien, Nancy…