Peu habituée à l’exercice de l’interview en français, Anna Aaron s’est dévoilée avec une sensibilité et honnêteté rares lors de notre rencontre. Après une enfance passée aux Philippines, sans musique, elle s’initie aux standards avec les comédies musicales comme le Fantôme de l’Opéra, Cats et avec une vraie passion pour Tommy du groupe The Who, sa première émotion musicale.
Elle sera de retour à Paris pour un concert le 4 novembre 2014 aux Trois Baudets.
Pour l’artiste qui sort son second album, Neuro, Paris est synonyme de promo, de sessions radios et aussi de concerts avec le musicien Eric Truffaz. Elle n’en revient toujours pas que le public parisien réserve un accueil si particulier aux artistes. “Il les fête !” Avant d’ajourer : “les parisiens ont a une sorte de culture de l’applaudissement.” Elle admet que “c’est peut-être un peu exagéré, parfois !” (rires). Mais que “c’est beau.” Alors qu’en Suisse, l’accueil est plus modeste, avec distance.
A Paris, Anna Aaron a l’impression d’être connue et attendue. C’est effectivement l’impression que nous avons quand on la retrouve dans un Centre Culturel Suisse entièrement à son écoute, quelques jours avant ses concerts donnés dans le cadre du festival Les Femmes s’en mêlent.
J’ai été impression par le rythme incroyable du titre Stellarling. Comment l’as-tu composé ?
J’ai conçu ce morceau au piano. Je ne suis pas une virtuose, du coup je me concentre sur la rythmique quand je joue et compose. J’ai une manière assez “percussive” de jouer cet instrument.
Ensuite, c’est grâce au batteur
Jason Cooper – membre du groupe
The Cure – qui a compris la musique et qui a réussi à transposer ce rythme sur le disque. Ça a été un bonheur pur de jouer avec lui.
De quoi parle la chanson, Stellarling ?
Il est question de la douleur de la séparation. Ce n’est pas juste la séparation amoureuse. Ce titre est le premier morceau que j’ai écrit pour mon nouveau disque. Et j’avais le sentiment qu’il me fallait lâcher quelque chose, comme une innocence. J’avais déjà un premier album, pour le nouveau, je me disais que je n’aurais plus cette innocence.
C’est pour cela que j’ai écrit la phrase : “Never get back what you lost” Tu n’auras plus jamais ce que tu as perdu.
Mais en fait, je pense avoir commis une erreur (rires). Quand j’ai enregistré à Londres, j’ai senti au contraire que je n’avais rien perdu. Et que tout était encore bien présent en moi : notamment l’énergie.
Des fois, j’ai tendance à tirer vers le drame. Et j’ai plutôt gagné que perdu.
Avais-tu des images en tête en concevant l’album Neuro ?
Je voulais quelque chose de lumineux mais dans le noir, comme un sous-marin ou un vaisseau spatial. Je ne sais pas trop pourquoi. Je suis fascinée par ce concept. Il y a quelque chose de mystérieux et lumineux à la fois.
Comment s’est déroulé la collaboration avec le production David Kosten ?
David m’a beaucoup aidé dans la recherche de sons. Il y a un nombre incroyable de synthés dans son studio. On a passé beaucoup de temps à chercher des samples.
Avec lui, j’ai remarqué l’importance des démos. Parce que j’avais beaucoup travaillé chez moi, sur mon ordinateur. Les morceaux étaient déjà là, clairs, aboutis. Du coup, on a pu enregistrer très vite. On n’a pas eu à tâtonner. Je savais ce que je voulais. C’était une belle surprise de collaborer avec lui.
J’adorais les albums de Bat to Lashes, un son magique et moderne à la fois. C’était le seul producteur que je voulais. Je pensais qu’il ne répondrait pas à mon message. J’ai pleuré de joie en lisant sa réponse.
Et la rencontre s’est faite rapidement ?
C’était hallucinant. Il nous répond en octobre, il vient en Suisse me rencontrer le mois suivant.
Et en décembre, nous nous retrouvons en studio.
Qui est Linda ?
C’est le personnage du film Enter the Void de Gaspar Noé. C’est la soeur d’Oscar. Ils habitent Tokyo. J’ai regardé ce film spécialement pour l’album car je recherchais des ambiances visuelles, des images de grandes villes et métropoles contemporaines et futuristes.
C’est pour ça aussi que j’ai lu beaucoup de livres de science-fiction pour m’inspirer de ces univers urbains et technologiques.
Quelles sont les autres oeuvres qui ont participé à la conception de l’album ?
Neuromancer le livre de William Gibson, le film Ghost and the shell et Philip K.Dick l’auteur de Blade Runner.
Quels sont les artistes qui t’inspirent ?
J’aime beaucoup Talk Talk et David Bowie. C’est probablement les seuls que j’écoute en ce moment.
Pour David Bowie, c’est la période de Berlin. Mon initiation à Bowie s’est faite avec Station to Station.
Quelle serait la chanson qui pourrait être utilisée pour la bande-originale de la prochaine adaptation du livre Neuromacer au cinéma avec Lian Nelson ?
Ce serait sans aucun doute Simstin. J’ai en fait beaucoup piqué de paroles du livre. Il y a aussi beaucoup de personnages qui apparaissent dans ce titre. Je pense que c’est le morceau le plus proche du livre. D’ailleurs simstin est un mot inventé par William Gibson, l’auteur du livre.
Que retiens-tu de ta lecture de Neuromacer sur les réseaux sociaux ?
Ce qui m’a marquée c’est cette problématique d’être des personnes physiques qui nous connectons à un réseau numérique.
Le truc vraiment flippant c’est que dans le livre la connexion se fait à travers le corps.
C’est à la fois effrayant si ça arrive et cela soulève des questions philosophiques incroyables.
Quel a été le déclic de devenir musicienne et chanteuse ?
Je ne sais pas trop. Un jour j’ai senti que la musique faisait vraiment partie de moi. Mais j’ai dû lutter au début, parce que la capacité de composer n’était pas un process évident.
Et un jour, ça a explosé. Je me souviens de ce jour.
Un morceau est sorti, en texte et en musique, c’était Mary Ruth, présent sur le premier EP.
Et après les titres se sont enchaînés. J’ai compris à ce moment-là que cet événement changerait ma vie.
Anna Aaron, nouvel album NEURO
Chez Discograph
Anna Aaron concert aux Trois Baudets le 4 novembre 2014 avec Animen et Polar
64, boulevard de Clichy
75018 PARIS
Bonus : un EP de 5 titres en téléchargement gratuit sur : www.annaaaron.fr