Les 7 doigts, l’autre compagnie – emblématique – de cirque made in Québec ne quitte plus Paris.
Elle nous revient avec le captivant spectacle Cuisine et Confessions et une série de numéros savoureux sur la scène de Bobino depuis le 19 septembre 2018.
CONCOURS dans ce billet !
Cuisine et confessions offre un savoureux mélange de danse, acrobaties, chansons, recettes en live et échanges rares entre artistes et spectateurs.
Les 7 doigts est une compagnie atypique. La notion même de nouveau cirque explose joyeusement, invitant d’autres disciples à participer au spectacle comme un tour de chant, les confidences des interprètes au public sur leur histoire personnelle.
Ce n’est donc pas à une succession de numéros à couper le souffle que vous allez assister mais à un joyeux boxon bien mené par des artistes métissant sur scène leurs origines (Argentins, Américains, Canadiens, Russe….). Ça parle anglais, français, espagnol… On ne saisit pas tout, qu’importe ! La fougue et l’énergie sont constantes.
Le spectacle est bourré de petits détails, d’arrières plans qui bougent derrière les numéros d’équilibre.
Les circassiens ne quittent jamais la scène. Ou alors seulement pour s’aventurer dans la salle au milieu des rangées bien serrées de spectateurs captivés.
Plus fort encore que le Cirque du Soleil : c’est à un véritable coup de foudre qu’il nous est aussi donné d’assister chaque soir. Amazing!
Le tour de chauffe général est rehaussé d’une bande son aux petits oignons avec des reprises hallucinées du titre phrase de Grease, You’re the one that I want et du Boléro de Ravel en version chantée, exotique et envoûtante.
Après les applaudissements mérités, l’interaction se poursuit avec la salle par le biais d’une dégustation des recettes concoctées sur scène.
C’est généreux, audacieux et bon enfant !
Cuisine et confessions par la compagnie Les 7 doigts
Après avoir enchainé une série de soirées sold out à Bobino, au Grand Rex et au Zénith de Paris, l’hypnotiseur star venu du Québec, Messmer, va envoûter le Grand Rex pour une série de dernières pour Imtemporel qui promettent d’être une nouvelle fois spectaculaires.
Notre première fois avec Messmer nous faisait un peu flipper, on avoue. On nous avait parlé d’une spectatrice qui avait dormi pendant la totalité du spectacle. Des personnes faisaient des choses inhabituelles sur scène.
Son pouvoir allait-il se jouer de nous ?
Notre sensibilité aux ondes du maître n’est pas acquise pour le moment. Il y a des spectateurs plus sensibles que d’autres ; c’est bien connu.
Et quand on voit ceux-ci monter sur scène sans résistance, force est de constater que ce Messmer a un réel pouvoir.
Bien sûr un coup de bluff serait possible, mais répété tous les soirs avec des complices, les mêmes ou d’autres, c’est fort peu probable.
Et c’est d’autant plus évident quand on laisse traîner une oreille curieuse pendant l’entracte du côté des “cobayes”. L’un d’eux confirme à ses collègues de boulot, l’accompagnant : “j’ai conscience de ce que je faisais, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le faire”. Avant de rajouter : “je suis content de vous avoir fait marrer”.
Les scénarios dans lesquels sont conduits ces spectateurs et trices “consentants” sont aussi amusants que déconcertants.
Si vous connaissez déjà les prestations télé de Messmer, vous retrouverez certaines situations comme celles vécues par Mathieu Madenian ou Michel Cimès.
Ce qui nous a finalement le plus impressionné, c’est notre voisine, qui est restée comme paralysée sur son siège. Son boyfriend riait, parfois un peu jaune surtout après avoir passé la main devant les yeux de sa belle qui n’avaient plus prise avec le réel.
Alors que Messmer demandait à d’autres de lever un bras, notre voisine amorçait un mouvement, mais restait collée à son dossier, les yeux concentrés sur quelque chose hors de portée pour nous.
Notre voisine a repris ses esprits une fois le show terminé, un peu hagarde. On le serait à moins.
Reste à vérifier si les spectateurs hypnotisés ont réellement des heures de sommeil en bonus quand ils sont sous emprise du maître des ondes, comme ce dernier le prétend.
Laurent, le violoncelliste et Paul, le pianiste, reviennent à la scène avec le 2e round de leur Duel musical au Théâtre du Palais Royal. Toujours avec la même passion, l’esprit rebelle et les doigts agiles pour faire rire le public et lui rappeler le plaisir de la musique classique. Duelopus 2 est un spectacle intelligent, mélomane et décalé à mort, pour tous.
Bien sûr les compositeurs sollicités et interprétés par les deux complices ne sont pas de première jeunesse. Que de soit Mozart, Ravel, Bach mais aussi Deep Purple, The Beatles ou Lou Reed, Beeges. Qu’importe si ces deux musicos à bretelles ne reprennent pas un titre bien actuel de Beyoncé, Rihanna, Coldplay ou U2, – bien que la simple idée pourrait nous enthousiasmer tout autant.
Le talent de ce nouveau Duel est de nous surprendre à chaque numéro.
On croit comprendre la mécanique du show, dès le départ, avec un running gag autour du violoncelle qui ne tient pas au sol.
On rit mais on se prend à anticiper ce qui va arriver. Après le violoncelle, le piano récalcitrant.
Et puis rien de tout cela. De multiples accessoires aussi instrumentaux qu’inhabituels vont venir servir le grain de folie des deux interprètes.
Aucun numéro, aucune interprétation ne ressemble à une autre.
Le “duel” est sans temps mort, tout en humour, sensibilité et inventivité.
Duel Opus 2 c’est de l’humour, l’amour à la plage sans les tongs, un club de jazz enfumé, un Rocky bien habillé, des clowns mélomanes et des morceaux de classiques euphorisants !
Après notre enthousiasme, place aux artistes qui se sont prêtés au jeu du selfie en coulisses juste avant leur entrée sur scène et ont répondu à nos questions existentielles.
INTERVIEW SELFIE
A part vous, est-ce que les musiciens classiques ne se prennent pas un peu trop au sérieux ? Paul Staïcu : L’image du musicien classique est sérieuse en effet. Au fil du temps le côté savant s’est imposé dans l’imaginaire collectif pour une myriade de raisons difficilement analysable dans cet espace. Ce qui nous semble clair c’est que ceci s’est fait en réalité au détriment, et non à l’avantage, de la perception du grand public nous concernant. Alors, l’un de nos ressorts est aussi celui de re- dimensionner l’image, la ramener plus proche d’une forme de « normalité » – après tout, c’est bien de la musique… Laurent Cirade : Oui, je le pense. Les musiciens classiques se prennent au sérieux car le parcours, la sélection très compétitive qu’il faut surmonter pour devenir un musicien classique professionnel est tellement ardue (à peine 1% y arrive) qu’il faut se rendre compte de l’évidence, faut du sérieux pour y arriver… Et c’est un formidable ressort comique pour nous ! De même qu’on détourne les musiques, les instruments et certains objets, on détourne aussi l’image même du musicien classique dans toute son entité. Du coup on le démocratise, on le rend accessible.
Auriez-vous une anecdote d’un concert raté, d’une catastrophe scénique drôle ? Paul : Pas d’un ratage, mais la fois au Théâtre National du Kosovo ou un technicien de plateau, visiblement mal informé des horaires de spectacle, est rentré sur le plateau avec son sceau d’eau et ses balais pile lorsqu’on … commençait à jouer : unique ! (rire) Voyant la salle comble, il s’est vite retiré ; à mon avis, il en entend encore parler aujourd’hui. L’hilarité de la salle et l’invraisemblable de la situation placent ce moment dans notre top … 1 ! Laurent : On en a beaucoup. Je m’en souviens d’une particulièrement : On jouait un théâtre National de Luanda en Angola dans un beau théâtre rococo du 19e siècle. En plein milieu du spectacle, la salle plongée dans le noir était attentive et silencieuse et moi sur scène, éclairé par une simple « découpe », je jouais un morceau très lent au violoncelle et en même temps au Didjeridoo. Soudain, surgissant du noir en se plaçant juste sous le projecteur en face de moi au bord de scène : un énorme rat ! Je me suis arrêté de jouer et on s’est regardé, lui et moi, quelques secondes sans bouger… C’était totalement surréaliste. En un instant, un énorme brouhaha est monté du public. Le rat réalisant, tout d’un coup, la présence massive d’êtres humains tout autour de lui s’est sauvé comme une fusée ! Entre rires et consternations, le public a applaudi longuement le départ du rat.
3 adjectifs pour décrire votre partenaire de scène ? Paul : Grand, costaud, sympa. Laurent : Petit, fluet et rigolo.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour concevoir ce spectacle ? Pour le répéter ? Quelle(s) étai(en)t les difficultés ? Paul : Il nous a fallu presque 6 mois de répétitions intensives avant de commencer à jouer. Nous avons à la fois inventé de la matière, repris quelques sketchs de la 1ère mouture américaine (réalisée par Laurent avec un autre pianiste) et répété et mis en forme le tout. C’est un gros travail dont les gens n’ont souvent pas conscience, puisque tout semble véloce, aisé, spontané : pour y arriver, attachez vos ceintures !
L’une des principales difficultés est l’absence de dialogue, qui vous prive d’emblée de tout un pan de créativité basé sur l’actualité, les blagues du moment, les modes passantes etc. – tout ce dont se servent les stand-up par exemple. Alors il faut creuser ailleurs, dans un imaginaire général humain plus élargi, avec un choix de musiques adéquat etc. C’est tout un exercice, en fait. Laurent : C’est très long de concevoir un spectacle comme « Duel ». Je dirai qu’entre le début de la conception, les répétitions et la fin du rodage il faut compter un an à temps plein. Les difficultés sont successives, la première c’est d’avoir beaucoup de matière, beaucoup des choses à raconter. Les suivantes sont de ne pas tomber ni dans la facilité ni dans le discours pour initiés, mais trouver le juste milieu, l’équilibre qui consiste à mettre le curseur au bon endroit. Et une autre difficulté consiste à travailler intensément pour rendre les choses fluides et que tout paraisse facile.
Quel morceau classique a pu vraiment vous ennuyer à interpréter, au cours de votre carrière ? Paul : Personnellement, dans ma jeunesse d’apprenti pianiste, un morceau de F. Liszt : Saint François de Paule marchant sur les flots. Il m’a paru à l’époque (je devais avoir dans les 15 ans) à la fois d’une grande difficulté et d’un pompeux un peu kitsch. Comme si je me disais, tout ça pour ça ? autant de travail pour des effets un peu creux – oh pardon, j’étais encore jeune … – mais vraiment, c’est ce que j’ai ressenti. Je l’ai appris naturellement, et je l’ai même joué au Concours International de Piano de Catanzaro en Italie (j’ai obtenu le Primo Premio Assoluto). Mais le morceau m’a toujours paru, comme on dit aujourd’hui : « over inflated ». Laurent : Avant de faire de la scène j’étais (entre autres) musicien d’orchestre « tuttiste » pendant 4/5 ans. Je passais d’un orchestre à l’autre au gré des engagements. Un jour dans un orchestre en province, je me suis retrouvé à jouer la 9ème de Beethoven avec un chef tellement mauvais que l’orchestre ne le suivait plus. À la fin de la symphonie, le chef qui était probablement sourd avait une mesure de retard sur l’orchestre. Il a fini tout seul pendant quelques secondes à battre dans le vide devant un orchestre stupéfait et un public gêné. Grand moment de solitude…
Avez-vous, toujours au cours de votre carrière, appréhendé plus particulièrement un morceau avant de le jouer ? A cause de sa difficulté, de son rythme… ? Paul : Avec Duel, opus 1, ce serait la Toccata de Prokofiev ; autre gros morceau pianistique, dont la technique poussée fait que les dernières années de Conservatoire le passaient pour obtenir leur diplôme. Le jouer tous les soirs dans le numéro du Vol du bourdon – dans lequel Laurent vole littéralement au-dessus du piano dans un harnais avec son violoncelle – est un exploit à la fois décalé, drôle mais toujours réellement difficile : il faut tenir cette musique et en plus lui adjoindre le jeu de scène. Essayez, vous verrez. Laurent : J’ai toujours de la difficulté à jouer les morceaux virtuoses en faisant un jeu de scène. C’est toujours compliqué de faire le clown quand les doigts bougent à 100 à l’heure.. Le moment où je fais le « guitar hero » avec mon violoncelle me prend beaucoup d’énergie pour tenir mon violoncelle en l’air tout en jouant un solo de guitare, c’est toujours un moment que j’appréhende dans le spectacle.
Quel morceau vous rend le plus heureux et le plus souvent quand vous le jouez ou l’écoutez ? Paul : N’importe lequel, quand il sort enfin comme je le souhaite ! Plus il a été dur à atteindre, plus il vous rendra heureux lorsque vous le maîtrisez. Laurent : Ça dépend des jours.. Certains jours je suis plus « classique » et d’autre je me sens plus heureux et inspiré en faisant du rock.
Une chanson inavouable que vous aimez écouter ? Paul : Comment l’avouer, si elle est inavouable ? J’avoue avoir été fan de toutes sortes de trucs comme – dans le désordre – Al Jarreau, Kenny Rodgers, Boney M, Michael Jackson, sans compter les idoles pianistiques en jazz, comme Oscar Peterson, Bill Evans ou Keith Jarret. Mais le fond de l’apprentissage a toujours été classique. Laurent : J’adore chanté du Delpech sous la douche.. mais Delpech n’a rien d’inavouable. En fait je n’ai rien d’inavouable car j’assume tout ce que j’aime !
Après les Bee Ges, Deep Purple, seriez-vous prêts à réinterpréter un titre actuel : Rihanna, Beyoncé ou Colplday ? Paul : Ce n’est pas tellement l’actualité immédiate d’un titre qui le rend éligible, mais plutôt la motivation dans l’action scénique et le rôle qu’il va y jouer. Le sens que donne la musique est essentiel. Parfois, un morceau trop à la mode obscurcit le sens, comme une étoile qui empêche de voir le ciel dans son ensemble en brillant trop fort. Il faut veiller à maintenir un bon équilibre entre tous les éléments. En principe sinon, il n’y a aucun interdit – heureusement ! Laurent : Comme on joue nos spectacles longtemps, il faut être sûr que les titres actuels resteront dans l’inconscient collectif. C’est seulement après 10, 15 voire 20 ans qu’on voit ce qui reste.
Pourquoi ne pas oser, alors ? Paul : Aucun problème, on ose tout. Un refus viendrait uniquement de l’inadéquation avec l’action en cours. Quand une idée est bonne on la creuse. Ensuite, on voit ce qui fonctionne et ce qui est moins convaincant. Laurent :L’opus 3 est en gestation mais ce n’est pas pour tout de suite car la demande actuelle pour ce spectacle (Opus 2) est encore très importante.
DUEL Opus 2
spectacle musical et humoristique de et avec : Laurent Cirade et Paul Staïcu