Le cinéma peut faire du bien, faire grimper sur nuage en haut duquel on observerait le monde. La preuve avec Visages Villages, un film de deux artistes séparés (en âge) de seulement 55 années. JR, la super star du collage photographique prend comme coéquipière de son van photomaton la réalisatrice-doyenne espiègle du cinéma français Agnès Varda. Ils se mettent en scène à travers les rencontres qu’ils font (ou pas) à travers la France.
Visages Villages : double regard
JR et Agnès Varda ont en commun d’aimer la rencontre avec des inconnus, de les photographier, filmer, tout en les faisant parler d’eux.
A priori, rien ne devait les faire tourner ensemble mais la fille de la réalisatrice a joué l’entremetteuse. D’un premier rendez-vous Rue Daguerre, un second est très vite fixé à l’atelier de JR qui commence à filmer. Varda veut sortir de la ville. C’est le début d’un road trip débridé, les deux acolytes ne se sépareront plus.
L’aventure s’est terminée, il y a seulement quelques semaines.
C’est la tendresse du regard, de l’attention portée à ces anonymes qui touche, bouleverse, surprend. Impossible d’oublier cette femme émue de se voir en portrait géant sur la façade de sa maison, cette mise en scène belle à souhait des pieds et des mains photographiés de Varda par JR.
“On n’est pas 4 garçons dans le vent. Mais 2 personnes dans le calme ! “ Agnès Varda (en référence à l’affiche du film)
Il faut les voir en vrai tous les deux, se titiller, s’envoyer des pics gentiment. Agnès Varda aurait-elle trouvé une source de jouvence avec JR à ces côtés ? Elle est obligée d’avoir de la répartie, d’être concentrée. Ça fuse à toute occasion, sur tous les sujets.
Lors de la Cinexperience réunissant les deux artistes, JR confie “je n’ai jamais autant donné avec ce film“. Et Agnès Varda de poursuivre : “Être un artiste est un paradoxe. On veut mettre en valeur les gens mais on est narcissique. On fait des films pour qu’ils soient aimés.”
Le but de ce film, de cette intrusion dans la vie de ces anonymes était “de réveiller chez eux leur propre imagination, leur propre désir artistique.”
-M- a été embarqué dans l’aventure par les deux complices. C’est un nouveau visage du génial compositeur-musicien que l’on découvre avec des musiques inédites. Et c’est Varda qui en parle le mieux : “Matthieu Chedid est assez fringant et baroque. Et avec ce film, il est plus tendre et mélancolique.”
Visages Villages est un film drôle, hors des sentiers du cinéma français qui se regarde le nombril. Fragile aussi parce que fait dans l’urgence avec peu de moyens, avec l’aide de “kisskissbankers” qui ont cru (et ils ont eu raison) à ce duo burlesque inédit et désopilant.
Visages Villages est un petit bonheur à voir sur un grand écran pour ne rien manquer de la force de cette aventure humaine.