Le rouge à ses lèvres rappelle ces femmes modernes des publicités des années 60, son port droit a l’élégance d’une dame du monde et son large sourire aguiche gentiment ses interlocuteurs. Posée et un brin sérieuse, Zaza Fournier sait également se moquer d’elle-même, comme dans ces petites vidéos mises en ligne à l’occasion de la sortie de son troisième album, Le Départ, le 16 mars dernier. Après un concert parisien le 20 septembre dernier, la chanteuse de 30 ans rechaussera son accordéon les 2 et 3 octobre prochains, au Théâtre Romain Rolland, à Villejuif. Entretien.
USofParis : Ton troisième album est moins sucré que le premier. C’est Camille qui est triste ou c’est le personnage de Zaza Fournier qui est mélancolique?
Zaza Fournier : On parle toujours de soi. C’est un confort que je me suis accordé mais il ne s’agit pas de se planquer derrière un personnage. Zaza, c’est moi puissance 1 000. On ne m’appelle quasiment jamais par mon vrai prénom. Quand les gens qui me connaissent uniquement à travers mon travail m’appellent Camille, j’ai l’impression qu’on est en train de me regarder les seins. Mon prénom est réservé aux gens très proches et à ma famille, même si la frontière entre Zaza et Camille s’efface petit à petit. Je deviens de plus en plus naturellement celle que je donne à voir sur scène, celle que j’ambitionnais d’être plus jeune.
Dans ton album Le départ, tu imagines partir sans revenir. Ça y est, la décision est prise?
Je n’ai pas l’impression de donner une réponse mais plutôt de décrire cet état dans lequel nous nous trouvons avant de faire un choix. D’ailleurs, dans la chanson Le départ, on ne sait pas si elle franchit le pas. Cet homme qui va venir la chercher, existe-t-il vraiment ?
Tu parles beaucoup d’amour, de séparation. Ce sont des sujets d’inspiration intarissables ?
L’amour en soit, oui, ça m’inspire. Ce qui m’intéresse, c’est la tentative d’être ensemble, car l’être vraiment, c’est difficile. Je ne parle pas uniquement de vivre côte à côte. Vraiment se rencontrer, c’est dur et ça demande une forme d’exigence dans les rapports. Mais c’est aussi la chose la plus passionnante au monde.
Aujourd’hui, je ne sais pas si je suis plus mature, mais quand j’ai écrit le premier album, je ne m’intéressais qu’aux chansons d’amour. Mes intérêts ne sont plus uniquement tournés sur ça. A 20 ans, on veut tous rencontrer quelqu’un avec qui vivre moins seule.
Vivre moins seule ?
Oui, je crois qu’on reste tout le temps seul. Il y a des moments de grâce, heureusement, où on arrive à être ensemble. On peut vivre à l’inverse physiquement proches, comme à Paris, avec ses enfants, sa famille et être très seul.
Paris t’inspire donc de l’amour et une certaine solitude ? As-tu un rapport particulier avec ta ville ?
Dans mon travail, sûrement. Mon grand luxe est de pouvoir partir. J’arrive à être heureuse à Paris quand je suis en tournée. Je vois maintenant ce qu’elle peut m’apporter. Ca me gratte toutefois d’aller voir ailleurs. Peut-être en province. Ça me semble impossible de vivre tout le temps au même endroit. Mais c’est certainement une action à mettre sur ma liste de choses que j’aimerais faire et que je ne ferai jamais.
Comment s’est passé le festival d’Avignon l’été dernier ?
Une des expériences les plus enrichissantes de ma vie. Il fallait mettre la main à la pâte, travailler dur et beaucoup jouer, sur une période resserrée. J’avais peur de la fatigue vocale. Mais je me suis bichonnée, j’ai beaucoup dormi et ça s’est très bien passé. J’en veux encore ! Je suis à deux doigts de proposer un spectacle pour l’année prochaine.
Avec un 4ème album ?
Je ne sais pas s’il y aura un quatrième album. J’écris tout le temps et j’aimerais peut-être proposer quelque chose d’autre. En tout cas, j’aimerais un spectacle plus écrit, qui mélange la musique et le théâtre. Mais c’est encore un peu tôt pour en parler.
En explorant d’autres genres musicaux ?
Non, je n’en ai pas envie. On m’a reproché d’avoir fait un deuxième album différent du premier. La création est pourtant un mouvement perpétuel. Ce mouvement m’intéresse et ma singularité est le trésor que je vais préserver. Le drame aujourd’hui, c’est que tout le monde doit se ressembler car la singularité fait flipper.
Certaines de tes chansons évoquent le genre ou le féminisme. C’est une forme d’engagement ?
Le genre m’a toujours intéressé. J’en parle dans le premier album, avec la chanson Mademoiselle. Dans mon dernier album, Garçon lui répond un peu mais c’est aussi une façon souriante de provoquer la discussion sur le féminisme. Je suis toujours étonnée quand je lis que la femme en France est l’égale de l’homme. C’est faux ! Il y a mille exemples qui le prouvent. Le premier, incontestable, c’est l’égalité salariale. De plus, une femme est encore sous le joug de l’homme, qui soit disant ne peut pas contrôler ses désirs. Se libérer de la tyrannie, ce n’est pas facile. Par ailleurs, quand on voit la façon alarmante dont on considère les femmes dans certains pays du monde, je crois que nous n’avons pas d’autre choix que d’être féministe. Pas de façon agressive, mais avec pédagogie et le sourire.
Propos recueillis par Joël Clergiot
Zaza Fournier
album : Le Départ
(Le Rat Des Villes / Verycords)
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